Christophe Miossec questionné par Derensy

 Christophe Miossec questionné par Derensy

Miossec est un personnage étrange. Capable de jouer sur beaucoup de tableaux, il s’est inventé son propre rôle et navigue au gré des saisons entre le parfait et l’exécrable. Préférant montrer de lui ce qu’il n’est pas, son passage dans le giron de TF1 lui a fait comprendre qu’il fallait jouer à un personnage porteur pour avoir une chance de s’en sortir vivant face aux brûlures des projecteurs.

Balançant toujours entre auto complaisance et fausse pudeur, il sort son cinquième album à bientôt quarante ans. Laissant brûler les silences, armant ses propos de compositions à la hauteur du péril, travailleur acharné même s’il ne reconnaît que son côté je me branle de tout, Christophe n’a pas l’intention de fournir le modèle pour reconstruire le puzzle. En essayant le profil littéraire qui semble lui convenir, entretiens téléphoniques pendant promo marathon, ou comment amadouer le fauve qui se prête au jeu.

Bonjour Christophe, excuse moi de ne pas être présent à Bruxelles, mais contrairement à Léautaud qui disait « J’ai eu la présence d’esprit de ne jamais avoir d’enfant » et bien moi c’est l’inverse et je dois garder mes filles.

Miossec : « Elle est pas mal ta citation. Tu es excusé. J’en ai une autre de lui « Je n’ai jamais su faire rire les femmes, elles n’auraient jamais rien compris ».

Tu pourrais peut être reprendre ça à ton compte ?

Miossec : « Non ! Léautaud est unique, il me fait hurler de rire. »

Trêve de plaisanterie, Il faut en revenir à nos moutons et à ce ’1964’, cinquième album de ta personne ?

Miossec : « On quitte le littéraire et tu t’engages à causer du fléau ! »

Je sais pas pour le fléau mais à chaque nouvel album, tu déclares un peu partout que le précédent était nul. Excepté là avec ’Brûle’ ton opus préalable, que tu sembles accepter comme un bon album de Miossec ?

Miossec : « C’était systématique oui ! Mais ’Brûle’ est un peu mieux (rire) »

C’est une automutilation artistique ?

Miossec : « Plutôt une envie d’avancer. »

’1964’ sera t’il victime de ce constat dans 3 ans ?

Miossec : « J’ai pas l’impression, mais ce n’est que de la musique… J’ai l’impression d’être apaisé avec celui là. Même d’en parler me plait c’est te dire. »

Ce dernier album a été conçu de façon plus tranquille que ’Brûle’ ?

Miossec : « C’était moins le bordel ; qu’est ce que cela fait du bien ! »
Sur certaines chansons, tu laisses les raines à Joseph Racaille, on a pas trop peur de laisser son avenir entre les mains d’un mec qui s’appelle Racaille ?

Miossec : « Il s’est auto baptisé Racaille en 72-73, il y a donc prescription »
Que t’a t’il apporté dans ton approche de la musique ?

Miossec : « A vrai dire j’allais comme un couillon chez lui avec ma guitare et je lui laissais l’entière liberté. Je voulais surtout pas qu’il ai l’idée de censure de ma part. Je sais que son boulot d’arrangeur est hyper casse burnes car les gens viennent te voir pour tels ou tels motifs. Au bout d’un moment ça devient de la variétoche de merde avec des violons partout. Avec Joseph il n’y avait pas de danger là dessus. Le but du jeu c’était de se faire confiance mutuellement. »

Tu sembles fier d’avoir fait un bout de parcours avec l’orchestre Lyrique de Région Avignon Provence, comme s’ils t’avaient fait un beau cadeau de t’accepter parmi eux pour reprendre d’anciennes ou des nouvelles chansons de ton répertoire ?

Miossec : « ouais, énorme ! au départ c’était tellement beau que je ne voulais pas y aller ! » (rire)
Cela te faisait peur ?

Miossec : « Je savais pas si j’avais les épaules assez larges pour m’attaquer à ce genre de truc. J’ai fais ça dans l’urgence, par obligation. Il y avait des dates de concerts donc j’étais sous contrainte. Cette contrainte m’a fait énormément de bien. »

Ils t’ont ouvert à d’autres horizons, enlevé certaines inhibitions aussi ?

