150 ans de prison pour Bernard Madoff !

150 ans de prison pour Bernard Madoff !

Le tribunal de Manhattan a fait preuve d’un tout petit peu de clémence à l’égard de Bernard Madoff, qui a quitté la cellule de sa prison lundi sous bonne garde pour entendre la sentence qui sera prononcée sous peu à son encontre dans la plus grande fraude sur les investissements à Wall Street. Le point sur une journée d’angoisse.

Tout le monde s’attend — et Bernard Madoff avec lui — que le tribunal américain le condamne à la prison à perpétuité au cours d’une audience dans laquelle des épargnants floués pourront raconter le choc qu’ils ont ressenti à l’annonce de la perte de leurs économies de toute une vie.

Des douzaines de personnes ont commencé à faire la queue à l’extérieur du bâtiment abritant le tribunal fédéral de Manhattan trois heures avant le début de celle prévue pour l’audience, 10 heures du matin (heure de New-York et 14H00 GMT), un événement à la hauteur des circonstances, puisque 250 personnes pourront y assister.

"Je ne m’inquiète pas pour ce qu’ils font avec lui", témoigne Emma Devita, 81 ans, qui a donné à Bernard Madoff 20 ans d’économies, "Je ne crains pas qu’il en sorte perdant. Qu’ils nous laissent seulement récupérer notre argent". La pauvre femme est à présent sans ressources. "Mais je souhaite qu’il devienne aussi pauvre que nous le sommes", fait-elle valoir dans la file d’attente.

L’escroc n’a pas contesté la fraude, puisqu’il a plaidé coupable aux chefs d’inculpations qui lui ont été signifiés par la même cour en mars dernier, et devrait "évoquer la honte qu’il ressent à la douleur qu’il a causée", explique son avocat, Ira Lee Sorkin. C’est pourquoi il a adressé une lettre dimanche au juge du tribunal d’arrondissement Denny Chin pour demander à ce que la condamnation prononcée soit plus clémente que la perpétuité réclamée par les procureurs des États-Unis.

Il a en effet contesté l’ampleur de la fraude à l’épargne, un crime selon le code pénal américain. Ira Lee Sorkin présente que l’escroquerie "ne paraît pas s’élever dans les proportions historiques que dénonce le gouvernement", tout en faisant prudemment savoir qu’il "ne cherche pas à réduire au minimum l’importance des crimes" pour lesquels Bernard Madoff a plaidé coupable.

L’ancien président du conseil du Nasdaq a reconnu avoir mis au point un système calqué sur la Pyramide de Ponzi sur plusieurs milliards de dollars dans lequel les investisseurs étaient rémunérés en retour par les nouveaux investissements collectés auprès des plus récents épargnants. Les autorités n’ont pas réussi à déterminer l’ampleur de l’escroquerie, comme l’attestent les rapports judiciaires. Les procureurs prétendent que 170 milliards de dollars ont transité sur le compte principal de Bernard Madoff pendant des dizaines d’années, et qu’en décembre, quelques jours avant l’arrestation du financier véreux, les documents comptables établissent un solde positif de 65 milliards de dollars chez Bernard L. Madoff Investment Securities LLC.

L’administrateur judiciaire désigné pour geler les actifs de la société d’investissement de Bernard Madoff n’a pour sa part trouvé que 1,2 milliards de dollars à rembourser aux épargnants ! "Étant donné l’énorme quantité de fonds qu’il a volés et le nombre de victimes, la peine devrait être très, très élevée", estime Paul Radvany, un professeur de droit à l’université Fordham à New York et ancien procureur fédéral des États-Unis.

On ne s’attend pas à ce que l’épouse de l’accusé Ruth Madoff et d’autres membres de la famille se présentent devant le tribunal pour entendre la sentence. Celle-ci ne s’est préoccupée d’aucune des comparutions en justice de Bernard Madoff depuis son arrestation. Son frère, Peter Madoff, et ses fils, Mark et Andrew, ont eu des postes à responsabilité dans les affaires de l’accusé. Leurs avocats prétendent qu’ils n’ont pas eu idée ou ne sont pas impliqués dans les opérations frauduleuses effectuées par Bernard Madoff.

Le juge a autorisé Bernard Madoff, ancien président non exécutif du Nasdaq, à porter ses propres vêtements au cours de cette audition où lui est signifiée sa condamnation, au lieu de l’uniforme de détenu qu’il revêt dans l’enceinte de prison où il est incarcéré depuis le 12 mars. Le financier a porté son choix sur un costume sombre et sobre d’homme d’affaires. Bernard Madoff a reconnu les faits tout au long de la procédure, mais n’a dénoncé aucun complice. La seule autre personne accusée est son comptable, un homme extérieur à Bernard L. Madoff Investment Securities LLC.

Michael Shapiro, avocat dans le cabinet Carter Ledyard et Milburn LLP, croit savoir que la peine prononcée s’élèvera à 30 ans de prison, dans l’usage des condamnations pour de grandes escroqueries jugées par la même cour. Il cite le cas d’un ancien cadre supérieur de Worldcom, Bernard Ebbers, qui a été condamné à 25 ans de prison de haute sécurité pour une fraude de l’ordre de 11 milliards de dollars sur la comptabilité de la société.

"Les préjudices causés par Bernard Madoff sur les victimes sont probablement beaucoup plus importants", présente Michael Shapiro. "30 ans signifient une condamnation à perpétuité qui prend en considération le fait qu’il n’a tué personne". Le condamné sera sans doute emprisonné dans un pénitencier où la sécurité n’est pas renforcée.