"Le Jour J reste un Putain de sacré Coup de Poker"

"Le Jour J reste un Putain de sacré Coup de Poker"

Le 6 juin 1944 est devenu le symbole de la liberté repoussant la barbarie nazie aux termes d’une opération de débarquement formidable. Il s’en est fallu de peu pour qu’elle échoue, et plus encore qu’elle occulte le rôle essentiel des forces armées soviétiques dans la reconquête de l’Europe.

Du point de vue militaire, il n’est pas possible d’exagérer l’importance du débarquement allié sur les plages de Normandie. L’opération Overlord est la conséquence de 4 ans d’expérience au feu, acquise au cours de plusieurs opérations amphibies qui se sont développées l’une après l’autre. Il y a eu d’abord le précédent malheureux du débarquement de Dieppe le 19 août 1942 où les troupes canadiennes ont été balayées en pure perte au cours de l’opération Jubilee, alors que les stratèges militaires estimaient absurde l’ouverture d’un second front en Europe à ce stade du conflit.

Mais pour investir la Normandie, les alliés ont acquis suffisamment de forces et d’efficacité pour mener une offensive militaire d’une ampleur extraordinaire, sans pour autant s’imaginer à quel point le chemin de la victoire serait encore semé d’embûches. Overlord est sans doute l’opération la plus ambitieuse dans l’histoire. Elle a impliqué quelque 133.000 hommes et plus de 10.000 véhicules sur une centaine de kilomètres de côtes fortifiées. Un grand nombre d’équipements ont été conçus exprès pour l’effectuer, comme de nouveaux casques, des chars d’assaut flottants et les fameux containers Mulberry destinés à former des ports artificiels une fois assemblés.

Plus de 1.200 navires de guerre ont protégé l’expédition à travers la Manche, et 23.000 personnels aéroportés ont été largués en arrière des lignes ennemies pour préparer la pénétration de la force d’invasion. Deux ans plus tôt, ce sont 8.000 hommes qui s’embarquent pour Dieppe à bord de 250 bateaux. En 1982, le débarquement aux Malouines des forces britanniques a impliqué 4.000 hommes et 4 bâtiments de ligne. Un débarquement demeure l’opération militaire la plus risquée qui soit. Le général Sir Alan Broke, qui représentait l’état major britannique à la préparation de l’opération, écrivit la veille du 6 juin 1944 : ce pourrait être le plus grand désastre de toute la guerre.

L’opération a nécessité un an de préparation au moins. Sa mise en œuvre est décidée à la conférence de Casablanca le 14 janvier 1943. Prévue pour le 5 juin, elle est reportée à cause du mauvais temps en mer. Dès minuit, une préparation d’artillerie pilonne la côte entre Le Havre et Cherbourg, et des troupes sont parachutées en éclaireur et pour prendre des objectifs comme le fameux Pegasus Bridge sur le canal de Caen à la mer. Au soir du 6 juin, environ 156.000 hommes ont pris pied sur les plages normandes. Les pertes alliées s’élèvent à 10.300 hommes, dont le tiers de tués.

Si les alliés ont suffisamment investi pour établir une tête de pont sur le continent, le moment critique est situé entre J+3 et J+9, le temps d’acheminer suffisamment de troupes pour faire face aux contre-attaques des forces allemandes. Les plans d’invasion alliés comprennent la prise de Caen et Bayeux dès le premier jour, toutes les plages devaient être reliées à part Utah Beach et une ligne de front avancée à 10-15 kilomètres à l’intérieur des terres. Dans les faits, aucun des buts n’est atteint. Mais les pertes, 4.000 morts et 6.000 blessés, soit moins de 3% des forces, ne sont pas aussi importantes que prévues et les têtes de pont sont parvenues à repousser les contre-attaques allemandes avec l’appui de l’artillerie navale.

Tout au long de leur pénible avance, le problème principal des alliés est logistique. Il leur faut acheminer sans discontinuer pendant des jours et des semaines, des dizaines de milliers d’hommes, des armements lourds, des munitions, du carburant, de la nourriture… Le 19 juin, une tempête détruit le port artificiel américain de Saint-Laurent-sur-Mer. Au final, après 87 jours de campagne, plus de 2 millions de soldats alliés, plus de 438.000 véhicules, plus de 3 millions de tonnes d’équipements et de ravitaillement sont débarqués en Normandie.

Pour les Français, écrit Nick Hewitt, historien à l’Imperial War Museum de Londres, le Jour J signifie la libération de quatre longues années d’occupation et d’oppression. Pour les Anglais, c’est le retour triomphal en France, après en avoir été chassé en juin 1940 d’une façon humiliante. Les Américains se félicitent de constater que leur idée d’assaut direct depuis la Manche a été couronnée de succès. Pour autant, le débarquement allié en Normandie n’a pas réussi tout seul à l’emporter sur la barbarie nazie. Il fut réclamé par Staline, dont le peuple supportait seul l’effort de guerre avant l’ouverture d’un second front à l’ouest.

Mais s’il avait eu lieu plus tôt, en 1943 ou en 1942 comme l’ont souhaité un certain nombre de stratèges américains, les conséquences en auraient été autrement différentes. Pour autant, souligne Nick Hewitt, dans leur esprit, le Jour J reste un putain de sacré coup de poker.

 

 


C’est un jour affecté au devoir de mémoire,
Les grands libérateurs sont dès lors absolus
Car il ont l’art d’agir sur les plus vermoulus
Plutôt fripés tels les habits dans une armoire.

Là, notre continent est comme une écumoire
Percé par des conflits plus ou moins farfelus,
Si les livres que ses enfant n’ont pas bien lus
N’ont pas été écrits comme avant le grimoire.

Comment avoir la paix sans aimer le voisin ?
Mais nous avons autant de haine en magasin,
La beauté de la guerre en est toujours vivace.

Depuis longtemps déjà les canons se sont tus
Et l’Europe est sans doute et à l’arrêt rêvasse
D’un futur plutôt rose hors des sentiers battus.