Miossec : « C’est Joseph avec ses arrangements surtout… Quand tu te retrouves en scène avec un orchestre entier au cul t’as intérêt à assurer ! tu ne peux pas jouer au con. Ca m’a fait un déclic. Ils m’ont obligé à être véritablement un chanteur. Fini la déconne avec les notes ou des impros à deux balles. Y a vraiment l’usine à gaz derrière. Tu peux pas te permettre de te rendre et de rendre l’orchestre ridicule. »

Alors que cela pouvait être le cas avant ?
Miossec : « Ho OUI ! (rire)
 »
Une façon d’empêcher ton public de mettre trop d’espérances sur toi ?

Miossec : « Il faut savoir que chanteur c’est un boulot comme un autre. Je voulais désacraliser complètement le truc. Se mettre à hauteur d’homme. Comme je suis tout petit c’est assez facile. »

Avec ce nouvel album, tu sembles mettre l’accent sur le côté compositeur alors qu’avant on te voyait surtout comme un auteur ?

Miossec : « Je me planquais ! Même si je n’étais pas cité, j’étais quand même là. C’était une façon de se désengager, de ne pas assumer. Une façon de dire « c’est de la musique de merde mais c’est pas moi qui l’ai composée ».

Depuis quelques temps, ta passion littéraire pour les auteur minimalistes américains style Carver…[Il coupe]

Miossec : « J’aime bien Carver mais sa femme devrait se calmer et arrêter d’exhumer toutes les merdes qu’elle trouve dans les tiroirs. C’est terrifiant ! Conclusion : il faudrait tout cramer de son vivant. »

Je voulais savoir si cela expliquait ton changement de style d’écriture ?
Miossec : « C’est volontaire. Je voulais épurer. Mettre plus de musique. La rendre plus influente. »

Tu te poses plus sur ’1964’, est ce « la faute » à l’approche de la quarantaine. Comme un vieux sage de John Fante qui se regarde demander à la poussière ?

Miossec : « Fante n’était pas sage, c’était un vrai fou furieux qui voulait gagner plein de pognon et réussir dans la vie. »

Pour parler musique, Mathieu Ballet t’a aidé à sortir d’une ornière qui était devenue de l’auto complaisance avec ton personnage et ta musique ?

Miossec : « ouais… »

Il est loin le Miossec un peu bourrin qui chantait « L’assistant Parlementaire » ?

Miossec : « Il n’est vraiment pas correct ce morceau ! Je renie complètement ’Prendre’… enfin non, il y a de bons morceaux dessus.

Le seul moyen de les remettre en valeur c’est de sortir un disque Live ?
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Miossec : « Ho là surtout pas ! C’est du foutage de gueule des artistes en premier et des maisons de disque en second. C’est le moyen de refaire du pognon. Tout est repassé en studio, on rajoute des machins, on change des choses et on rajoute des applaudissement. J’appelle pas ça du live. Par contre ré-enregistré certains morceaux de ’Prendre’ me plairait pas mal. »

Comme un artiste qui retoucherait une toile ?

Miossec : « Plutôt un chansonnier. »
Tu n’aimes vraiment pas te mettre en valeur ?

Miossec : « Il n’y a pas de plan d’action mon garçon ! »

Mais tu es un des seuls artistes à dire ce genre de trucs, à remettre sur un plan humain la chanson et le chanteur ?

Miossec : « C’est ça qui est rigolo (rire)… et casse gueule aussi. »

Tu te sens toujours à la limite de l’univers musical, avec parfois un côté où tu craches et un côté où tu brosses ?

Miossec : « Je sais pas si je suis à la limite de la fin mais j’ai toujours l’impression de faire du rodéo. Peut être moins qu’avant. Surtout sur les concerts. J’ai pu faire des choses catastrophiques et ça je ne l’admets plus. »
Pour les gens qui viennent t’applaudir ou pour toi ?

