Entretien exclusif avec le groupe Air

Entretien exclusif avec le groupe Air

Après avoir rencontré Sandrine Rotil-Tiefenbach pour « J’air » son roman
merveilleux, il m’était dans l’obligation de faire une halte chez les « 
Air » pour connaître la saveur (après celle de la littérature oxygénante) d’
une émotion provenant de la musique.

Les papes du ’feeling transatlantique
musical’ reviennent donner une série de concerts en France avant de s’
envoler sous d’autres latitudes : New York. Tokyo. Montana. Express, sans
Richard Brautigan mais avec une pelleté de fans de toutes origines,
dynasties et partis politiques. Leur musique universelle et sans barrière,
divise parfois, mais génère surtout un consensus pour ces gens qui se
retrouvent derrière eux.

« Talkie-Walkie » est un album beaucoup plus court que le précédent, encore
plus planant, qui fera dire à leurs détracteurs tout le mal qu’ils pensent d
’eux et à leurs fidèles auditeurs, amoureux de ce son « Air », qu’ils n’ont
jamais été aussi bon.

Hier vous jouiez au Zénith de Paris, comment fait on pour passer d’une salle
de 14 000 places à une salle comme celle de ce soir qui a une configuration
club ?

Air : « La pression est la même. Hier on a joué devant Papa-Maman. Quand tu
es musicien tu dois jouer avec la même passion devant aussi bien 100 000
personnes que devant un clochard. On essaye toujours d’être à fond, au
maximum quel que soit la disposition du soir où l’on joue. »

Vous n’avez pas peur d’exposer votre musique à cette ambiance plus
chaleureuse que peut être une petite salle ?

Air : « Le son donne mieux car nous sommes plus confinés. Que ce soit nous,
le public ou les techniciens. La fonction de Air reste cette musique
Underground. On essaye de garder cette image de groupe Arty. »

Par contre vous emmenez partout avec vous cette infrastructure qui ressemble
à un mega show de stars mondiales, même votre manager par exemple ne parle
que l’anglais ?

Air : « On n’a pas le choix, on est international. C’est à dire qu’on est
les seuls français sur l’équipe. Air est un groupe étranger de nationalité
française. »

Quand on traduit ce que vous chantez, concernant les rapports amoureux, c’
est souvent deux personnes qui n’arrivent finalement jamais à se rencontrer
comme dans ’Venus’ ou si c’est le cas c’est très furtif comme dans ’Run’ ?

Air : « Cet album est un album de romantisme pur qui exprime la difficulté d
’être en osmose avec quelqu’un. Que ce soit l’un ou l’autre, on cherche
chacun de son côté, l’âme sour, la femme parfaite. S’il fallait résumer cet
album ce serait une grande quête de désir que l’on a pour les femmes. »

C’est un thème qui est nouveau pour vous, peut être plus humain ?

Air : « On est différent de ce que l’on était à nos début. Maintenant, en
tant qu’homme de 30 ans, on a vachement compris les rapports entre les deux
sexes. Quand on est plus jeune on est plus fougueux, on ne se rend pas
forcément compte que le bonheur consiste à une dose de tendresse. Dans toute
la largeur du sens du terme. La tendresse dans toutes sortes de rapports.
Celle de l’amour comme celle du parlé. la tendresse qui touche la musique
aussi. »

« Talkie-Walkie », titre de l’album, c’était prédestiné pour expliquer
votre complémentarité, cet aspect télépathique qui existe entre vous deux ?

Air : « L’image télépathique c’est ce que l’on a trouvé pour gonfler le
dossier de presse. Le mot en lui même fait tilt dans la tête. C’est un objet
de communication, un jouet, un ancêtre du téléphone mobile, tout cela nous
plaisait fortement.

Je voulais savoir si votre chanson « Universal Traveler » c’est la
complainte de Air sur votre vie d’artiste ?

Air : « C’est le spleen de Air en voyage en permanence. A force de sillonner
la terre entière, de vivre à l’étranger, tu finis par analyser ta vie de l’
extérieur. C’est un sentiment hyper traumatisant. Tu n’as plus de maison,
plus de racine. L’impression d’être chez toi dans un avion est
particulièrement dérangeante. L’équipage devient ta famille, le look des
sièges ton intérieur et la nourriture non réchauffée un luxe. On est chez
nous quand on vole sur Air-France ! (rire) »

’Talkie Walkie’ a sûrement profité de ce jet-lag permanent ?

Air : « Oui notamment grâce aux américains. Ils ont une vraie science de la
culture pop. Une façon bien à eux d’enregistrer un album, c’est la raison
qui nous a poussé à demander de l’aide à Nigel Godrich pour la production. »

En parlant de ce peaufinage sonore, d’où proviennent ces sons de rues dans
’Alpha, Beta Gaga’ ?

Air : « D’un café bar juste à coté du Château Marmont à Los Angeles. Nous
sommes allés sur le toit avec Nigel pour enregistrer le son de Sunset
Boulevard. »

Encore une façon de prolonger le rêve avec des lieux mythiques ?

Air : « Tout à fait. Pour avoir de jolies choses sur cet album. Prendre
Michel Colombier pour arranger les cordes c’est aussi un monument
exceptionnel qu’on a réussit à avoir sur notre disque. »

En 2001, avec « 10000 Hz Legend » est ce que l’antenne sur la pochette n’
avait pas capté trop de sons venus de trop loin ?

