Opel et GM champions du monde du cynisme

Opel et GM champions du monde du cynisme

General Motors signale aujourd’hui que le constructeur automobile a trouvé un terrain d’entente avec des actionnaires importants pour éviter une faillite retentissante, grâce au soutien du Trésor américain. Le montage financier est un modèle du genre, et rappelle un double jeu mené par les géants de l’industrie américaine avec les nazis dans la préparation de la deuxième guerre mondiale. Leur puissance leur offre en effet les moyens de faire pression sur les pouvoirs publics pour réaliser de bonnes affaires, au mépris de leur objet social et de l’intérêt des populations.

Les constructeurs automobiles américains ont longtemps masqué leurs relations avec le régime nazi de l’Allemagne hitlérienne en se présentant comme l’arsenal de la démocratie. Mais dans le IIIème Reich comme aux États-Unis, GM et sa filiale allemande Opel se sont livrés à d’intenses pressions pour participer à l’effort de guerre dans les années trente, puis en adaptant leurs lignes de production pour produire des avions, des chars d’assaut et toute sorte de véhicules blindés pour les armées alliées autant que la Wehrmacht.

En 1998, le Washington Post, sous la plume de Michael Dobbs, a fait le point sur une enquête réalisée par des historiens et des avocats américains qui cherchaient à former des recours collectifs devant la justice au nom d’anciens prisonniers de guerre. Un livre a fait l’objet d’une publication de toutes les pièces du dossier. General Motors est bien plus essentiel que la Suisse pour la machine de guerre nazie, explique Bradford Snell, qui a passé vingt ans dans les archives à la recherche de motifs d’inculpation à l’encontre du constructeur.

La Suisse servait juste à faire fructifier les rapines. GM faisait en revanche partie intégrante de l’effort de guerre allemand. Les nazis auraient pu envahir la Pologne et la Russie sans l’aide de la Suisse. Ils ne l’auraient pas fait sans GM ! Des documents exhumés des archives allemandes et américaines donnent une image très contrastée. Un certain nombre d’exemples indiquent les réticences des dirigeants américains de GM et Ford pour intensifier la production militaire aux États-Unis à un moment où l’administration Roosevelt souhaitait contrer l’effort de guerre allemand. Pendant ce temps, ils accordaient toutes les facilités possibles à Adolf Hitler pour réarmer en Allemagne.

Quand vous songez à Henry Ford, vous pensez base-ball et apple pie, explique Miriam Kleinman, chercheur dans un cabinet juridique de Washington : vous ne l’imaginez pas en portrait sur le bureau de Hitler à Munich. Ford et General Motors ont justifié les relations d’affaires avec l’Allemagne nazie dans la mesure où le gouvernement des États-Unis a poursuivi ses relations diplomatiques avec Berlin jusqu’à l’attaque japonaise en décembre 1941sur Pearl Harbor. Le porte-parole de GM a déclaré alors que General Motors perdait de jour en jour le contrôle de ses usines allemandes jusqu’en septembre 1939, et n’a aidé les nazis en aucune manière pendant la deuxième guerre mondiale.

Quand les soldats américains sont arrivés en Europe en juin 1944, ils l’ont fait ainsi dans des jeeps, des camions et des tanks produits par les grands trois grands constructeurs automobiles américains au moyen d’un programme d’armement et de destruction jamais entrepris. Mais ils ont eu la désagréable surprise de voir que l’ennemi aussi était au volant de camions et de véhicules blindés produits par Ford et Opel ! GM possédait Opel en filiale exclusive depuis 1929…

Les relation de Ford et de GM avec le régime nazi remonte aux années vingt et trente, quand les constructeurs américains se sont livrés à une surenchère pour accéder au marché allemand. Hitler était un admirateur des techniques de production en série américaines et un lecteur assidu des théories antisémites un moment produites par Henry Ford : je le considère comme une source d’inspiration, a dit Adolf Hitler à un journaliste de Detroit deux ans avant de devenir chancelier en Allemagne, expliquant pourquoi il a accroché un portrait grandeur nature de l’industriel au mur de son bureau. Henry Ford après tout, cherchant à donner la possibilité à chacun de ses ouvriers d’acheter une des voitures sortie de ses chaînes de montage, n’était pas loin d’inspirer le travailler plus pour gagner plus !

En 1935, le GM a bien voulu construire une nouvelle usine près de Berlin pour produire un camion baptisé Opel Blitz, qui plus tard sera employé par la Wehrmacht pour la guerre-éclair sur la Pologne, la France et l’Union Soviétique. Le cliché d’illustration le montre en second plan sous sa version chenillée de transport d’infanterie, derrière deux Opel Olympia pendant la campagne de France. Ford était quant à lui le deuxième constructeur de camions allemands pour les nazis après Opel-GM, d’après des documents de l’armée américaine.

Ainsi Opel et General Motors se livrent-ils au même chantage aujourd’hui qu’avant et pendant la deuxième guerre mondiale, utilisant comme otage l’importante population qui dépend des salaires que leur versent les constructeurs automobiles dans les négociations qu’ils exercent sur les pouvoirs publics. Hier fournisseurs de l’effort de guerre dans un contexte artificiellement productiviste de réarmement, aujourd’hui soucieux avant tout d’apurer leurs dettes sociales et de se redéployer vers les nouveaux marchés que constituent les pays émergents.