Au Honduras Manuel Zelaya renversé en pyjama

Au Honduras Manuel Zelaya renversé en pyjama

Des soldats ont fait irruption au palais présidentiel au matin, ont tiré Manuel Zelaya en pyjama de son lit, avant de l’expulser du pays : ainsi les militaires ont-ils renversé le président du Honduras. Aux dernières nouvelles, celui-ci serait au Costa Rica.

Le président du Honduras Manuel Zelaya a été conduit de force au Costa Rica après son arrestation par les militaires. Il se livrait depuis des semaines à une lutte acharnée avec les militaires en vue de renforcer son pouvoir. Dimanche, un référendum devait se tenir au sujet d’une révision de la constitution permettant à Manuel Zelaya de se présenter pour un deuxième mandat en tant que président.

Les événements en ont été tout autrement. Tôt le matin, des dizaines de soldats rebelles ont fait le siège du palais présidentiel. Ils en sont repartis un peu plus tard à bord de plusieurs camions, confiant la garde du bâtiment à une soixantaine de policiers.

Selon une déclaration de Manuel Zelayas, les soldats ont frappé ses gardes du corps, avant de s’emparer de lui alors qu’il était encore en pyjama. C’est plus tard que le président déstitué s’est exprimé depuis le Costa Rica. "C’est un kidnapping", s’est offusqué Manuel Zelaya dans une première interview télévisée à San Jose.

Les soldats l’ont menacé leurs armes : "Ils ont visé ma poitrine et la tête et dit qu’ils obéissaient simplement aux ordres". Manuel Zelaya a dit que le processus démocratique, grâce auquel il souhaitait donner une nouvelle constitution au Honduras a été interrompu avec ce coup d’État. "Un coup d’État n’a pas de justification".

L’Union Européenne a déjà fermement critiqué le coup d’État militaire. L’arrestation de Manuel Zelayas est "une violation inacceptable de l’ordre constitutionnel au Honduras". Elle a exigé dans un communiqué commun des 27 ministres des Affaires étrangères, une libération immédiate de Manuel Zelayas, ainsi que le "retour à la normalité constitutionnelle".

Le président américain Barack Obama se montre "soucieux" du développement de la situation. Il a demandé "une négociation politique et sociale" dans ce pays et le maintien "des normes démocratiques et constitutionnelles". Enfin, "Les tensions et les conflits" doivent être réglés "calmement, dans le dialogue et librement hors de toute ingérance extérieure".

Le président du Venezuela Hugo Chávez a rappelé qu’à Caracas "les militaires ont été utilisés pour un coup d’État", contre "un peuple et un président qui voulait organiser seulement une consultation populaire". Il a réclamé une réaction du président américain Barack Obama. Les États-Unis auraient "beaucoup à voir avec l’incident", affirme le bouillant Hugo Chávez. Son homologue bolivien Evo Morales a demandé à la communauté internationale de condamner et de rejeter le "putsch" au Honduras.

"Le temps des dictatures est terminé", a déclaré Evo Morales à La Paz. L’Organisation des États Américains (OAS) a également condamné "le coup d’État" au Honduras au terme d’une réunion de crise convoquée à la hâte à Washington. La chute de Manuel Zelayas est la conséquence d’une lutte pour le pouvoir entre le président et les autres institutions démocratiques dans le pays. La haute assemblée, mais aussi le congrès et la plupart des partis ont qualifié d’illégal ce référendum pour modifier la constitution.

Le conflit a dégénéré jeudi lorsque Manuel Zelaya a congédié le chef de l’état-major, Romeo Vásquez Velásquez, constatant que celui-ci avait refusé de soutenir le projet du président contre la volonté des autres organes de constitution. Mais le militaire a depuis repris ses fonctions, après une décision prise par la cour suprême en sa faveur. Manuel Zelaya voulait introduire une nouvelle constitution suivant le modèle du Venezuela et d’autres pays d’Amérique latine, dans lesquels la réélection du chef de l’État doit désormais être soumis à une consultation populaire.

En règle générale, les chefs de l’exécutif en Amérique latine ne disposent que d’un seul mandat pour conduire leur politique. L’opposition a qualifié le projet du président Manuel Zelaya de "sauf-conduit pour une dictature". Mais la popularité du chef de l’État hondurien a chuté tout au long de l’année, à cause de la hausse foudroyante des prix des denrées alimentaires et la persistance d’un trafic de drogue lié à un des plus forts taux de criminalité en Amérique latine.

Manuel Zelaya a réagi avec un style de gouvernement de plus en plus populiste, rappelant celui de son homologue Hugo Chávez. À plusieurs reprises, il a tenu des discours incendiaires, faisant constamment référence à une prétendue conspiration contre sa personne. Ses craintes se sont vraisemblablement confirmées, à moins qu’il n’ait appelé au loup…