Miossec : « Pour ma gueule tout simplement ! Pour éviter les remords quand tu te réveilles le matin et que t’es pas très fier de ce que t’as fait la veille. »
Dans tes chansons tu aimes faire de l’homme un sujet condamné par la femme ?

Miossec : « J’ai pas l’impression de taper à côté ? »
C’est un sujet qui t’intéresse les relations tendues entre les deux sexes ?

Miossec : « Toutes les musiques populaires du blues, au raï ne parlent que de ça. Je ne suis pas original. J’ai le sentiment d’écrire des trucs normaux, ce sont les gens de la variétoche qui écrivent de la merde. J’entends des trucs en me demandant ce qu’ils peuvent bien raconter comme conneries.

Tu préféreras toujours chanter la défaite à la victoire ?

Miossec : « Parce que j’aime le blues je te dis ! »

En utilisant ton image de clochard céleste ?

Miossec : « De moins en moins. Une sale manie qui passe. »
Par contre tu nous fais un petit retour à Recouvrance dans « Brest » comme un clin d’œil à tes débuts ?

Miossec : « C’était une vraie envie. Une revanche. J’avais fait un concert dans la ville, vu que j’habite plus sur Brest, il y a un journaliste local qui se demandait comment je pouvais encore chanter des chansons sur cette région et patati et patata… des conneries quoi… »

Qu’aimerais tu effacer de ton passage sur la terre ?
Miossec : « C’est secret. Secret défense. »
Il y a des choses au moins ?

Miossec : « Heureusement. »

Je sens que tu vas me dire avec ton complexe autodestructeur qu’il y a tout à effacer !

Miossec : « Non ! Arrête… »

Pour qui rêves-tu d’écrire un texte ?

Miossec : « C’est déjà fait, c’était Greco et Bashung. »
Passer de ’Madame’ le titre hommage que tu avais fait pour Greco, à écrire un texte pour elle c’est quoi la différence ?

Miossec : « Une putain de rencontre humaine. Elle n’était pas au courant, jusqu’à il y a 6 mois que j’avais composé une chanson sur ’Brule’ qui parlait d’elle. Je ne lui ai jamais dit. »

Si tu devais écrire pour un richissime poussif qui s’appellerait Jean Philippe Smet ou un anonyme qui aurait du talent ?

Miossec : « Le talent anonyme j’ai déjà fait… pour moi il est super connu c’est Polar ! »

Ca t’ennuie que ce garçon ne soit pas plus médiatisé ?
Miossec : « C’est terrifiant ce boulot. Ce métier est une cagnotte. Un loto. »

T’arrive t’il encore de prendre d’assaut les stations d’autoroutes pour acheter toute la beaufitude française en compagnie d’Axel Bauer comme tu l’as déjà fait dans l’émission ’Sur La Route’ qui passait sur Canal Jimmy ?

Miossec : « T’as vu cette émission ? Ces cons ont coupé plein de séquences, la production était pas contente. Ils ont supprimé les plus grosses conneries. Dans l’esprit, tout ce qu’ils ont enlevé c’était digne de Jackass. »

Qu’est ce qu’il te reste à faire avant d’avoir vraiment tes quarante ans ?
Miossec : « Tenir la route c’est déjà pas mal ! »
Notamment sur la prochaine tournée ?

Miossec : « J’étais fier des premiers concerts qu’on a donné. Pour une fois j’ai assuré. »

Et on retourne sur le côté Miossec qui se flagelle…


Miossec : « Pas du tout ! C’était vraiment un putain de plaisir d’enchaîner une trentaine de concerts en faisant des choses moins chaotiques. »

Ton site Internet est très beau et orchestré de main de maître par une webmaster du tonnerre qui était avant de devenir ton site officiel un site de fan amateur ?


Miossec : « J’y vais jamais parce que je ne suis pas connecté et que cela ne m’intéresse pas. Laurence Neige est adorable mais je la laisse bosser. C’est idem avec Joseph Racaille. J’ai pas envie de les emmerder. J’aime travailler avec des gens en faisant confiance. »

Interview réalisée préalablement pour RIF-RAf publié avec leur accord.

Interview réalisée préalablement pour RIF-RAf publié avec leur accord.