Camping sauvage "borderline" à Calais

Camping sauvage "borderline" à Calais

Peu de gens s’en soucient, sauf les habitants du Pas-de-Calais qui ont vu s’installer un à deux milliers de personnes dans la "jungle" aux abords de la ville depuis mardi pour dénoncer le sort réservé aux migrants et réclamer la fin des contrôles migratoires.

Le quotidien local s’en inquiétait depuis le début de la semaine, car un déploiement sans précédent des forces de l’ordre a investi les lieux comme un territoire assiégé : "Un vrai jeu de dominos. L’hôpital s’apprête à passer au niveau d’urgence le plus important. Chez les sapeurs-pompiers, des renforts sont en route. Les postes de commandement des différentes structures sont prêts. À tout cela s’ajoutent les services de la mairie concernés, les riverains, les déclarations"…

Le rapport de force était à un contre dix avant le week-end, ce qui n’a pas dissuadé le collectif No Border à organiser le camp alternatif et une marche pacifique samedi à Calais. "Le déploiement de policiers est honteux mais nous démontrerons que nous pouvons manifester dans le calme contre la politique d’immigration de Sarkozy", avait lancé au micro un porte-parole de SUD, Vladimir Nieddu, avant le départ du cortège. Pour la préfecture, ce sont les effectifs de police qui ont eu "un effet dissuasif" sur les ambitions des manifestants.

En effet, aucun incident notable n’a été signalé jusqu’à la dislocation du cortège en milieu d’après-midi. "Après la manifestation, comment l’État va-t-il justifier la présence de 2.000 policiers, de brigades à cheval et d’un hélicoptère au-dessus de Calais ? La violence vient de l’Etat, c’est celle qui est faite aux migrants", a déclaré Meriem, porte-parole de No Border. Les revendications du collectifs n’ont, à les entendre, rien de bien subversives, puisqu’elles consistent à réclamer "la liberté de circulation pour tous et toutes et la fin des frontières et des contrôles migratoires".

N’est-ce pas peu ou prou la vocation de la construction européenne, le vœu affiché par une dizaine de partis politiques plus ou moins représentés dans les parlements français et européen ? "ChacunE est conviéE à se joindre au camp pour discuter et débattre de la question des frontières et de la liberté de circulation et d’installation, à imaginer et participer à des actions symboliques, vivre collectivement avec les migrantEs du Calaisis et les militantEs et participer à la grande manif du samedi 27 juin", lit-on sur le site Internet du collectif.

Pas de quoi se mettre la rate au court-bouillon ! En revanche, la situation franchement déplorable que subissent les habitants du Calaisis depuis la fermeture du centre de la Croix-Rouge à Sangatte a jeté un voile pudique sur les conditions de vies des centaines de migrants, notamment afghans, érythréens, irakiens ou somaliens, qui errent dans la région dans l’espoir de traverser la Manche. Des dizaines de bonnes volontés se manifestent pour apporter un soutien moral et substantiel à de pauvres gens sans toit, ni droits, et sont poursuivies par la maréchaussée sur ordre d’un pouvoir qui n’a pas le courage de reconnaître une situation d’urgence.

Le choix de Calais était particulièrement pertinent pour No Border afin de mettre le doigt sur l’existence d’une zone de non-droit sur le sol français. Ainsi, la patrie des Droits de l’Homme s’est-elle désintéressée du sort des populations qui fuient la famine et la dictature en lui refusant la possibilité de s’établir, de demeurer un temps, et même de s’échapper de la nasse où elles sont venues s’empêtrer. Ni les annonces va-t-en-guerre de Brice Hortefeux au sujet des expulsions d’immigrés en situation irrégulière, ni les déclarations de bonnes intentions de son successeur Éric Besson pour assécher les filières de passeurs n’ont eu d’effet sur une anomalie qui persiste.

Le mieux, sans doute, serait que l’on oublie tous que des règles juridiques absconses et ubuesques ont été édictées au mépris du bon sens afin de mettre un coup de gomme sur le sort de gens qui ne peuvent plus ni fuir, ni rester. Vendredi, pareille mésaventure est arrivée aux personnes qui se sont rendues au camp situé dans le parc de la rue Normandie-Niemen dans l’est de Calais. Elles se sont trouvées assiégées par les CRS et la BAC, avec interdiction d’en sortir, mais non d’y entrer !

Dieu seul sait si les Six Bourgeois de Calais, qui ont dû remettre les clés de la ville en 1347, la corde au cou et en chemise, ont observé avec stupeur depuis l’au-delà le paradoxe qu’ils ont vécu se renouveler… Mais une fois encore, l’Histoire, lorsqu’elle se répète, bégaye !