La stratégie de la tension des salariés en question

La stratégie de la tension des salariés en question

Après le coup de colère des salariés de Continental, le saccage de la sous-préfecture de Compiègne et la destruction de la guérite à l’entrée de l’usine, le site de Clairois est fermé sur décision de la direction de l’entreprise de pneumatiques. En ce qui concerne les actions entreprises dans d’autres établissements menacés, la riposte s’organise, avec le soutien de la justice. L’explosion des revendications est-elle payante ?

Séquestration des dirigeants, occupation des locaux, destruction ou détournement de l’outil de travail. Le sentiment de nombre de salariés qui se sentent floués, méprisés par leurs patrons se traduit par une série d’actions illégales qui font débat dans l’opinion. Le problème est bien posé, mais il n’est pas réglé pour autant. À la suite de la décision du tribunal de Sarreguemines justifiant la procédure de fermeture du site de Clairois, des employés, excédés, s’en sont pris aux biens publics (la sous-préfecture…) et privés (le pavillon d’accueil de l’usine de Clairois…). Résultat : suspension de la production ainsi que l’ensemble des activités sur le site jusqu’à nouvel ordre !

Les ouvriers arrivant pour prendre leur service à 06H00 étaient invités à rester dans l’usine ou à revenir à 14H00 pour participer à une assemblée générale. On pourrait travailler. La fermeture, c’est pour mettre une pression supplémentaire, a déclaré Christian Lahargue, salarié de Continental et ancien responsable syndical. De toute façon il n’y avait presque plus de production depuis le 11 mars, date de l’annonce du projet de fermeture de Clairoix, selon Gérard Boutelle, salarié de Continental depuis 23 ans.

À Villemur-sur-Tarn, les 2 dirigeants de Molex séquestrés depuis lundi ont été libérés mardi soir. Cette décision fait suite à la convocation d’une délégation de salariés par la juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse, qui a exigé mardi la fin de la séquestration des deux dirigeants avant 20H30. Il s’agissait pour le tribunal d’un préalable à l’ouverture de négociations mardi soir entre les salariés de cette entreprise spécialisée dans la connectique automobile et promise à la fermeture et leur direction dans les locaux toulousains de la Préfecture de région Midi-Pyrénées.

Ce qui s’est passé hier, ce sont des violences qui ne sont pas acceptables, mais en même temps ce sont des violences qui sont le fait d’une petite minorité de salariés et qui ne doivent pas attirer toute l’attention, qui doit être portée sur l’avenir de Continental, sur l’avenir des salariés de Continental, a déclaré François Fillon ce matin à la radio, envisageant des poursuites judiciaires à l’encontre des vandales. Il y a une petite minorité, très petite minorité à Continental qui rend les choses très difficiles, a-t-il estimé. Même les organisations syndicales ont du mal à jouer leur rôle plein de médiateur dans cette crise en raison de cette minorité très agissante, très violente et pour laquelle je dis clairement qu’il y aura, s’agissant des violences commises hier, des poursuites judiciaires, a-t-il affirmé.

De son côté, le ministre des relations sociales Brice Hortefeux appelle les usagés privés de gaz ou d’électricité à porter plainte : une nouvelle fois, des coupures intempestives d’électricité et de gaz ont perturbé la vie quotidienne de nos compatriotes, a déclaré le ministre dans un communiqué. Dans l’Oise, le fonctionnement normal de plusieurs maisons de retraite a été interrompu, au risque de mettre en danger des personnes âgées, a-t-il plaidé. Cette nouvelle montée au créneau intervient alors que les salariés de Gaz de France (groupe GdF-Suez) et d’Électricité de France (EdF) ont annoncé leur intention de multiplier les actions plus populaires. Au programme, les basculements d’usagers en tarif de nuit, le rétablissement de l’électricité chez ceux qui ne peuvent pas payer ou la coupure d’alimentation des radars et la tarification gratuite des hôpitaux et assistances publiques.

Que ce soit à Échirolles chez Caterpillar, à Villemur chez Molex, à Clairois chez Continental ou ailleurs, on note que les exactions sont commises dans des filiales de groupes étrangers. Dans un communiqué publié mardi, Molex s’inscrit en faux contre les accusations syndicales selon lesquelles l’entreprise détournerait la production vers ses autres sites. En fait, l’usine ne fonctionne qu’à 30% de sa capacité habituelle, ce qui entraîne des retards de livraison dramatiques. Molex Automotiv SARL se voit donc obligé de prendre des mesures alternatives pour sécuriser la production de ses clients si une production normale ne reprend pas sur le site, peut-on y lire. Pour Continental, c’est également la redistribution des cadences de production dans l’ensemble des sites du groupe qui se trouve à la source du contentieux. La mondialisation se poursuit avec de nouvelles délocalisations, et les décisionnaires, bien souvent à l’étranger, n’ont cure des revendications de leurs salariés, qu’ils soient roumains, chinois ou français !

François Fillon a affirmé que les cas choquants de rémunération de certains chefs d’entreprise pouvaient attiser la violence et conduire à des comportements qui sont dangereux pour l’économie française tout entière. Mais il n’a pas parlé du cynisme du monde des affaires, mis en œuvre par les cost-killers. Quoi qu’il arrive, son gouvernement est tout autant otage que les salariés des stratégies d’entreprise décidées hors de France.