Nagisa Oshima dénonce la tyrannie des apparences

Nagisa Oshima dénonce la tyrannie des apparences

Dans ses deux films des années 1968 : "Le retour des trois soulards" et "A propos des chansons paillardes au Japon", Oshima devise désabusé à propos d’une jeunesse conforme et atone griffée à l’uniforme que l’on vont lui faire porter. Sauf que par ses procédés narratifs inventifs, il parvient à nous relater l’histoire du Japon sous un angle de la rébellion, voir même carrément de la farce.

Années 1968, Le retour des trois soulards, où comment Oshima savait être burlesque dans une cohérence politique, histoire de dénoncer en images la tyrannie des apparences et autres formes de l’uniforme au Japon.

Le film s’inscrit dans une époque troublée au napalm lors de la guerre du Vietnam, avec les Yankees au grand cœur qui se doraient la couenne sous l’huile de palme ! La Corée toute proche voisine du Japon envoyait ses habitants se faire trouer la peau au service des ricains. Nombreux, les déserteurs passaient la frontière en fraude pour se réfugier au pays de l’empire nippon. Parmi ceux là, on retrouve le fameux acteur Kei Sato en caporal. Il est accompagné par un jeune lycéen qui veut s’inscrire à la fac au Japon.

Alors que trois jeunes lycéens japonais se baignent pour fêter la fin de l’année scolaire et se défont de leur uniforme, lors de cette scène totalement improbable qui sécrète sa dose d’humour par l’absurde, une main étrangère sort du sable pour subtiliser deux uniformes et laisser à la place des vêtements marqués aux armes de la Corée. Bien vite vacillent les certitudes de nos trois lycéens, lorsqu’au jeu du chat et de la souris avec la police locale, ils sont déclarés indésirables dans leur peau de nouveaux réfugiés.

Cette comédie universelle selon cette thématique, je me prends à imaginer les similitudes si elle était tournée actuellement en France ! Oshima pousse la logique de l’absurde qui confère à l’uniforme au Japon une fonction sociale et se plait à distinguer le citoyen mitoyen.

A propos des chansons paillardes au Japon, (1967), Oshima insiste encore sur la place de la Corée dans l’histoire du Japon lors d’un superbe monologue poétique à la fin du film. Cinéaste ethnologue, il creuse les études des mentalités et des mœurs. L’action du film se situe le 11 février 1967, date chargée d’électricité, puisque réinstitution de la fête nationale, tradition irradiée depuis la défaite du Japon en 1945 ! Oshima affligé par ce nationalisme bêlant la monstruosité teinte le cercle rouge du drapeau japonais en noir. On suit à la trace cette fois quatre lycéens venus de Tokyo pour passer les examens d’entrée à l’université. Leur esprit garni au vermicelle qui leur tient lieu de cerveau, ils remarquent une homologue féminine numéro 469 qui va embuer la libido grappe de rosée de ces jeunes hommes obsédés en plein jour, mais inoffensifs à première vue !

Ponctué de chansons, tout à tour nationalistes, paillardes et pacifistes, c’est finalement le refrain de celle entonnée au début du film par un professeur ivre qui remportera les suffrages tout au long du film : « Un pour coucher avec une fille unique, il faut l’autorisation des parents / Deux pour coucher avec deux sœurs, il faut d’abord baiser l’aînée ». Filmé dans le lignage du cinéma de Bunel, Oshima se réclame de « surréalité ». Dans ses notes de tournage, il écrit : « Cette fois nous commencerons le tournage sans avoir écrit ce qu’on appelle dans le processus normal d’un film un scénario. Au début du tournage nous n’aurons entre les mains qu’un court texte où sont simplement esquissées les images fondamentales concernant le comportement des personnages. Ce texte constitue si l’on peut dire, un scénario d’images sur lequel le metteur en scène, le scénariste, le décorateur et le producteur à l’issue des discussions qu’ils ont mené jusqu’ici sont tombés d’accord. Nous tournerons sur ce qu’on appelle d’ordinaire un scénario où pour m’exprimer autrement, nous construirons le scénario en tournant ».

Après le tournage de ces deux films, Oshima semble désabusé par la jeunesse si pauvre sur le plan sexuel et l’imaginaire collectif. Le Japon demeure en phase avec ses vieux démons des apparences. Mais à chaque fois, il mise toujours à propos, avec un accent de rébellion et de dénonciation de son époque.

Le retour des trois soulards (1968), de Nagisa Oshima, DVD – nouveau master restauré, version originale, sous-titres en français, format 2.35 respecté – 16 / 9 compatible 4/ 3, couleurs, durée du film 77 minutes, préface de Charles Tesson + bande annonce, prix 14, 99 euros, distribué par Carlotta Films (4 mars 2009)

A propos des chansons paillardes au Japon (1967), de Nagisa Oshima, DVD – nouveau master restauré, version originale, sous-titres en français, format 2.35 respecté – 16 / 9 compatible 4/ 3, couleurs, durée du film 99 minutes, préface de Charles Tesson + bande annonce, prix 14, 99 euros, distribué par Carlotta Films (4 mars 2009)