Air : « Peut être. ’10000 Hz’ était un album expérimental d’influence
américaine, avec notamment les musiciens de Beck. A cette époque là on était
totalement sous influence US. On a monté quelque chose d’hétérogène sur ce
disque. Tous les morceaux sont cassés, curieux. C’est un album de
recherche. »

Vous avez raccourci la durée du disque de 60 minutes sur le précédent à 40
sur le dernier, pourquoi ?

Air : « Une volonté d’être court et amical musicalement pour faire quelque
chose de puissant émotionnellement. On avait beaucoup de choses à dire donc
on a essayé de le faire passer d’une façon la plus compréhensible possible
mais de manière compacte. »

On a beaucoup parlé de vos collaborations sur les BO de Sofia Coppola mais
très peu de ce projet avec l’écrivain Barrico. La raison de ce demi-mutisme
est-il du à la difficulté de coller une atmosphère sur des mots. plus que
sur des images ?

Air : « Pourtant c’était le même principe. Avec Alexandro Barrico on avait l
’impression de faire une musique de film pour habiller ce qu’il racontait. C
’était à peu près la même démarche, la même façon de travailler. Ce qui est
particulier à cet album et qui pourrait expliquer son relatif échec, c’est
que c’est quelqu’un qui parle pendant tout le disque et que nous n’avons
fait que l’accompagnement sonore derrière. C’est quasiment un livre-disque
et les gens ne sont pas forcément habitués à ce genre de choses. »

Par ces expériences d’habillage sonore, avec le ballet « Near Life
Experience » aussi, vous avez amené votre public vers d’autres centres d’
intérêts. Est ce que vous en avez les échos parfois ?

Air : « Bien que nous n’ayons jamais fait d’études de marché de notre
public, le projet avec Angelin Preljocaj le chorégraphe de la troupe dont tu
parlais à étendu la musique de Air dans un domaine plus artistique. Nous
sommes passés de compositeur pop, qui est un exercice particulier à une
image plus artistique. »

Contrairement à d’autres groupes vous n’avez jamais recherché la distance
pour vous effacer derrière des personnages. D’ailleurs dans le dernier album
vous n’avez même plus besoin de vocoders pour cacher vos voix ?

Air : « On chante naturellement pour ne plus se cacher justement. On en
avait marre de la « French Touch » avec une super belle pochette sans savoir
qui est dedans. On voulait prendre des risques. Même sur scène on se met
plus en avant, certainement car nous avons plus de poids à apporter qu’
auparavant. »

Il y a une phrase dans votre dossier de presse qui dit « Tout repose sur Air
et sur son rêve de légende underground » ?

Air : « Air est un groupe artistique qui fait de la musique spéciale, qu’on
aime ou qu’on déteste, et qui de temps en temps, émerge pour le grand
public. Par une musique de pub, une BO ou un petit hit radio. »

On dit souvent que vous êtes boulimiques de sons et que vous écoutez d’
autres musiques. J’aimerais donc que vous me définissiez votre musique mais
aussi cette « autre musique » que vous écoutez ?

Air : « On essaye d’apprendre beaucoup d’autres albums quel que soit le
style. C’est inutile à notre sens de connaître plein de disques mais c’est
indispensable de connaître les grands monuments et de les étudier. Quand à
notre musique, ce qu’aiment les gens, ce qu’on défend, c’est simplement de
faire de la musique planante et tripante ! »

La compréhension de votre univers passe par ces deux points essentiels ?

Air : « Avec une forte charge émotionnelle qui rentre en compte aussi.

Justement, l’émotion que suscite vos albums fait que, soit ils sont
encensés, soit détestés. Soit l’on parle de votre génie, soit péjorativement
d’une musique d’ascenseur, d’où vient ce paradoxe ?

Air : « Les gens qui nous détestent, disent que notre musique est molle. Ce
qui consiste à dire dans leur esprit qu’elle n’est pas rock. Mais le rock
pour nous c’est de la musique terminé. De la musique qui trouve son sens au
XXème siècle. Le rock inventé dans les années 50, provient des accords
blues, qui provient du négro spiritual qui remonte au début du siècle, avec
un age d’or dans les années 60-70 pour s’éteindre ensuite. Maintenant que
nous sommes au XXIème siècle, Air essaye de développer d’autres sons. De
faire la musique du futur plus que du passé. Notre dada consiste à inventer
le hit planant du futur. Faire de la musique luxueuse pour avoir la chance
de rêver et de s’échapper du manque de place. »

Pour terminer, j’aimerais que vous me parliez de Sébastien Tellier qui sort
un album ’Politics’ sous votre label personnel ?

Air : « Sébastien est signé sous notre label « Records Makers »
effectivement. Disons qu’il fait de la musique très personnelle, planante,
très harmonique. Très belle. J’adore son morceau ’La Ritournelle’. Sébastien
est un poète maudit attiré, voir obsédé par la beauté. »

Avoir cette porte de sortie en matière de production d’autres artistes, c’
est enrichissant ?

Air : « Pécuniairement sûrement pas mais artistiquement c’est formidable. »

AIR,Talkie-Walkie, Source
Air sur le net

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