L’Abstention grand Vainqueur des Élections

L'Abstention grand Vainqueur des Élections

Avant même la tenue des élections européennes le 7 juin, nous connaissons déjà le grand vainqueur : plus de la moitié des électeurs ne rendront pas aux urnes, au moins autant de gens que pour les échéances précédentes au printemps 2004. À qui la faute ?

Pour les petites listes et Nathalie Arthaud, qui défend les couleurs (le rouge) de Lutte Ouvrière dans le Sud-Est, les classes populaires n’attendent rien de ces élections. Les salariés menacés de licenciement, ceux dont les salaires ne permettent pas de boucler les fins de mois, les retraités dont les pensions sont insuffisantes savent que ces élections ne résoudront pas leur problème. L’Europe s’intéresse aux affaires des capitalistes et ce n’est pas pour rien que 6.000 lobbyistes se sont installés en face du Parlement. Si la secte trotskiste n’a pas le vent des médias en poupe, elle n’a en effet pas grand-chose à espérer du scrutin.

En revanche, l’ambitieux Besancenot creuse l’écart avec 11% d’intentions de vote, selon le dernier sondage publié par Le Parisien. L’ensemble des listes alternatives ou d’extrême-gauche pourrait recueillir un peu plus du quart des suffrages, mais leur émiettement les condamne à ne pas récolter les fruits du mécontentement général. En effet, il n’est plus de catégorie sociale qui n’ait à se satisfaire des ukases édictés par la commission européenne, depuis les producteurs de vin rosé aux ouvriers du secteurs automobiles qui voient leurs ateliers déménager dans les pays d’Europe centrale, sinon plus loin encore…

Pour Jean-François Copé, cette abstention est forcément la faute des socialistes, car quand vous laissez un espace béant sur le plan programmatique, c’est autant d’espace pour les démagogues. Ceux-ci ont en tout et pour tout un seul représentant : François Bayrou. Avec 16% des intentions de vote, le dirigeant centriste serait bien capable de se refaire aux élections européennes, et avoir suffisamment de députés à Strasbourg pour nouer des alliances et agir en coulisses. Le constat que dresse le meilleur ennemi de Jean-François Copé est un peu différent, dans la mesure où les socialistes se sont lourdement trompés depuis le début de cette campagne.

Les socialistes, selon le secrétaire général de l’UMP, au début, ils voulaient voter contre Barroso, ensuite ils étaient animés par l’anti-sarkozysme primaire et puis ils ont voulu parler de l’action nationale, mais ils n’ont jamais parlé d’Europe. Au fond, Xavier Bertrand se sent plutôt à l’aise avec l’avance que les sondages confèrent aux listes que son parti présente. Il estime que l’abstention n’est pas une fatalité dans une interview parue dans La Tribune. Mais il a beau jeu de prévoir que le parti le mieux placé doit se suffire à conquérir le plus de sièges possible.

Lorsqu’il prétend qu’il faut que les messages soient complètement tournés vers l’Europe, il imagine une concurrence avec Les Verts et Daniel Cohn-Bendit, qui à eux deux ne dépassent guère les 10% d’intentions de vote… Martine Aubry, acculée, fustige la dispersion des voix à gauche, comme au premier tour des élections présidentielles de 2002. Le score attribué aux listes socialistes ne la déçoit pas, puisque 22%, c’est le score du PS lorsqu’il est en forme, comme en 1999, quand, au pouvoir, nous avions porté la croissance à 3 % et réduit fortement le chômage. Et le portrait qu’elle dresse de la suite des événements est redoutable : les Français doivent savoir que, sur ce scrutin à un tour, les listes qui font moins de 8 à 10% n’auront pas de députés au Parlement européen. Ce sont autant de voix perdues pour changer de politique. Toute voix perdue ou toute abstention conforte Nicolas Sarkozy.

Si d’aventure ses camarades socialistes européens comptent absolument sur elle pour faire basculer la majorité libérale au Parlement de Strasbourg, Martine Aubry risque de faire long feu à la tête du PS. Le chef de l’État aura effectivement gagné les élections de mi-mandat, ce qui le confortera dans son action. Ceci dit, rien ne prouve que les socialistes ont réellement envie de changer de politique, et pas seulement de surfer sur le mécontentement. Avec des agents d’ambiance tels que Pascal Lamy rue de Solferino, rien n’est moins sûr ! Et les élections intermédiaires, cela sert quand même à exiler un certain nombre d’individus en disgrâce, un motif bien mince pour déranger les citoyens à se déplacer un beau dimanche de printemps.

 

 


Pas de grand enthousiasme avec ces élections
Dont la fadeur est peinte en blanc à la surface,
Mais des ténors font feu où la plupart s’efface
Vers ces routes d’exil en dotant leurs passions.

Si pour tant d’électeurs ce sont là les pressions
Qu’ils nous font sans rugir en guise de préface,
Si la moitié va bien voter, grand bien leur fasse
Tant qu’elle incite à bien nourrir les suspicions.

Le commun des mortels se fout de la campagne
Et se prend d’un désir de les voir tous en pagne
Pour se moquer de leurs défauts sans plus tenir.

L’arnaque est assez belle et l’enjeu reste infime
Car tant d’élus d’ailleurs n’ont pas grand avenir,
Or il en faut toujours pour plonger dans l’abîme.