La vidéo qui rend les musulmans fous de rage

La vidéo qui rend les musulmans fous de rage

Le document est diffusé depuis quelques jours seulement sur les chaînes de télévision pakistanaises, puis dans l’ensemble du monde anglo-saxon. Mais elle daterait de plusieurs mois. Filmée en basse résolution, une jeune fille reçoit 30 coups de bâton, maintenue au sol par trois adultes, afin de lui infliger le châtiment auquel la loi islamique punit son crime. C’est d’ailleurs dans la vallée de Swat, sous l’influence plus ou moins grande des talibans, que le président pakistanais Asif Ali Zardari a rétabli la charia pour s’allier les bonnes grâces des musulmans intégristes.

La région de Swat était l’une des destinations touristiques les plus réputées du Pakistan, avant que des activistes venus de leurs bastions de la frontière afghane ne s’y implantent, parce qu’elle est située à proximité de l’Afghanistan. La province de la Frontière du Nord-Ouest constitue ainsi une base arrière aux combattants qui militent pour le rétablissement d’un islam radical. Asif Ali Zardari, qui a promis de résister à l’extension de l’insurrection islamiste dans son pays, a subi la pression des conservateurs et du principal parti de la province, faisant valoir que l’instauration de la charia était le seul moyen de rétablir la paix dans la région. Les États-Unis et des Pakistanais modérés ont critiqué ces accords qui offrent des sanctuaires aux talibans et à leurs soutiens d’Al Qaïda.

C’est dans ce contexte de tension extrême que la vidéo a commencé à circuler, d’abord sur Internet, ensuite à la télévision. Le document, particulièrement choquant, fait polémique dans un pays à la fois proche des règles occidentales de gouvernance, et très attaché aux usages ancestraux. Il montre le châtiment infligé à une fille de 17 ans en vertu des lois de la charia, parce qu’elle aurait été aperçue aux côtés d’un homme sans lien de parenté avec elle. Les talibans de la région avaient ordonné que les deux contrevenants reçoivent 30 coups de fouet pour leur comportement immoral. Vêtue d’une tunique bleue traditionnelle, tenue au sol et flagellée en pleine rue par des villageois, la jeune fille hurle de douleur tout au long de la séquence, et c’est précisément ce qui lui donne un caractère insupportable.

Ce n’est pas seulement une affaire de flagellation : c’est un avertissement, qui nous montre ce qui risque de nous attendre, a déclaré Asma Jahangir à la presse, une militante éminente des droits humains de la ville de Lahore, à l’est du Pakistan, où elle participait, aux côtés de centaines de personnes, à un rassemblement organisé pour protester contre l’incident. Il faut résister aux Talibans, a-t-elle justifié. Si ces images font controverse à cause d’un contexte politique bien précis, elle ne doivent en aucune manière occulter la question des violences ordinaires faites aux femmes dans le monde musulman. Il ne s’agit que d’un cas parmi tant d’autres violences, plus générales, dont sont victimes les femmes de ce pays. Les femmes ont été exposées à des sévices, surtout sous le régime taliban, a expliqué Ali Dayan Hassan, chercheur principal sur l’Asie du Sud chez Human Rights Watch, une association américaine de défense des droits de l’Homme.

Reprenant les statistiques de l’Institut des sciences médicales du Pakistan, Amnesty International avait indiqué dans un rapport publié en 2002 que plus de 90% des femmes mariées déclarent recevoir des coups de pied, des gifles, des coups, ou être victimes de sévices sexuels lorsque leurs maris sont mécontents de leur cuisine ou du ménage, ou lorsqu’elles ne “parviennent pas” à avoir un enfant ou donnent naissance à une fille plutôt qu’à un garçon. Aujourd’hui, la tension est à son comble dans la population. Nous craignons tous que cet incident ne donne des idées aux extrémistes des autres régions… Déjà, nous ne parlerions même pas à un cousin en public, car nous avons bien trop peur de ce qui pourrait se passer. Maintenant, nous allons peut-être même arrêter de discuter par email ou messagerie instantanée, de peur d’éventuelles conséquences, a confié une habitante de Peshawar.

Dans ce pays troublé par la guerre qui sévit à ses frontières depuis des décennies, la polémique engendrée par cette histoire hélas banale de flagellation suscite un grand malaise. Les Pakistanais ne supportent plus d’être constamment montrés du doigt par les médias occidentaux et l’opinion publique internationale, mais ils se refusent à choisir entre l’adhésion à un mode de vie occidental et l’attachement à leurs traditions ancestrales. Pour autant, ils n’ont aucune envie de se fermer au reste du monde et préfèreraient donner l’image d’un peuple ouvert aux mœurs pacifiques.