Le rapt de la petite Élise contrarie les relations franco-russes

Le rapt de la petite Élise contrarie les relations franco-russes

Dans le pays où se trouve Élise, c’est soudain le silence. Dans celui qui la réclame, les protestations se succèdent… Pour Jean-Michel André, son père, qui dit vouloir rechercher une solution à l’amiable, comme pour Irina Belenkaïa, sa mère actuellement en détention en Hongrie, il sera de plus en plus difficile d’y parvenir !

Le Parquet russe entend poursuivre le Français Jean-Michel André, accusé d’avoir enlevé en septembre 2008 sa fille Élise, de nationalité russe, a déclaré jeudi le chef du département moscovite du Comité d’enquête auprès du Parquet russe Anatoli Bagmet. En effet, Élise a été enlevée à trois reprises en deux ans. En 2007, elle a été emmenée en Russie par sa mère après la séparation des époux, avant d’être saisie à l’automne 2008 par son père et ramenée à Arles où il réside. La Russie a lancé une enquête sur le rapt d’un enfant mineur le 23 septembre 2008. Le 20 mars dernier, la fillette a été enlevée à Arles par deux hommes et une femme, identifiée comme étant Irina Belenkaïa par Jean-Michel André qu’ils ont agressé.

Élise André, 3 ans et demi, fille d’un père français et d’une mère russe, est au centre d’un conflit entre ses parents qui ont obtenu, chacun dans leur pays respectif, la garde de l’enfant. Depuis que la fuite de la mère et de sa fille a été interrompue à la frontière hongroise, les témoignages se succèdent à la télévision russe pour accumuler les indices militants en faveur du retour d’Élise et de sa mère en Russie. La famille d’Irina Belenkaïa juge inimaginable qu’une mère puisse se retrouver en prison pour avoir enlevé son enfant mais espère désormais un règlement prochain de l’affaire. Je regrette qu’Irina n’ait pu rentrer en Russie avec Elise. Nous l’avons attendue pendant trois semaines. Nous étions tous très nerveux, a raconté l’ancien mari d’Irina, Viatcheslav Issaïev, à l’issue d’une émission consacrée à l’affaire diffusée sur la 1ère chaîne russe.

L’enlèvement n’était pas planifié, organisé. Sinon elle serait rentrée plus vite en Russie, assure Viatcheslav Issaïev. Rien à voir, selon lui, avec l’enlèvement d’Élise par son père à Moscou en septembre 2008 : Il a tout organisé, tout payé, affirme-t-il. Pendant toute cette errance, Irina s’est manifestée par Internet ou en appelant de cabines téléphoniques, ajoute son ex-mari avec lequel elle est retournée vivre. Elle se sentait traquée, poursuivie. Dans le même temps, le Quai d’Orsay et la Chancellerie font profil bas. Le ministère français des Affaires étrangères s’est dit prêt mardi à des consultations demandées par la Russie pour trouver une solution à l’affaire de la fillette franco-russe Elise André, dont les parents se disputent la garde.

Nous sommes évidemment favorables à tout type d’approche qui, en étroite concertation entre les autorités russes et françaises, permettrait de trouver une solution dans l’intérêt supérieur de l’enfant, a déclaré à la presse un porte-parole du ministère, Romain Nadal. Il a souligné que le retour de l’enfant en France était conforme au droit européen. En application d’une décision de la justice française, les autorités hongroises ont permis la remise d’Élise André à son père et son retour en France conformément aux dispositions en vigueur au sein de l’Union européenne, a-t-il déclaré. Malheureusement, ce n’est pas un cas isolé, et les deux capitales ont déjà discuté de la création d’un groupe de travail sur les problèmes d’autorité parentale, a-t-il précisé.

Plus tôt, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, avait jugé que la décision hongroise de renvoyer en France Élise, enlevée en mars par sa mère et retrouvée en Hongrie, avait été précipitée. Il avait alors réclamé une consultation avec la France. Aujourd’hui, déplore Viatcheslav Issaïev ils sont dans des situations bien différentes : Irina est en prison et on lui a retiré l’enfant, ce qui serait inimaginable dans n’importe quel pays civilisé. La grand-mère d’Élise, Zinaïda Belenkaya, se dit très inquiète pour la fillette : on aurait mieux fait de la laisser avec sa mère, en cellule ; elle est toujours dans ses bras, explique-t-elle.

C’est un tableau bien différent des relations tissées entre la petite Élise et son père que brossent les membres de sa famille russe. Selon ses proches, Irina Belenkaïa a tout fait pour que le père, océanographe, dont elle avait fait connaissance à Goa, en Inde, se rapproche de la fillette. Il ne voulait pas d’enfant, s’exclame Viatcheslav Issaïev, Irina a emmené Élise en France lorsqu’elle avait un an pour qu’elle fasse la connaissance de son père, a-t-il ajouté, affirmant que Jean-Michel André avait d’abord voulu qu’elle avorte.

Pour l’instant, Paris et Moscou vivent cette affaire avec le détachement qui sied aux diplomates. Mais au-delà des déclarations de porte-parole au seuil des ministères, toutes empreintes du désir de calmer le jeu et de s’en remettre au jugement de la justice, se déploient dans la presse et à la télévision les signes d’un agacement de part et d’autre, et se manifestent également un éventail de pressions discrètes. La Hongrie, patrie des aïeux du président de la République française, est maintenant fermement arrimée au camp occidental. Mais son histoire et ses approvisionnements énergétiques dépendent pour une bonne part du bon vouloir des autorités russes… Et personne n’a oublié dans ce pays le 23 octobre 1956, lorsque les chars des forces armées russes l’ont investi pour infléchir les choix politiques de son peuple.