Un Tour de France comme jamais vu à vélo

Un Tour de France comme jamais vu à vélo

C’est en établissant un parallèle saisissant entre les pratiques sportives et les usages en vigueur dans notre société de surconsommation que les organisateurs de l’Alter-Tour vont vous faire pédaler en douceur du 4 juillet au 9 août 2009 sur les routes de France, donc en léger différé avec les grimpeurs, les rouleurs et les sprinters du Tour de France organisé par le groupe de presse de L’Équipe.

"Le caractère fédérateur de la notion de dopage peut également être étendu aux mécanismes de masquage qui existent en agriculture comme en économie", expliquent les organisateurs de ce Tour de France en marge des dossards courbés sur leurs boyaux, "permettant de diminuer la visibilité des procédures dopantes". En effet, il y a une grande similitude à courir après le profit ou après un maillot de couleur jaune, avec quelques primes de risque à la clé !

"Cependant, lorsqu’on passe du domaine sportif à celui de l’agriculture puis à celui de la finance, le dopage change de connotation", fait valoir le communiqué de presse des promoteurs d’un Tour de France à la coule. "Interdit en principe dans le sport, il est partiellement autorisé en agriculture, et encouragé — jusqu’à présent — en économie". Qui n’a pas au petit matin blême pris un petit remontant, un petit calva ou un comprimé de Guronsan ne sait pas de quoi il retourne. Mais la plupart des agriculteurs et des financiers connaît bien les tenants et les aboutissants du dopage des produits pour les rendre plus efficaces et plus rentables.

Le krach du 15 septembre 2008 a révélé l’existence d’actifs toxiques dans l’économie, comme de nombreuses affaires ont montré que les coureurs ne roulent pas à l’eau claire. "Avec la mise en valeur de la toxicité des intrants agricoles, et la dénonciation des titres toxiques et des paradis fiscaux dans la crise actuelle", présentent ces doux dingues du vélo bien dans ses cale-pieds, "cette différence de perception tend à disparaître, évoluant vers une généralisation du caractère négatif du dopage".

Leur "objectif est d’élaborer et faire connaître une autre grille de lecture des faits, à partir d’une notion dont la connaissance est partagée par tous : celle du dopage". Ce Tour de France alternatif est l’occasion de se rendre compte à quel point notre mode de vie est nocif et mortifère à tout point de vue, qu’il s’agisse d’améliorer ses performances ou ses bénéfices au détriment de la qualité de vie et de sa santé. "Les causes et les méfaits du dopage dans le sport constituent en effet une porte d’entrée vers des domaines habituellement privés, dont l’accès serait réservé à quelques économistes ou politiciens".

Nos dirigeants s’attèlent à réformer le capitalisme, et nous proposent tous les jours de nouvelles recettes pour nous mettre à la diète. "La dépendance psychologique des athlètes dopés est bien connue, ainsi que les conséquences sanitaires de ces pratiques lorsqu’ils quittent le milieu de la compétition et son encadrement médical adapté". Sommes-nous devenus accros comme les sportifs à la performance et au dopage ? C’est possible. "Dans la sphère financière, la souscription d’un crédit entraîne une dépendance de l’emprunteur, qui doit rembourser — avec intérêts — ce qui lui a été octroyé pour permettre un achat immédiat".

"Déjà directement touchés par la politique agricole et ses méfaits sanitaires ou sociaux, de plus en plus de citoyens sont également concernés par le chômage, accentué par la crise économique actuelle", présentent les organisateurs de cet Alter-Tour qui réplique le circuit d’un tour cycliste que beaucoup de monde ira regarder sur le bord des routes ou devant son poste. "Les explications délivrées par les grands médias sont souvent parcellaires ; elles visent à entretenir la croyance dans l’organisation existante, sans lui proposer de substituts".

À défaut d’être raisonnables, exigeons désormais l’impossible… "L’émulation née de la pratique collective d’un sport révèle à chacun des capacités insoupçonnées, améliorant la confiance en soi à l’intérieur du groupe", fait valoir l’organisation de ce Tour de France un peu particulier, mais ô combien adapté à chacun de nous. "L’édition 2008 fut l’occasion pour beaucoup de se dépasser physiquement, sans dopage artificiel, en partageant des bicyclettes et un moyen de transport en commun". Voyons si ce type d’actions ne nous permet pas de vivre plus conformément à nos attentes, et s’il n’est pas encore reconnu d’utilité publique, nous pourrions croire qu’il contribue au bien-être.

"Nous nous trouvons dans une situation d’urgence", présentent les promoteurs d’un Alter-Tour plus en phase avec l’exercice de l’esprit d’équipe qu’avec celui d’un esprit de lucre. "Certains décideurs seraient ouverts à des systèmes alternatifs, à condition que ces derniers aient été testés et que leur validité soit affirmée. Or, dans la phase expérimentale actuelle, l’émergence d’une expertise passe par la mise en commun des savoirs, la comparaison des résultats obtenus". De bien belles initiatives comme on aimerait en voir plus souvent !