Musée de voitures anciennes sur les routes à Cuba

Musée de voitures anciennes sur les routes à Cuba

C’était bien avant la crise du secteur automobile américain. Un grand nombre des voitures en circulation sur les routes cubaines datent d’avant la révolution communiste de 1959, et font l’objet d’une attention de la part de leurs propriétaires en raison de l’embargo économique des États-Unis, tout en attirant celle des touristes médusés.

"Buick et Cadillac ont toujours été les reines de la route", signale un chauffeur de taxi cubain en admirant la peinture toute fraîche de son véhicule deux tons aux chromes rutilants qui brille après la pluie. Il possède une berline Buick de 1955 qui demeure après plus de 50 ans de service son outil de travail dans les rues de La Havane.

Les automobiles produites sur les chaînes de montage des usines de Detroit pendant les années quarante et cinquante sont légions à Cuba et nulle part ailleurs, ce qui lui fait dire que "Nous avons un véritable musée ici, et en plus il roule" ! C’était bien avant la faillite des deux plus gros constructeurs de l’histoire des transports… À cette époque, ils étaient un symbole de la puissance économique américaine et excitaient les convoitises du monde entier.

Les années qui ont précédé la marche triomphale de Fidel Castro à partir des montagnes de la Sierra Maestra ont également prévenu celles de l’obsolescence planifiée, un concept admis dès le début des années soixante pour fabriquer des produits conçus pour se désagréger facilement ou devenir rapidement obsolètes. La crise a maintenant démontré que l’idée des industriels américains a stimulé une demande à court terme avec la certitude d’un échec à plus ou moins longue échéance.

"Je ne pense pas qu’ils ont jamais imaginé construire des voitures avec une telle durée de vie", fait valoir un conducteur de Chevrolet BelAir quatre-portes de 1953. "C’est un char d’assaut", dit-il en souriant : "ce n’est pas quelque chose qu’on jette comme les ferrailles importées ensuite"… Les voitures américaines des années d’après-guerre sont en effet durables, comme en témoignent les dizaines de milliers d’entre-elles qui circulent toujours à Cuba.

Châssis robustes, silhouettes profilées et intérieurs confortables ont été les marques de fabrique des voitures construites au moment de l’apogée de General Motors, Ford et Chrysler, et se révèlent souvent être les seules pièces originales encore en fonction sur ces voitures. Ces dernières sont à présent de plus en plus supplantées par les Fiat italiennes, qui conviennent assez bien à la configuration des routes à Cuba. Un coup d’oeil sous le capot du taxi suffit à comprendre que le moteur V-8 original de la Buick a été remplacé par un quatre cylindres diesel-électrique de Toyota, plus économe en carburant !

Bon nombre de moteurs ont été changés sur les Dodge, Ford et Chevy qui servent de taxis avec les Lada russes et des voitures coréennes plus modernes à La Havane, en partie à cause de l’usure et surtout à cause des prix de carburant élevés qui obligent les conducteurs à sacrifier la puissance du moteur à l’épargne à la pompe. La plupart des travaux effectués sur les véhicules sont effectués par les conducteurs, sans doute avec l’assistance d’amis ou de voisins, car un mécanicien professionnel leur serait revenu très cher.

"Pour dire la vérité, les Cubains sont hélas très bons pour l’improvisation", explique un conducteur : "C’est une question de nécessité, en raison de la pénurie de tout ici, y compris celle de l’argent" ! L’embargo commercial des États-Unis, imposé par le président John F. Kennedy en réponse à l’alignement du Cuba sur l’Union Soviétique pendant la guerre froide, dure depuis 47 ans. Il est donc extrêmement difficile de faire venir des pièces d’usine ou même en provenance du marché de l’accessoire pour retaper les voitures américaines dans l’île.

L’embargo, que les autorités locales appellent blocus économique, interdit toujours les exportations de véhicules depuis les États-Unis vers Cuba, mais aujourd’hui les Chinois ont commencé à se tailler la part du lion dans un commerce très réglementé au niveau international. Quelques propriétaires de voitures anciennes, y compris les membres d’un club de collectionneurs au moins, se glorifient d’avoir réussi à conserver leur V-6 original et les moteurs V-8 de Detroit, et la différence perceptible au grondement caractéristique par rapport au cliquetis des diesels remplacés.

Les médias cubains, dans leurs échos sur la crise financière aux États-Unis, ont souligné les faillites de GM et de Chrysler pour les signaler comme symptomatiques d’un échec du capitalisme et d’un mode de vie américains débridés. Pour autant, peu de propriétaires d’automobiles américaines se réjouissent des perspectives de fusion et de restructuration dans un secteur complètement délabré. "Comment admettre qu’une entreprise aussi puissante que General Motors se retrouve sans un sou", soupire l’homme assis sur le coffre de sa Chevy BelAir de 1953.