Alexander Rybak était donné favori avec sa chanson Fairy Tale par de nombreux bookmakers avant qu’il ne concourre avec la place de favori pour la Norvège dans le stade olympique de Moscou samedi. Après le décompte des voix devant les milliers de gens qui composaient l’assistance d’un stade rempli à craquer, devant des millions de téléspectateurs dans toute l’Europe, c’est le prince charmant de la chanson qui l’emporte pour la Norvège. De nombreux pays lui ont donné 12 points, le maximum : Israël, l’Espagne, la Biélorussie, l’Allemagne, la Suède, l’Islande, la Norvège, la Lettonie, les Pays-Bas, l’Ukraine, la Pologne. Un raz-de-marée pour un jeune artiste qui a su jouer sur tous les tableaux l’étendue de son talent. Les Français lui ont accordé 8 points.

Pour comprendre les dessous de cette victoire, il est nécessaire de comprendre l’histoire du vainqueur. Alexander Rybak est né le 13 mai 1986 à Minsk, en Biélorussie, mais il a grandi dans la banlieue d’Oslo, capitale de la Norvège. Il apprend le piano et le violon à l’âge de 5 ans. Le jeune homme s’est produit avec un des violonistes les plus célèbres au monde, Pinchas Zuckerman, et compose aussi ses propres musiques. Il a remporté un grand prix dédié aux jeunes espoirs de la musique en Norvège en 2006 avec une chanson de sa composition, et a fait forte impression l’année suivante à l’Oslo Nye Theatre.

Pour le concours de l’Eurovision 2009, Alexander Rybak a mêlé tous les genres, afin de plaire au plus large public. Sur la scène du stade olympique de Moscou, il n’a oublié ni son violon, ni ses racines slaves. Certes, la chanson Fairy Tale est en anglais, mais elle convient si bien à ce jeune homme et elle est à la portée de la plupart des gens qui se sont vaille que vaille familiarisés avec la langue des affaires… Tandis que trois danseurs exécutaient des pas de danse à la manière russe, le chanteur donnait à voir l’étendue de son jeu de violoniste. Ainsi, l’instrument de musique romantique par excellence devait-il rappeler le passé de son pays natal, la Biélorussie, où vivait une importante population juive avant la seconde guerre mondiale.

La Russie a misé gros pour cet événement télévisé : dans la plupart des pays européens, le concours est raillé, vu comme une compétition ringarde, sans intérêt musical, ironise un habitant du quartier du stade olympique qui, depuis une semaine, vit au rythme des premières répétitions. Mais, ici, les autorités et les médias nous disent tous les jours que nous organisons un grand événement. C’est surdimensionné ! Le pays a en effet consacré quelque 32 millions d’euros à cet événement,

Conjointement avec le Service fédéral de sécurité (FSB) des mesures exceptionnelles sont prises pour prévenir les attentats lors du concours. Ces mesures opérationnelles et de prévention sont mises en oeuvre à Moscou et dans la région de la capitale, a indiqué le ministre de l’Intérieur russe après une réunion de travail. Plus de 20.000 policiers et membres d’agences privées de sécurité ont assuré le maintien de l’ordre à Moscou lors de la finale. La tenue de la gay pride à Moscou le 16 mai par les représentants des minorités sexuelles a été interdite, des incidents violents ont tout de même troublé l’organisation du spectacle, du fait surtout des brutalités policières.

Pour l’occasion, le vieux stade olympique est remis à neuf. Un impressionnant centre de presse, avec rangées d’ordinateurs et poufs colorés pour se détendre, y accueille les quelque 2.000 journalistes accrédités. Certaines délégations sont transportées sous escortes policières au milieu des embouteillages provoqués par les mesures de sécurité : les rues des alentours sont interdites à la circulation, de nombreux commerces ont fermé et le marché local a été déplacé. Pour faire beau et propre, ils ont tout repeint, planté des fleurs… L’église orthodoxe locale n’a jamais été aussi resplendissante, témoigne une passante. Mais une partie de la mosquée locale a été couverte d’une grande bâche aux couleurs de l’Eurovision : le mauve et le rose.

Vladimir Poutine suit les préparatifs de près, a visité les coulisses et sur scène a discuté avec un candidat en pleine répétition. L’Eurovision n’a pas échappé aux controverses politiques et culturelles. Le groupe représentant la Géorgie, 9 mois après la guerre, a été exclu : en jouant sur les mots, sa chanson se moquait du chef de gouvernement emblématique du renouveau de la fierté russe. Du côté des organisateurs comme de celui du vainqueur, rien n’a été laissé au hasard.

Le jeune chanteur de contes de fées à la gueule d’ange a donc joué sur tous les tableaux pour remporter le concours. Il ne faudrait cependant pas que ces habiles calculs nous fassent oublier son talent et sa voix bien placée, qui n’y sont tout de même pas pour rien dans ce succès bien mérité.