Le scandale des "bonus" franchit l’Atlantique

Le scandale des "bonus" franchit l'Atlantique

L’histoire fait grand bruit aux États-Unis, où de nombreuses voix s’élèvent en refusant que l’argent du contribuable soit utilisé pour récompenser le travail de ceux qui ont précipité l’ensemble du système financier dans un désastre insondable. Après les cadres dirigeants de grandes entreprises françaises mises en difficulté par la crise, c’est au tour des vautours Freddie Mac et Fannie Mae de distribuer des primes à son personnel.

Plus de 7.600 employés des organismes de refinancement hypothécaire américains Freddie Mac et Fannie Mae, sauvés par l’État fédéral en septembre, doivent se partager 210 millions de dollars en vertu d’un plan de primes de maintien en poste dévoilé vendredi. James Lockhart, président de l’Agence fédérale du financement immobilier, justifie ce programme de primes par le fait que le maintien du capital humain des deux groupes est un vrai défi et que leur situation impose le maintien d’un personnel qualifié et expérimenté dans un grand nombre de domaines.

Le versement de ces primes par les organismes de refinancement immobilier qui ont dû être renfloués par l’État a été critiqué par un sénateur américain de premier plan : c’est une insulte ! Les primes ont été faites grâce à l’injection de l’argent du contribuable, a déclaré Charles Grassley, de la Commission des Finances du Sénat dans un communiqué. Les élites à Washington et New York doivent comprendre que les primes pour des performances médiocres et aux dépens du contribuable font de gros dégâts sur la confiance du public, assène-t-il. Pour James Lockhart, les primes distribuées concernent beaucoup d’employés subalternes qui travaillent dur et dont la gratification est essentielle pour préserver la stabilité, la trésorerie et la compétitivité du marché de l’immobilier.

Fannie Mae et Freddie Mac garantissent plus de 40% de l’encours des prêts immobiliers accordés aux États-Unis. Fragilisés par la crise financière, ils ont été sauvés de la faillite par l’État américain pour un coût pouvant s’élever jusqu’à 200 milliards de dollars pour le département du Trésor. En 2009, 213 employés des deux groupes devraient toucher des primes de plus de 100.000 dollars. Chez Fannie Mae, ces bonus sont plafonnés à 705.000 dollars, mais un employé non identifié de Freddie Mac devrait percevoir 1,325 million, conformément aux termes de son contrat. En février, le géant de l’assurance AIG s’était lui aussi distingué en payant 165 millions de dollars de prime aux cadres dirigeants de l’entreprise. Non seulement ces trois établissements utilisent les fonds publics pour assurer un complément de rémunération à certains membres de leur personnel, mais le système qu’ils ont mis en place est précisément à l’origine de la crise financière. Une situation absurde qui provoque un tollé : ces dirigeants feraient bien de suivre l’exemple japonais, c’est à dire de choisir entre la démission et le suicide, avait alors estimé le sénateur Grassley.

Alors que les chefs de gouvernement et les économistes s’autorisent à prédire un retour de la croissance à l’horizon 2010, une autre secousse est en train de se produire avec la crise du secteur automobile : au moment où l’administration démocrate est en passe de s’accommoder d’éventuelles mises en faillite chez les Big Three, l’aide publique déjà injectée dans le secteur ne permet pas aux entreprises d’honorer la moitié de leurs encours… Ainsi Chrysler, qui a reçu 4 milliards de dollars de fonds publics, en doit 7,4 ! Les banquiers s’inquiètent déjà d’une procédure de sauvegarde envers ces constructeurs automobiles, par ailleurs gros pourvoyeurs de main d’œuvre : JPMorgan possèderait 2,5 milliards de dollars de créances chez Chrysler, alors que CitiGroup un peu moins d’un milliard. Chez son concurrent General Motors, le manager emblématique Rick Wagoner a été mis à la porte sans ménagement, ce qui ne présume pas d’un virage important dans les méthodes de gestion du groupe : il demande à l’heure actuelle un prêt de 2,6 milliards de dollars pour faire face à ses engagements. De nouveaux scandales en perspective…

En ce qui concerne le financement des entreprises et des secteurs en difficulté, le président de la Réserve fédérale des États-Unis (Fed), Ben Bernanke, reste serein. Il a estimé vendredi que la grande majorité des prêts consentis par son institution pour soutenir l’économie était extrêmement sûre. Selon lui, les résultats pourraient se faire sentir relativement rapidement puisqu’un grand nombre des programmes fournissent du crédit essentiellement sur une base à court terme. Concernant le programme de rachats d’obligations du Trésor à long terme ou de titres émis par les organismes de refinancement hypothécaire comme Freddie Mac et Fannie Mae, Ben Bernanke a déclaré : autant que l’on puisse dire, ces programmes ont eu jusqu’ici l’effet désiré.

Aux États-Unis, certaines contrées comptent plus de 2 foyers expulsés sur 100, ou en passe de l’être. Les 5 États de l’Union les moins bien lotis sont la Californie, la Floride, le Michigan, l’Ohio et la Géorgie.