Internet : Lieu de toutes les manipulations ?

Internet : Lieu de toutes les manipulations ?

Le nombre de rumeurs qui circulent dans les tuyaux du réseau mondial est maintenant de notoriété publique. Vidéo bricolée, biographie trafiquée sur Wikipedia, SMS imaginaire… On ne compte plus les affaires qui ont donné lieu aux investigations les plus poussées de la part d’internautes vigilants, alors que le public s’est laissé berner. Mais le fake est un art bien plus ancien que ne l’est Internet, et l’information garantie sur facture n’a jamais existé !

Nouveau dossier à charge contre l’industrie pharmaceutique : un site d’information bien fréquenté dévoile un certain nombre de conseils donnés aux départements marketing de l’industrie pharmaceutique pour biaiser l’information des consommateurs. Même si les compagnies ne peuvent pas contrôler Wikipédia de la même manière qu’une campagne de publicité classique, cela ne veut pas dire que les messages envoyés par son truchement soient moins efficaces — au contraire, le fait que le contenu ne soit pas sponsorisé peut ajouter à la crédibilité d’une entrée, explique une société de conseil du secteur pharmaceutique sur son site Internet.

La belle affaire ! Plusieurs autres ont émaillé les chroniques des blogs par le passé, au sujet de l’usage que les petits malins font de l’encyclopédie en ligne, de sorte qu’elle se dote au fur et à mesure des infractions constatées, d’outils de plus en plus pointus pour garantir un maximum de fiabilité. De sorte que Wikipedia a pris d’ores et déjà une longueur d’avance sur les encyclopédies traditionnelles, qui tentent à présent de combler cette lacune. Mais ce site enrichi sans cesse par des contributeurs bénévoles d’une somme de connaissances précieuse n’a jamais prétendu à l’infaillibilité, comme en atteste les nombreuses réserves qui se trouvent sur ses pages, et son mode évolutif en perpétuel devenir… Comment d’ailleurs prétendre à délivrer une information en tout point exacte, alors que le mensonge est profondément humain.

L’un de ses contributeurs les plus assidus, Chritophe de Cany, confiait récemment à la rédaction que le mode de fonctionnement de Wikipedia n’était pas exempt de tout reproche. Il a constaté à plusieurs reprises que des articles rédigés par des professionnels, des chercheurs dotés de toutes les références idoines, avaient été outrageusement amendés par les responsables de secteur de l’encyclopédie en ligne. Plus fort encore, l’un de ceux qu’il a rédigé sur le poète François Villon, en apportant une information nouvelle et inédite, a été retoqué, en dépit de la production des archives exhumées par ses soins. Pour lui, la fiabilité de Wikipedia est soumise au bon vouloir d’une coterie d’administrateurs qui font la pluie et le beau temps dans la bibliothèque virtuelle.

Même chose en ce qui concerne l’image : la vidéo choc est aussi fiable sur YouTube qu’à la télévision. En ce moment, une séquence tirée de la bande d’une caméra de surveillance de la RATP fait le tour du Web, montrant une bande de jeunes racailles s’en prendre à un usager dans un autobus de la banlieue parisienne… L’image est saisissante, mais le film ne date pas d’hier et les conditions dans lesquelles il a été monté demeurent obscures. Pourquoi ne pas faire le rapprochement avec les images proposées à la télévision à propos du vote à l’Assemblée nationale de la loi Création et Internet, montrant un hémicycle comble alors que 16 parlementaires étaient réellement présents !

Du Cheval de Troie à Internet, l’ouvrage de Vladimir Volkoff publié en 1999 sur La petite Histoire de la Désinformation demeure d’une brûlante actualité, alors que les médias qui ont pignon sur rue espèrent nous faire croire qu’ils ne mentent jamais. Dans son livre, l’écrivain démonte nombre de manipulations, à commencer par les fameux villages Potemkine destinés à faire accroire de la morgue et de la filouterie des dirigeants russes à l’opinion internationale… Il démonte également tout le système de désinformation des médias pour légitimer l’intervention américaine en Yougoslavie, en alléguant des exactions commises par la communauté serbe dans le but d’obliger les gens à prendre position pour un camp en jouant sur l’émotion. Une information, un démenti égalent deux manchettes, se plaisait à dire un patron de presse dans les années trente. Nous en sommes toujours là.