Jeudi : 6ème jour de révolte à Téhéran

Jeudi : 6ème jour de révolte à Téhéran

Après cinq jours de manifestations émaillées de violences, les partisans de Mir Hussein Mousavi ont affiché leur détermination pour s’opposer à la victoire officielle du président en exercice Mahmoud Ahmadinejad, à l’issue d’un scrutin vendredi dernier, qui a causé un profond malaise comme jamais depuis la révolution islamique de 1979.

Des dizaines de milliers d’Iraniens ont défilé dans les rues de Téhéran mercredi pour protester contre la défaite de leur favori Mir Hussein Mousavi, à la veille d’un jour de deuil qu’il a réclamé pour les manifestants tués dans les cortèges. Au moins sept personnes ont été tuées lundi au cours d’échauffourées dans les rues de Téhéran, selon des médias iraniens officiels. D’autres manifestations se sont produites également dans d’autres villes en Iran. Les médias étrangers sont sujets à des mesures de censure de la part des autorités iraniennes pour témoigner, filmer ou photographier à Téhéran.

Le candidat vaincu à la présidence de la République islamique, Mir Hussein Mousavi, a lancé un appel pour le respect d’un jour de deuil jeudi. "Un certain nombre de nos compatriotes ont été blessés ou tués", a-t-il déclaré sur son site Internet : "Je demande aux gens d’exprimer leur solidarité avec les familles (…) en se rendant dans les mosquées ou en participant à des manifestations pacifiques". Les émeutes, les manifestations de masse, les arrestations et la censure des médias ont focalisé l’attention de l’opinion publique internationale sur le 5ème exportateur de pétrole, par ailleurs engagé dans un bras de fer avec les nations occidentales à propos de son programme nucléaire.

Après l’appel au calme de Mir Hussein Mousavi, ses partisans se sont rassemblés sur la plus grande place de Téhéran, faisant fi des avertissements du ministère de l’Intérieur. Arborant des banderoles et des bandeaux de couleur verte de leur camp pendant la campagne et vêtus de noir, ils étaient très bien identifiables. La plupart des protestataires, affichant des portraits à l’effigie de leur leader et tenant à la main des ballons verts, ont marché en silence et en faisant le V de la victoire. Une jeune femme a brandi le portrait de l’un des manifestants tombés au cours des violences qui ont succédé à l’annonce des résultats officiels.

Une femme de 25 ans environ à qui des correspondants de presse ont demandé si elle craignait des représailles, a répondu : "Pourquoi le devrions-nous ? Nous sommes tellement et ils ne peuvent pas ignorer notre voix"… Ces manifestations de masse sont un défi adressé aux autorités iraniennes, lesquelles ont découragé les opinons divergentes depuis la chute du Shah en 1979, à l’issue de semblables manifestations qui ont duré plusieurs mois. Le décalage entre le système institutionnel en vigueur dans la République islamique et l’opinion publique n’a jamais été aussi évident. Les partisans de Mir Hussein Mousavi bénéficient de l’appui des personnalités politiques traditionnelles, comme les anciens présidents Akbar Hashemi Rafsanjani et Mohammad Khatami.

On s’attend à ce que l’Ayatollah Ali Khamenei, le guide suprême, prenne la direction des prières du vendredi et renouvelle un appel au calme à la population. Il a déjà invité les gens à soutenir Mahmoud Ahmadinejad, vraisemblablement sans succès. Des manifestations auraient également eu lieu dans les villes de Rasht, d’Orumiyeh, de Zanjan, de Zahedan, de Tabriz et de Mashhad. Mohammadreza Habibi, procureur général de la province d’Isphahan, a déclaré : "Les étrangers qui cherchent à perturber la sécurité intérieure en incitant des gens à détruire et commettre des incendies criminels seront passibles de la peine de mort selon le code pénal islamique à l’égard de tels individus en guerre contre dieu".

Une source a signalé que Saeed Laylaz, directeur du journal économique Sarmayeh, et l’activiste Mohammadreza Jalaiepour ont été arrêtés mercredi. L’influent porte-parole du Parlement, Ali Larijani, a condamné les violences à l’université de Téhéran, et le ministère de l’Intérieur a demandé une enquête sur l’assaut que les milice et police islamiques ont effectué, provoquant une vive émotion chez les étudiants. L’un d’eux a témoigné de façon anonyme et atteste que quatre étudiants ont été tués pendant cette opération. L’université de Téhéran a démenti tout décès dans l’enceinte du campus.

L’Ayatollah Ali Khamenei, qui se présente en faveur de Mahmoud Ahmadinejad, a permis un nouveau décompte partiel des suffrages exprimés. Le Conseil des Gardiens de la Révolution, haute assemblée en Iran, a rejeté les requêtes des réformistes en ce qui concerne l’annulation du scrutin.