Les Afghans libérés pour le retour des talibans

Les Afghans libérés pour le retour des talibans

Pendant que les soldats britanniques investissent un village en libérateurs, des plaintes arrivent à leurs oreilles : "Faites que Dieu ne nous envoie pas la police afghane" ! Les gens ont peur des brutalités que des forces de l’ordre officielles, corrompues jusqu’à l’os, leur ont fait subir avant l’arrivée des talibans dans le sud-est de l’Afghanistan.

Les forces armées américaines et britanniques ont lancé une campagne pour prendre le contrôle de la province de Helmand, dont une moitié environ du territoire est aux mains des talibans, et restaurer l’autorité du gouvernement légal. Au cours de leur progression, de terribles informations sont portées à leur connaissance à propos de leurs alliés afghans. Des villageois affirment que les forces de police du gouvernement est tellement brutale et corrompue qu’ils leur préfèrent de beaucoup les talibans, auxquels ils ont d’ailleurs réservé un bon accueil.

"La police arrête les gens qui circulent en moto, et les bat pour leur prendre de l’argent", raconte Mohammed Gul, notable dans le village de Pankela, que le contingent britannique a libéré ces jours derniers après l’avoir pris d’assaut en hélicoptère. L’homme désigne alors deux exploitations où des enfants ont été enlevés par la police afghane pour leur faire subir les outrage d’une pratique locale, le bachabazi, qui consiste à entretenir des relations sexuelles avec les garçons prépubères.

"Lorsque les garçons s’aventurent à l’extérieur de la maison de leurs parents, la police s’empare d’eux pour les violer", explique Mohammed Gul, "Allez dans n’importe quel poste de police, et vous verrez ces garçons. Ils les retiennent jusqu’à ce qu’ils en aient terminé avec eux, et ils laissent ensuite partir l’enfant". Sollicité, le ministère de l’Intérieur à Kaboul a fait savoir qu’il contacterait des commandants de police du secteur avant de donner une réponse circonstanciée.

Quand les talibans sont arrivé dans le village il y a 10 mois de cela, et en a chassé la police, les villageois en ont été contents, raconte Mohammed Rasul, un vieux fermier édenté qui garde quelques vaches et des poulets dans un verger bien tenu, avec des grenadiers, des figuiers et quelques pieds de vigne. Bien que son propre fils ait été tué par une bombe posée par les talibans sur le bord de la route, il considère que les combattants islamistes ont gagné la confiance des gens en les traitant avec respect. "Les talibans ne nous ont jamais tourmentés", reconnaît-il. Avant leur arrivée dans le village, la police est venue à son domicile en compagnie d’un gros propriétaire, qui a pointé le canon d’un fusil sur son visage, pour le rançonner.

"Si ces gens reviennent, nous ne pourrons plus vivre ici", prétend Mohammed Rasul. "S’ils reviennent, je suis sûr qu’ils brûleront tout" ! Le commandant Al Steele, de la Compagnie Bravo du 3ème bataillon du Royal Regiment of Scotland, le célèbre Black Watch, qui a rencontré les notables de Pankela, a recueilli leurs craintes, mais affirme que forces étrangères y travaillent. "Nous avons entendu beaucoup de plaintes au sujet de l’ANP", fait-il valoir à Mohammed Gul, "mais les forces de la coalition et l’ANA travaillent bien ensemble, et l’ANP va mieux"… Le notable a fait des gestes en signe de dénégation.

Les États-Unis ont beaucoup dépensé d’argent ces 8 dernières années pour entraîner l’Armée nationale afghane (ANA). Ils ont laissé la formation de la police nationale afghane (ANP) à l’Allemagne, qui n’a envoyé qu’un nombre restreint d’instructeurs civils. Le résultat est que la police est réputée pour ne pas être correctement préparée pour des missions en zone de combat : l’ANP a subi trois fois plus de pertes que l’ANA. Washington souhaite pallier à cette lacune en envoyant 4.000 instructeurs militaires supplémentaires en Afghanistan cette année pour travailler en premier lieu sur la professionnalisation de la police. Des contingents entiers sont retirés des zones de combat pour recevoir un complément de formation intensif de 8 semaines.

L’objectif actuel de la coalition de l’OTAN est de restaurer l’autorité du gouvernement afghan sur la majeure partie du territoire de la province de Helmand pour le 20 août, date de l’élection présidentielle en Afghanistan. Mais l’état-major ne croit pas pouvoir tenir ce secteur à plus long terme sans un soutien effectif des forces de sécurité locales. "Nous avons entendu à chaque fois qu’une nouvelle ANP viendrait", s’écrie Mohammed Gul. "Mais c’est toujours la vieille ANP qui revient et tout recommence comme par le passé" !

"Ici, les gens font confiance aux talibans", soutient le vieux chef de village. "Si la police revient et se comporte la même manière, nous soutiendrons les talibans pour qu’ils la mette dehors" !