Comment David Rohde a échappé aux talibans

Comment David Rohde a échappé aux talibans

Le journaliste du quotidien américain The New York Times a réussi à fausser compagnie à ses ravisseurs après sept mois, simplement en escaladant le mur d’enceinte de la maison où les talibans le détenaient. Il s’est échappé vendredi avec un confrère afghan, avant d’être recueilli par des éléments de l’armée régulière.

David Rohde est un journaliste de terrain de 41 ans. Il a été distingué à deux reprises par le prix Pulitzer. Le rapt est une expérience qu’il a déjà faite au moment où il a couvert le conflit bosniaque en 1996. Débauché par le quotidien américain de référence après avoir remporté le prix avec la couverture du massacre de Srebrenica, le reporter de presse a de nouveau été enlevé alors qu’il recueillait des informations destinées à un livre sur l’engagement des États-Unis en Afghanistan.

L’homme, a été fait prisonnier le 10 novembre 2008 avec un confrère local, Tahir Ludin, et leur conducteur, sur la route qui devait les conduire dans l’est du pays, où ils s’apprêtaient à entendre les confidences d’un chef taliban. Les agences de presse et son journal n’ont pas rendu compte du rapt, craignant que la publication de la nouvelle puisse mettre la vie des hommes en danger. David Rohde avait laissé à ses collègues à Kaboul des instructions au cas où il ne rentrerait pas de leur rendez-vous.

Ce réseau, réputé avoir le contrôle d’un grand nombre de bandes armées dans l’est de l’Afghanistan, est apparu ces dernières années en tant qu’adversaire majeur dans les efforts des Etats-Unis pour stabiliser la situation du pays et enlever aux insurgés le contrôle des régions tribales du Pakistan. Il est suspect d’être à l’origine d’un certain nombre d’attentats au cours des dernières années, comme celui à la bombe suicide sur l’ambassade de l’Inde à Kaboul, qui a tué plus de 50 personnes en juin 2008.

Tahir Ludin, le journaliste afghan, a travaillé avec plusieurs organes de presse occidentaux. Il avait négocié des entretiens à un haut niveau avec des commandants talibans pour des journalistes par le passé, et il a organisé la réunion avec Assadullah Mangal à la demande de David Rohde. Tahir Ludin, Assadullah Mangal et David Rohde ont été détenus dans la région du Waziristan du Nord jusqu’au moment de l’évasion des deux premiers. Le chauffeur a préféré demeurer avec les talibans.

Retenus prisonniers dans une propriété comme il en existe beaucoup dans ces régions rurales, ils se sont échappés en escaladant le mur d’enceinte. Ils ont ensuite été recueilli sur la route par un soldat de l’armée pakistanaise en éclaireur, qui les a conduits à la base militaire la plus proche. C’est de là que l’armée américaine les a pris en charge, pour les convoyer au camp de Bagram en Afghanistan, juste nord de Kaboul.

Les officiels américains et pakistanais ont reconnu l’existence d’une demande de rançon, à laquelle il n’a pas été fait droit. La somme demandée pour la libération de David Rohde s’est élevée à plusieurs millions de dollars, avec en prime, la libération de plusieurs chefs insurgés. Le rôle des États-Unis dans cette affaire demeure obscur, mais les diplomates américains à Islamabad et Kaboul ont forcément eu à connaître de l’enlèvement depuis plusieurs mois.

Bill Keller, le rédacteur en chef du journal auquel appartient David Rohde, The New York Times, a déclaré qu’aucune somme d’argent n’a été versée pour la libération des journalistes, pas plus que ne l’ont été les commandants talibans réclamés par les insurgés. "Les enlèvements, hélas, sont une activité florissante un peu partout dans le monde", a-t-il fait savoir. "L’expérience des autres victimes nous a enseigné que la négociation donne juste des raisons à d’autres pour commettre des enlèvements".