Michel Barnier n’ira pas voir les Pêcheurs en Colère

Michel Barnier n'ira pas voir les Pêcheurs en Colère

Est-ce à cause du souvenir qui lui est resté de l’algarade opposant Nicolas Sarkozy aux pêcheurs du Guilvinec le 6 novembre 2007 ? Toujours est-il que le ministre de l’Agriculture et de la Pêche épluche son programme de campagne électorale au lieu de se porter au secours des artisans qui bloquent les ports de Boulogne-sur-Mer et de Calais. La remise en cause des quotas de pêche est à présent une vieille rengaine qui fatigue nos technocrates, n’ayant pas encore trouvé comment partager l’océan comme un gâteau.

Nous lançons un mouvement dur, pour autant de temps qu’il le faudra, car notre pêche artisanale est en train de mourir alors que la ressource en poissons est abondante, a déclaré Patrick Haezebrouck, vice-président du comité des pêches de Dunkerque. Selon lui, la quasi-totalité de la flotte artisanale de pêche de la zone est dans ce mouvement, soit environ 110 bateaux et plus de 500 pêcheurs. Jacques Bigot, secrétaire national CFTC de marins-pêcheurs, majoritaire dans la profession du littoral, a déclaré que les fermetures de quotas en mer du Nord et en Manche sur le cabillaud et la sole placent les chalutiers ou les fileyeurs dans l’impossibilité de survivre.

Pourtant, les services du ministère ont souligné mardi que les quotas de cabillaud avaient déjà été augmentés de 30% pour 2009, après 25% en juin 2008, indiquant que le problème des pêcheurs nordistes est qu’ils ont trop de bateaux pour subsister avec de tels quotas. On peut comprendre les pêcheurs, mais il fallait râler avant que le ministre ne vote les quotas, a répondu la porte-parole du commissariat à la Pêche de la commission européenne. Le blocage des ports de la côte d’Opale énerve évidemment tout le monde, car si les pêcheurs ont laissé passer les plaisanciers mercredi, ils affirment qu’ils pourrait en être autrement dans les jours qui viennent. Mais le problème vient surtout de ce que le trafic transmanche est interrompu, les voyageurs patientant sur les parkings dans une ambiance de mécontentement général, et les armateurs comptant les dizaines de milliers d’euros par jour de manque à gagner.

Trop de bateaux pour exploiter la ressource ? À les en croire, les artisans ne parviennent plus à joindre les deux bouts en se satisfaisant de ce que leur octroie la Commission européenne… Et tous les ans, le manège recommence ! Pourtant, la pêche demeurerait une activité rémunératrice, avec des salaires mensuels de 2.500 € à 3.000 € d’après une étude récente commandée par la Direction du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle. Réalisée par Guy Le Berre, chargé de mission au Comité de bassin d’emploi, le métier reste attractif, mais il souffre d’un déficit structurel de 140 jeunes de moins de 30 ans chaque année. La moyenne d’âge est de 45 ans ; il faut que les jeunes reviennent pour réguler la pyramide, fait-il valoir.

Mais rien n’est simple sur l’océan : la pêche hauturière reste le plus grand pourvoyeur de main-d’œuvre, mais les salaires, plus bas qu’à la pêche côtière, impliquent des difficultés de recrutement et une fuite des marins vers la pêche côtière, moins contraignante… Avec 34% des navires, la pêche au large concentre 58% des marins en activité. La question est d’autant plus complexe, que ce secteur est également celui des grosses flottes de chalutiers qui fournissent les centrales d’achat de la grande distribution. Aux artisans ne restent plus que les étals du marché local. L’écart est tellement grand que le plus gros pêcheur français s’appelle Intermarché !

Les pêcheurs de la côte d’Opale sont ainsi dans un cul-de-sac. S’ils ne songent pas pour le moment à une extension du conflit, la grogne est cependant en train de monter au Guilvinec également. Une réglementation très contraignante est à l’origine de multiples tensions qui s’expriment aussi entre les pêcheurs. En ce moment, rien ne va plus entre les bolincheurs bigoudens, qui pêchent au filet tournant, et Robert Bouguéon, président du comité local des pêches du Guilvinec. Une dizaine de sardiniers de Saint-Guénolé menacent en effet d’aller s’armer à Concarneau. Cette décision est un nouvel épisode du conflit qui oppose les bolincheurs aux ligneurs. Le 9 avril, une quinzaine de ligneurs et fileyeurs du quartier maritime du Guilvinec, au nom de la quarantaine de représentants de la profession, ont rendu leur licence de pêche au Comité Local. L’objectif, protester contre un bolincheur coupable, il y a deux mois, d’une pêche illégale de plus de deux tonnes de dorade rose en baie de Douarnenez.

Pour l’ensemble de la profession il y a une condition indispensable à la survie du métier : fidéliser une main-d’œuvre trop mobile, qui écourte une carrière très astreignante. Cela passe par la révision de la politique salariale de certaines entreprises : le salaire est le meilleur agent recruteur, confirme l’étude de Guy Le Berre. La fidélisation de la main-d’œuvre passe aussi par l’élévation du niveau de formation, compromise par les difficultés à trouver des remplaçants. La Direction du Travail propose que les aides européennes aillent à la rémunération des marins en formation. Le ministre aura bien le temps d’y songer lorsqu’il siègera au Parlement européen.

 

 


Que pourrait-on donner à ces pauvres pêcheurs ?
Du poisson, du poisson et quelque chose à faire
Plutôt que jours chômés sans vraiment satisfaire
Ni les uns, et pas plus les enseignants-chercheurs.

Les gens sont maintenant tous devenus catcheurs
Quand le travail leur manque et jamais n’interfère
Un pouvoir mal en point si prompt au laisser-faire
Pour nourrir les procès de nos mauvais coucheurs.

Des accords sont scellés depuis le coup de gueule
Qu’un chef de l’État seul a eu sans l’air bégueule,
Mais rien n’en est sorti malgré les grands secours.

Le grand marché unique apparaît moins qu’inique
Un compromis mal fait dont l’esprit n’a plus cours
Quand les petits patrons sont juste en mort clinique.