Otage du bras de fer entre les États-Unis et L’Iran

Otage du bras de fer entre les États-Unis et L'Iran

Roxana Saberi, journaliste free-lance qui travaille pour la BBC et la radio publique américaine NPR, vient d’être condamnée à 8 ans de prison pour espionnage au profit des États-Unis par un tribunal révolutionnaire iranien. Ce n’est pas la première fois qu’un journaliste est pris au piège d’intérêts politiques entre les deux pays qui mènent en ce moment une partie d’échecs atomique très compliquée.

La jeune reporter de radio a été arrêtée le 31 janvier dernier près de la frontière iranienne. Sa capture et sa détention n’ont été révélées que le 1er mars, grâce à un appel téléphonique avec son père le 10 février. Les charges qui pèsent sur Roxana Saberi ont mis du temps à être établies : exercice illégal de journaliste sans accréditation officielle. Son avocat, Abdolsamad Khorramshahi, a décidé de faire appel, en précisant qu’elles sont sans fondement.

Roxana Saberi est née d’un père iranien et d’une mère japonaise. Ses parents se sont établis aux États-Unis. Elle a grandi à Fargo, dans le Nord-Dakota, où elle a été distinguée dans un concours de beauté, alors qu’elle était étudiante en journalisme, et elle a même figuré dans les 10 finalistes de Miss America en 1998. Elle possède la double nationalité, ce que la République islamique ne reconnaît pas, et a souhaité témoigner en Iran des conditions de vie difficiles des gens les plus modestes et démunis. Elle travaille en free-lance pour les chaînes publiques britannique et américaine, où ses reportages sont très appréciés.

Roxana s’est installée à Téhéran en 2003, raconte Delphine Minoui, grand reporter en Iran pour Le Figaro. La première fois que je l’ai croisé, c’était au mois de juillet de cette même année. La caméra collée à l’œil, elle était venue filmer les étudiants qui manifestaient dans la capitale iranienne. Née aux États-Unis, de mère japonaise et de père iranien, elle avait décidé de remonter le fil de ses origines et de s’installer à Téhéran, pour y travailler comme correspondante pour l’agence de presse vidéo américaine, Feature Story News. Je la comprends. Quatre ans plus tôt, c’est la même motivation qui m’avait poussé à poser, moi aussi, mes valises en Iran.

Roxana Saberi nous a dit que tout ce qu’elle avait avoué n’était pas vrai, mais qu’elle avait été intimidée et qu’on lui avait dit que si elle coopérait elle serait libérée, explique son père à la presse après la proclamation du verdict. Il est vrai que le dossier d’instruction est fait de bric et de broc, et que le parquet iranien a forcé la dose à propos des méfaits commis par la jeune femme : elle aurait même été vue en train d’acheter de l’alcool et de l’offrir à un homme ! De fait, son cas la dépasse largement, depuis que Barack Obama souhaite normaliser les relations entre les États-Unis et la République islamique d’Iran, en contentieux depuis 1979.

Cette fois-ci, le régime iranien a également fait le même choix que jadis en jetant son dévolu sur Roxana Saberi. Son nom avait été cité par les médias dans le cadre des dépêches consacrées à la brève rencontre entre les délégations iranienne et américaine à La Haye. Hillary Clinton avait cité son nom et sa préoccupation à propos de sa détention. Mieux encore, les parents de la journaliste ont reçu leur visa pour Téhéran en février, ce qui a refait parler d’elle.

Les États-Unis et leurs alliés européens pourraient revenir sur leur exigence d’une suspension du programme d’enrichissement d’uranium iranien avant toute discussion avec la République islamique, a révélé mardi The New-York Times. Le journal rapporte que des diplomates américains et européens ont étudié la possibilité de permettre à l’Iran de poursuivre son programme d’enrichissement d’uranium en même temps que des négociations se mettent en place. L’administration de l’ancien président George W. Bush avait insisté pour que l’Iran suspende son programme d’enrichissement avant tout début de pourparlers. Le régime des mollahs avait rejeté la proposition, avançant disposer d’un droit légitime de mener un programme nucléaire, y compris un programme d’enrichissement d’uranium. Nous sommes tous d’accord pour dire que ça ne va tout simplement pas marcher, l’expérience nous dit que les Iraniens ne vont pas s’y plier, indique un diplomate européen cité par le quotidien américain.

Reporters Sans Frontières rappelle que 7 journalistes et 2 cyberdissidents sont actuellement détenus en Iran, considéré comme la plus grande prison du Moyen-Orient pour les professionnels des médias. Roxana Saberi condamnée, c’est seulement la première manche d’une partie d’échec qui s’achève, avec la prise d’un pion de l’adversaire par Téhéran. Désormais, les négociations sur la question du nucléaire iranien se voient polluées par la détention de la jeune journaliste, et permettent aux autorités iraniennes de les aborder en position de force, d’autant plus que même certains responsables de l’Agence internationale de l’Énergie atomique estiment que Téhéran développe un programme exclusivement dédié à l’usage civil.

Il apparaît toutefois regrettable pour l’Iran d’utiliser de tels moyens de pression pour faire valoir ses prétentions, car le chantage jette toujours le discrédit sur les motivations de ceux qui s’emparent de tels procédés.