Un roman de Gaston Massat sur la Résistance ariégeoise

Un roman de Gaston Massat sur la Résistance ariégeoise

Paru en feuilleton dans le journal Action, Capitaine Superbe avait été édité en 1946 chez Bordas. Les éditions Libertaires nous permettent de redécouvrir cet excellent roman signé Gaston Massat.

Catherine Massat a eu la bonne idée de frapper à la porte des éditions Libertaires pour rééditer le livre de son oncle Gaston Massat. Ainsi, nous pouvons lire ou relire un roman passionnant sur la Résistance ariégeoise dans le Couserans, territoire pour les insoumis et les rebelles depuis l’époque napoléonienne.

Gaston Massat (1909-1966), résistant, poète engagé lié aux surréalistes, ami de Lucien Bonnafé, de Paul Éluard, de Jean Cassou, de Joë Bousquet (qu’il a salué dans un beau texte publié en 1958 chez Seghers dans la collection Poètes d’aujourd’hui) et de tant d’autres écrivains et artistes était un communiste discret qui se moquait des honneurs factices et des conventions.

Totoche (comme ses amis l’appelaient) aimait les livres. Il en vendait dans sa librairie, rue Villefranche, à Saint-Girons, sa ville natale. Il en écrivait aussi. On lui doit des recueils de poèmes, des nouvelles et un roman, Capitaine Superbe, qui n’est pas passé inaperçu. Louis Aragon dans L’Humanité, Louis Parrot dans Les Lettres françaises, Jean Marcenac dans La Marseillaise, Pierre Gamarra dans Le Patriote du Sud-Ouest... ont salué cet ouvrage qui dessinait le vrai visage du Couserans aux heures sombres. Une authenticité qui colle aux réalités du maquis et de la collaboration en Ariège.

Flash-back. Les troupes allemandes ont franchi la ligne de démarcation en novembre 1942. La 6ème Panzerdivision a investi Saint-Girons. La Gestapo traquait les passeurs, les juifs et tous les candidats à l’exil. Aidés par des miliciens français très zélés, les nazis laissaient des plaies ouvertes derrière eux. Exécutions d’habitants par la compagnie Das Reich (qui martyrisera Oradour-sur-Glane plus tard), représailles destructrices contre un village... Heureusement, les maquis composés de communistes, de FTP-MOI, de républicains espagnols... ne manquaient pas d’énergie pour changer le cours des choses.

Le titre du livre de Gaston Massat est trompeur. Le capitaine Superbe n’est pas un maquisard héroïque. Ce n’est qu’un minable parmi les minables, une brute épaisse, un salaud de collabo prêt à tout pour terroriser la population avec une petite bande de lâches. Avec sa clique de pourris, ils sont tour à tour assassins, pillards, violeurs, tortionnaires… Leurs moments d’ivrognerie sont ponctués par les chants de la LVF, la Légion des volontaires français contre le bolchevisme. Comme des chiens fous, ils aiment débarquer chez les gens en gueulant « police allemande ». Chaque jour, des juifs « disparaissent », des communistes et même des « mauvais catholiques » sont fusillés. Ils brûlent des maisons, ils abattent un député qui avait soutenu Sacco et Vanzetti, ils achèvent leurs victimes à coups de pelle, ils maquillent leurs crimes pour tenter de discréditer les maquisards...

La seule qualité du Capitaine Superbe, c’est d’avoir une fille superbe. Marie est profondément dégouttée par son père depuis qu’elle l’a vu tuer sa mère à coups de pied, depuis que des hommes sont abattus devant sa porte. Marie est tout le contraire de son père (qui aura une fin digne de sa vie glauque). En prime, Marie aime Raoul, un résistant caché dans le maquis. Le débarquement des Alliés en Normandie va accélérer les événements. Une embuscade se prépare contre l’armée allemande. Quand la colonne militaire arrive, Raoul aperçoit Marie retenue en otage parmi les boucliers humains que les Allemands et les miliciens français utilisent pour se protéger sur la route de « Rivals » qui est en flammes. FTPF d’un côté, guérilleros anarchistes espagnols du MLE (mouvement libertaire en exil) de l’autre, les antifascistes passent à l’attaque. Après des combats acharnés, l’ennemi capitule.

La fiction n’est pas autobiographique, mais le tableau est juste parce qu’il s’appuie sur des moments historiques comme la violente bataille de Rimont où, les 21 et 22 août 1944, 400 maquisards français et espagnols mal armés vinrent à bout de 1500 soldats allemands et turkestanais (les « Mongols ») munis de canons et de mitrailleuses. Le récit est également poignant par le fait que la montagne, les arbres, les rivières sont des personnages à part entière. Très présent, le paysage sauvage semble attendre aussi la fin de la tempête meurtrière.

« C’est la fin de la souffrance. C’est la fin d’un terrible orage. Il faudra toujours penser à ceux qui ont donné leur sang pour nous ; il ne faut pas que ce qu’ils ont fait soit perdu », souffle Raoul à une Marie blessée, mais vivante. Avec ce livre qui ne nous abandonne pas, comme disait Aragon, Gaston Massat a pleinement œuvré pour que le souvenir des combattants de la liberté ne s’évanouisse pas.

Gaston Massat, Capitaine Superbe, éditions Libertaires, 170 pages. 13€. Couverture illustrée par un portrait de Gaston Massat vu par Ernest Pignon Ernest. En vente en librairie et sur commande à editionslibertaires[at]wanadoo.fr

Gaston Massat aurait eu 100 ans le 10 juillet 2009. Pour lui rendre hommage, la ville de Saint-Girons propose une exposition au château des Vicomtes du 16 juillet au 20 août. Différents documents, lettres, œuvres et ouvrages y seront présentés. Le vernissage est prévu le jeudi 16 juillet, à 18 heures, devant les caves du château. Une soirée poétique est annoncée, à 21 heures, dans la mairie de Saint-Girons. Un recueil des poèmes de Gaston Massat préparé par les éditions Le Pas d’Oiseau, y sera présenté.

L’exposition Le mot et l’image (peintures rendant hommage à la poésie de Gaston Massat) est présentée du 13 au 21 juin à la Grange de la Cité de Saint-Lizier. Au même endroit, le jeudi 18 juin, à 21 heures, les poèmes de Gaston Massat seront lus par la compagnie Calabasse Théâtre et l’école de musique de Saint-Girons.