La Photo truquée de Carla et Nicolas Sarkozy

La Photo truquée de Carla et Nicolas Sarkozy

Étonnant cliché que nous ont concocté les secrétaires de rédaction du journal Le Figaro la semaine dernière, à l’occasion du voyage de Carla et Nicolas Sarkozy dans le royaume d’Espagne… Le 29 avril, son site Internet affichait un diaporama plus glamour que nature, où le couple présidentiel s’étreignait dans les jardins du palais du Pardo.

Deux bras supplémentaires venaient serrer bien fort les épaules de Nicolas Sarkozy, parce que les mains de Carla Bruni, vêtue pour l’occasion d’un tailleur coordonné noir et pied-de-poule, étaient occupées à tenir son sac à main. Or, tout le monde le sait, une femme comme il faut ne lâcherait son sac pour rien au monde ! Le choix de la rédaction s’est donc porté sur une petite retouche de rien du tout pour rendre à la palette graphique cette effusion printanière un peu plus passionnée qu’elle ne le fut en réalité.

L’amour que porte Carla Bruni à son présidentiel mari paraissait-il trop convenu par rapport à la french touch que le bon goût français se doit de représenter partout dans le monde ? La romance filée par Nicolas Sarkozy, quelques mois à peine après avoir endossé l’éprouvante charge de sauveur national, à quelques semaines d’un divorce qui a ému la nation tout entière, semblerait-elle encore factice à cause de la fulgurance avec laquelle une nouvelle passion s’est déclarée ?

L’amour, ça va, ça vient. Quand ça vient, ça va ! Les chefs d’État n’ont guère de temps à consacrer à leurs épouses, parce qu’ils sont accaparés par les petits soucis de leurs peuples. Il en est aussi, pour le plaisir d’un bon mot, qui gaffent au point de se voir demander le divorce par une ancienne actrice qui ne comprend apparemment rien au cinéma de la politique… À qui la faute ? Aux citoyens ? À la femme bafouée ? Toujours est-il que la première dame de France a, sans aucun statut, le devoir de représenter la nation qui a élu son mari à la magistrature suprême de la meilleure façon qui soit ! L’escapade espagnole fut une réussite people et diplomatique, et c’est effectivement à la présence magnétique de Carla Bruni qu’on la doit. 2 jours de charme ont éclipsé la crise, les patrons voyous et la déclaration d’impôt qu’il va tout de même falloir remplir.

Le Figaro s’est déjà illustré en publiant des photos truquées, comme celle où Rachida Dati s’est vue amputée d’un bijou de gros calibre. Ce journal, qui se voudrait champion du bon goût, reste en tout cas celui de la bourgeoisie française, qui aime l’argent mais déteste l’exhiber. En ce qui concerne l’amour, c’est tout autre chose : dès qu’il s’agit de faire valoir la propension de la France à la passion amoureuse, il est un devoir d’y souscrire, quand bien même il serait nécessaire d’arranger les choses. En France comme dans les pays musulmans, la tradition des marieuses a encore de beaux jours devant elle. Fonction diplomatique, l’amour doit être montré, même s’il ne fait pas de doute. Souvenons-nous qu’au temps de la monarchie absolue, la cour assistait au lever du roi, à ses premières ablutions, et jusqu’à son royal caca dans la chaise percée. À l’époque, cela valait tous les certificats médicaux de la Faculté… Nicolas Sarkozy n’en a pas encore publié un seul, mais au moins supposons-nous que ses capacités physiques ne sont pas entamées par la pesanteur de sa mission. Au fait, Le Figaro est là pour nous rassurer.

Sur le cliché, nous constatons bien la fougue avec laquelle il étreint Carla Bruni. Pourquoi fallait-il en rajouter, au point de faire pousser deux bras supplémentaires à la première dame de France ? La presse aime les belles histoires, et n’hésite pas à les arranger à sa manière. Ainsi les poignées d’amour présidentielles furent-elles habilement gommées par Paris-Match à l’été 2007, cet hebdomadaire qui en a encore gros sur la conscience pour avoir participé à une manipulation de mauvais aloi lors de la première brouille entre Nicolas et Cécilia Sarkozy. En Union soviétique, il était fréquent de retoucher les clichés officiels. Le peuple avait ainsi la possibilité de connaître les nouvelles options du Politburo, en constatant l’absence inopinée de personnages désormais purgés en direction du Goulag.

La presse française a désormais pour rôle de précéder les désirs des grands de ce monde, en arrangeant à sa manière, et d’une manière agréable, les histoires qu’ils ont envie de nous conter. Cela passe par le texte, bien sûr, et c’est assez facile dans ce cas-là. Mais cela passe aussi par l’image, qui est un vecteur d’émotion bien plus fort. Vous en aviez rêvé, PhotoShop l’a fait pour vous.

 

 


Le couple en politique est juste un instrument
De pouvoir sur des gens jugés plutôt crédules,
Avec le temps chez lui se creusent des ridules
Qui ont bien transformé le meilleur sentiment !

Se présenter au mieux sans être un bon amant,
Pourquoi pas, s’il le faut briller sur les bidules
En abusant le temps pour mentir aux pendules,
Mais le printemps rattrape un désir en diamant.

Dans un pli de son cœur point l’appétit terrible
Et l’espoir franc de voir chacun passé au crible,
Car le béguin des gens se sent lors d’un scrutin.

L’amour de l’électeur fond avant la grande âme
Qui va trancher le moins du cours de tout destin,
Sauf pour la nation quand plus belle est la dame.