Nicolas Sarkozy prend les Européennes en Main

Nicolas Sarkozy prend les Européennes en Main

Le président de la République se rend à Berlin dimanche pour participer à une réunion publique sur l’Europe, organisée par la Christlich Demokratische Union (CDU), en présence d’Angela Merkel, Chancelière de la République fédérale d’Allemagne. C’est son second meeting en une semaine après celui de Nîmes, mardi dernier.

Nicolas Sarkozy doit redresser la barre après les cafouillages enregistrés pendant la campagne pour les élections municipales du printemps 2008. Des péripéties auxquelles il n’a d’ailleurs pas été totalement étranger… À croire qu’il avait vraiment envie de voir triompher l’UMP ? Le renouvellement des conseils municipaux est surtout un enjeu local, mais ce fut pour l’Élysée un moyen de conforter des élus du camp opposé, mais qui ne nourrissent pas d’ambition nationale, tout en cherchant à déstabiliser des concurrents sérieux dans leur course au pouvoir. La ville de Pau nous a fourni une belle illustration des calculs réalisés au sommet de l’État.

Les élections européennes n’ont certes pas plus d’importance du point de vue des enjeux nationaux. Strasbourg est encore plus loin de Paris qu’avant la liaison ferroviaire à grande vitesse. Depuis que le TGV met la première à deux heures et vingt minutes de la capitale, les députés européens sont en effet relégués dans la grande banlieue de Paris. C’est un peu comme si le ministère de la Culture s’installait à Bondy… Oui, vraiment : on se souvient des drames qu’a fait naître le déménagement de celui des Finances à Bercy ! Mais deux ans après avoir mis le pied sur la plus haute marche du podium, Nicolas Sarkozy a pris deux belles vestes électorales, et ses promesses électorales de 2007 ont sombré dans le désastre financier du 15 septembre 2008.

L’UMP a mis du temps à mettre au point ses listes. De savants dosages partisans ont présidé à leur élaboration, et il a fallu patienter jusqu’à vendredi pour connaître les éligibles pour la plupart des régions. Ça a été difficile, reconnaît Jean-Claude Gaudin ! Et la main présidentielle n’y a pas été totalement étrangère, comme en témoigne le pataquès de la rétractation soudaine de Luc Ferry, d’abord pressenti pour figurer en Ile-de-France, puis brusquement éconduit vers les mêmes terres d’exil que Vincent Peillon… Tandis que Libération titrait à son sujet le candidat de Carla écarté par l’Élysée, son concurrent Le Figaro donne une autre version du retrait de l’ancien ministre de l’Éducation nationale : quand Nicolas Sarkozy m’a proposé de devenir député européen, il y a plus d’un an, alors que je ne lui avais rien demandé, j’ai posé une seule condition : ne pas être parachuté. Nous ne saurons certainement jamais le fin mot de ce quiproquo, pour autant qu’il vaille la peine de le connaître…

Plus amusant encore : alors qu’on retrouve sans surprise dans le discours que Nicolas Sarkozy a tenu à Nîmes une dénonciation de cette Europe dépolitisée, gouvernée par des règles automatiques qui conduisent à l’impuissance, la critique véhémente reprise du discours de Toulon sur le caractère immoral et suicidaire du capitalisme financier ou l’annonce d’un nouveau monde car la crise impose de refonder tout notre système de pensée et de valeurs, la posture à prendre aux côtés de ses partenaires allemands sera toute différente. Le chef de l’État français ne manquera pas d’exalter à Berlin l’excellence du couple franco-allemand, dont l’unité et la solidité ont permis d’avancer concrètement dans les réponses concertées qu’ont prises tous les dirigeants des pays développés face à la crise économique. Barack Obama n’échappant pas à la règle, puisqu’il vient de partir en guerre, lui aussi, contre les paradis fiscaux !

Bien que se situant déjà dans la contradiction, la campagne électorale pour les européennes aiguise un intérêt bien las en regard des préoccupations de la vie quotidienne. Et tout le monde a d’ores et déjà le sentiment que le renouvellement du Parlement de Strasbourg n’apportera rien de concret, ni de très novateur, dans la gestion des affaires d’une communauté par trop disparate, œuvrant de Brest à Prague pour la déréglementation de tous les systèmes de protection sociale, et la restructuration de l’outil industriel pour aboutir à un modèle globalisé à l’échelle de la planète… Non : l’enjeu des élections européennes n’est pas là. Deux ans après la prise de pouvoir par les urnes de Nicolas Sarkozy, les structures politiques et sociales qui permettaient aux Français de voir venir vaille que vaille, ont été bousculées, malmenées, sommées de disparaître. La crise économique a porté un autre coup de boutoir aux espérances des uns et des autres en des jours meilleurs, et le chef de l’État se sent aujourd’hui le besoin d’une cure de jouvence électorale.

En deux mots comme en cent, Nicolas Sarkozy doit gagner les élections européennes. Le problème est que celles-ci ne sont pas son point fort ! Il s’était fortement impliqué dans celles de 2004, qui ont été le premier coup dur porté au gouvernement Raffarin, ainsi qu’à des réformes auxquelles François Fillon et lui-même ont pris une large part. Mais il pense avant tout à effacer son échec de 1999 pour exploiter la dynamique de sa présidence européenne. Ce scrutin du 7 juin apparaît de plus en plus nécessaire pour conforter l’action présidentielle de Nicolas Sarkozy, à moins qu’il ne la mine.

 

 


C’est maintenant qu’il faut gagner les élections,
Plus tôt, ce n’est pas bien, ou encore accessoire
Quand les vibrants ténors sont sur la balançoire
À se voir en fonction mais tout à leurs passions.

Mieux vaut là leur donner matière à discussions
Pour les chauffer à blanc mais dans la rôtissoire,
Car le scrutin qui compte œuvre en la périssoire
Et le temps fuit sans cesse à ternir tant d’actions.

Si le pouvoir d’achat n’est plus dans la tendance,
Il convient de flancher pour entrer dans la danse
Et l’instant n’est pas vain d’offrir un vrai succès.

La place est nette après deux ans d’effort intense,
Mais l’adversaire est fait dans le mauvais procès
Qui lui prend ses moyens pour être en résistance.