La guerre des cartels mexicains de la drogue déborde

La guerre des cartels mexicains de la drogue déborde

Le Mexique est confronté à un gros problème de drogue, et les autorités ont fort à faire pour éradiquer un phénomène qui ne concerne pas le marché local, puisque l’essentiel du trafic est destiné aux États-Unis. Mais la criminalité fait rage, elle est tout de même considérée comme la première épidémie mexicaine. De même que le virus porcin de la grippe aviaire, le fléau touche en ce moment les États limitrophes à la frontière mexicaine. Les forces de police sont sur les dents. Reportage.

Les bras ballants sur le seuil de sa maison, Cosme Liscano en a marre des gangs qui sont légion dans son voisinage de McAllen, une ville du Texas située près de la frontière mexicaine. Ça fait maintenant 3 ou 4 ans, qu’ils vendent de la drogue, explique ce monsieur de 55 ans à la presse, en racontant comment il a vu membres de l’unité de police anti-drogue locale appréhender plusieurs suspects.

Pourtant, les agents chargés de faire appliquer la loi côté à la frontière mexicaine, mais américain de la vallée de Rio Grande, déclarent qu’ils n’observent pas d’augmentation significative de la délinquance. Tandis que les villes frontalières américaines ne voient pas monter la violence, celle-ci a fait plus de 6.000 victimes l’année dernière dans plusieurs villes mexicaines du nord du pays, où des cartels rivaux sur le marché de la drogue se livrent une guerre sans merci. Les bandes organisées ont longtemps été un mode de vie dans la rue et les prisons au sud du Texas.

Parce qu’il existe souvent des liens obscurs entre les gangs et les cartels mexicains de la drogue, ces derniers utilisent une infrastructure criminelle déjà prête à l’emploi aux États-Unis afin de poursuivre leurs objectifs scélérats. Au nord du Rio Grande, qui sépare le Texas du Mexique, dans le comté encore assez rural de Hidalgo, le shérif Guadalupe Trevino dénombre les agissements répétés de 2 douzaines de gangs environ, un nombre stupéfiant pour une circonscription de 750.000 habitants : nous avons un problème sérieux de gangs, et nous l’aurons pour longtemps… Je pense que nous avons ici plus de bandes organisées que n’importe quel autre comté de la frontière, déplore-t-il.

L’ampleur du phénomène — les gangs se battent souvent entre eux — est difficile à comprendre en traversant les vergers plantées de citronniers sur les routes au trafic important qui conduisent à la frontière avec le Mexique. Certaines des villes situées à leurs abords sont aussi parmi les plus sûres du pays ! Mais en s’aventurant à l’écart dans les environs déshérités à l’intérieur d’un SUV banalisé, des membres puissamment armés de l’unité d’intervention des troupes d’élite de Trevino montrent du doigt les graffiti des gangs, gribouillés sur les murs des maisons délabrées. La Brown Pride et Tri-City Bombers font partie des nombreuses bandes qui se livrent une concurrence acharnée pour dominer le marché local de la drogue.

Les policiers appréhendent un jeune homme couvert de tatouages qui dissimulent une cicatrice. Il apparaît qu’il se trouve en possession d’un peu de marijuana en violation de sa liberté sur parole et il est alors giflé, arrêté, puis embarqué à bord du SUV. Sa cicatrice, à bien y regarder, est le vestige d’une vieille blessure par balle. Il assure qu’il n’est pas membre d’un gang, mais c’est pourtant le cas à regarder ses tatouages, explique un membre des forces d’intervention, qui peut lire auquel il appartient dans les tatouages compliqués que porte le jeune homme. Son métier est celui d’ouvrier journalier dans les champs, un travail à bas salaire et dur physiquement qui l’a probablement incité à travailler pour un gang. Les bandes et leur culture de la violence, de la drogue et du crime sont l’un des maux de la société les plus graves aux États-Unis. Et dans les régions frontalières, le problème est d’une urgence qui inquiète les agents fédéraux.

Aux États-Unis, les bandes locales jouent un rôle important dans la diffusion des produits stupéfiants importés du Mexique. Matthew J. Desarno, chef opérationnel de l’unité Safe Streets and Gang du FBI explique à la presse qu’il y a dans le sud de la Californie une importante coopération entre les cartels de la drogue et les gangs. Il pense que les gangs ont mis au point un système pour établir des relations avec les cartels mexicains dans le but d’assurer leur propre expansion commerciale : les membres des bandes organisées font ce qu’ils pensent leur être profitable, explique-t-il.

Dans de petites villes frontalières comme Douglas en Arizona, les redoutables gangs de Los Angeles se bousculent pour s’emparer d’une part du marché dans le but de gagner l’argent à partir des tonnes de drogue illégale importée tous les mois du nord du Mexique. Les enquêteurs et la police estiment que les relations commerciales entre les cartels et les bandes organisées sont devant un obstacle encore plus grand que le Rio Grande : la confiance. Les cartels auront affaire avec les gangs des États-Unis à tous les niveaux, mais les lignes de partage sont clairement établies : les affaires restent dans la famille. Les bandes criminelles sont pour eux une ressource, mais pas leur première ressource ! J’ai étudié ça pendant 37 ans et le trafiquant de drogue mexicain est quelqu’un de très clanique. Il aura toujours affaire avec un membre de la famille plutôt qu’avec quelqu’un venant juste le trouver pour affaires, dit le shérif Guadalupe Trevino.

Matthew Desarno, du FBI, indique par exemple que les parrains mexicains de la drogue ne confieraient pas à une bande américaine la mission d’apporter de grandes quantités d’argent liquide — bénéfices de leur commerce — au Mexique.

Mais il y a quand même des indices de coopération frontalière ! Une grenade à main venant visiblement d’un cartel mexicain a été lancée en janvier dans un bar fréquenté par les policiers en congé dans la ville de Pharr, située dans le comté de Hidalgo. Par chance, elle n’était pas dégoupillée, c’est pourquoi il y a eu plus de peur que de mal. Cette grenade montre qu’il y a une certaine forme d’association de nos bandes locales avec les cartels mexicains, explique Guadalupe Trevino — bien qu’il estime encore inconnue l’importance de ces liens. Ce qui est sûr, c’est que les cartels transportent beaucoup de drogue vers les États-Unis en passant par cette portion du territoire texan.

À l’annexe du shérif du comté de Hidalgo, dans la ville d’Edinburg, environ 2.000 kilos de marijuana ont été saisis, et d’autres produits stupéfiants sont tassés dans de petits paquets bien remplis. Ils représentent les saisies de convoyages au cours de plusieurs opérations et représentent des millions de dollars à la vente dans la rue. Tout ça vient du Mexique, dit le sergent Aaron Moreno, chef de l’unité d’intervention sur les gangs, qui fait valoir que tous ces paquets exhalent une odeur lourde et piquante.