Qu’on ne s’y trompe pas, l’entrée au gouvernement de cette femme médecin de 46 ans est d’abord une opportunité médiatique. La volonté de Nicolas Sarkozy de réformer le corps social s’exprime également par les réactions qu’il attend de lui en proposant quelquefois des solutions incongrues à des problèmes qui n’en sont pas moins. L’attention de la blogosphère s’est donc focalisée sur Nora Berra, fille d’un tirailleur algérien, mère de deux enfants et médecin spécialiste en immunologie.

"Elle créé la surprise, le 7 juin dernier, en étant élue au parlement de Strasbourg dans la circonscription Sud-Est, sur la liste (UMP) conduite par Françoise Grossetête, où elle figurait pourtant en 5e position pour incarner la société civile et la diversité", rapporte Libération le 23 juin, avant de mettre le doigt le lendemain sur cet aspect fâcheux de sa nomination. "Hortefeux n’est pas le seul à bénéficier de ce traitement d’exception. Promue secrétaire d’Etat aux Aînés, Nora Berra, nouvelle figure de la diversité, a été élue députée européenne le 7 juin, en 5e position sur la liste du Sud-Est. Elle serait, elle aussi, autorisée à céder son siège à Strasbourg au suivant sur la liste".

Rappelons à la rédaction de ce journal plus familier des usages en vigueur en AG que de ceux qui prévalent à la formation d’un gouvernement de la République : il est de tradition de choisir ses membres parmi les nouveaux élus d’une majorité pour composer une combinaison de tendances avec la légitimité la plus large qui puisse être. Nora Berra, sortie le 7 juin de la pochette-surprise des urnes, a donc toute sa place au gouvernement. "Vêtue d’une blouse de soie bleu nuit et d’un pantalon noir" lit-on dans une dépêche d’agence remplie de condescendance pour relater la sortie du Conseil des ministres, "la secrétaire d’État aux Aînés a posé aux côtés de la ministre de l’Enseignement supérieur Valérie Pécresse sur le perron à son arrivée et a regagné prudemment aux côtés de Fadela Amara, chaperon d’un instant, sa voiture officielle à son départ".

La fonction de Nora Berra serait-elle donc d’incarner la diversité, avant même de traiter le problème du vieillissement de la population française ? Nous pourrions envisager un autre casting que celui formé par Le Bon, la Brute et le Truand, où les protagonistes ne sont pas nommés pour réciter une partition écrite pour le divertissement du public. Mais distinguer laquelle des actrices est destinée à tel rôle semble faire la plus grande joie des médias. Ainsi Le Post pose-t-il carrément la question en suggérant la réponse : "Nora Berra : la nouvelle Rachida Dati de Nicolas Sarkozy" ? Et Lyon Mag d’insister lourdement au cours d’une interview de la nouvelle secrétaire d’État : "Ne pensez vous pas jouer le rôle de caution de la diversité après le départ de Rachida Dati" ?

Sur Internet, il semble que les gens soient plus enclins à se saisir de ce nouveau personnage comme dans un jeu de massacre. "Vendue aux trusts pharmaceutiques. A travaillé pour Boehringer Ingelheim et Bristol Myers Squibb. Elle va gaver les petits vieux de pilules. On peut s’attendre à de vastes campagnes de santé publique… pour le plus grand plaisir de l’industrie pharmaceutique", croit savoir un internaute. Mais la palme revient à LyonVidéo qui propose un document sans concession pour cette femme pas tout à fait rompue aux arcanes de la communication politique. Un peu de fraîcheur et de spontanéité ne sont-ils pas l’occasion de se réjouir de la mise en œuvre de l’égalité des chances ? Pour certains ne valent, semble-t-il, que les caciques experts en maquignonnage. Pardonne-leur, Rachida, car ils ne savent pas ce qu’ils sont !