Le Krautrock, c’est pas du toc !

Le Krautrock, c'est pas du toc !

Depuis les années 60, trop choux le Krautrock germain de l’ouest ! Les musiciens se sont affranchis des influences anglo-ricaines. Ils ont fichu une bonne claque au rock binaire sur fond de libération azimutée de toutes les expérimentations tant musicales que sociales.
Kraftwerk, Tangerine Dream, Can, Faust, Ash Ra Tempel, Amon Düül, Klaus Schulze… vous connaissez ?

Enfants de la guerre froide et de la grande guerre, porter la tignasse à l’Est était considéré comme un délit, camarade ! A l’Ouest, le régime autoritaire oppressait les mouvements contestataires dans les universités et les expériences communautaires. En marge, Baader et compères issus en majorité de cette mouvance engagée passaient à l’action directe.
De cette effervescence des « années de plomb » et la remise en question des modes de vie de leurs parents passés sous la moulinette du national-socialisme à visage barbare (pléonasme du bruit des bottes), les mœurs vont se libérer du carcan d’antan en emporte le vent. Bienvenue au mélange des genres musicaux étranges et à l’éclatement de toutes les normes en vigueur.

On retrouve dans ce livre le schéma éprouvé et approuvé par mézigue dans la collection « Formes » des éditions « Le Mot et le Reste », qui consiste au préalable à camper l’époque pour ensuite déchiffrer l’histoire et les interactions entre les groupes musicaux, les producteurs managers, les personnages influents et labels. Cette fois, c’est Eric Deshayes qui s’y colle tout seul à décrypter son pavé. Malgré la difficulté des mélanges et des enchevêtrements de ces riches personnalités qui cultivaient les échanges bouillonnants aux frontières de l’impossible, Eric s’en tire avec brio ! Chapeau !
Même que le Franckos qui a baigné son adolescence dans ce milieu auditif cosmopolite s’est régalé et a redemandé sa dose éclec / tronique au point de ressortir ses vinyles tout ridés de cette époque inventive et expérimentale, au point fou de vouloir écouter et découvrir des groupes qu’il ne soupçonnait pas, le cave ! Je le laisse cuver la bière schleue, le gueux !

Le comble de l’horreur, il s’est même découvert un cousin germain, un certain Karl Bartos né en 1952 infiltré dans la formation Krafwerk ! Est-ce bien raisonnable ma bonne dame ?
Vous vous demandez, mais c’était quoi cette foutue musique à la con réservée à des percés des tympans et des fumeurs de kif ? Que nenni, zarbi les ami(e)s. C’est carrément irracontable. Vous savez que les allemands sont d’infatigables voyageurs et avant tout le monde, avant que ce soit la mode des musiques du monde, il y en avait déjà quelques-uns qui mixaient et s’appropriaient des rythmes entendus aux quatre coins de la planète pour les sertir dans leur zizique. L’ethno jazz dans l’album « Embryo’s Reise » (1979) est surprenant et avant gardiste. Ce sont aussi des musiciens de laboratoire qui deviennent sorciers des sons, des bruits, des notes choyées, broyées, démultipliées, bouffées et recrachées par des machines à la marge de la portée sur des riffs de free jazz puisant aux sources du rock psychédélique qui se serait égaré en chemin dans la musique contemporaine, pour faire vite !

Vous me direz, bon d’accord, ça a existé entre les années 60 jusqu’au début des années 80. Bon et point barre, rien à cirer, je ne suis pas concerné(e). Basta mon gag.
Sauf que, abat les œillères. Si je vous dis que Johnny Rotten, des Sex Pistols affirmait avoir été fortement influencé par Neu », (un de ces fameux groupe allemand) ! (page 431). David Bowie, Brian Eno et Depeche Mode, reconnaissent avoir été eux aussi influencés par le rock allemand très choux et pas rave. Plus comique encore, Michael Jackson blanchi à la chaux « a contacté Krafwerk pour qu’ils viennent travailler sur une suite de Thriller » ! (page 436).

Je laisserai le mot de la fin et le phrasé à l’auteur de ce fameux livre, en le remerciant fraternellement pour son opus, histoire d’éveiller nos mémoire à des horizons toujours surprenants pas si éloignés des jours d’aujourd’hui, quoique dans un esprit pas très au fait du commercial carnaval et de la culture toute pareille pour tous. Merdre de merdre au moule et vive Dada qui s’écoute aussi dans le rock alternatif allemand.

« Can, Faust, Ash Ra Tempel ou encore Tangerine Dream, avaient pour points communs, au départ, de rejeter les modèles établis du rock, d’adopter l’improvisation et de manipuler l’électronique autant en direct qu’en studio. La musique se faisant essentiellement instrumentale, il n’y avait plus de chanteur pouvant être identifié comme le meneur, la tête pensante du groupe. Cela facilite d’autant l’éloignement du modèle rock et la pop-starisation ». (page 440).

Eric Deshayes : Au-delà du rock La vague planante électronique et expérimentale allemande des années soixante-dix / éditions Le Mot et le Reste / collection Formes / 443 pages / prix 23 euros / 2007