Mère porteuse : Une pratique en voie de légalisation ?

Mère porteuse : Une pratique en voie de légalisation ?

Mère-porteuse, autrement dit Gestation pour autrui (G.P.A.) est une pratique procréatrice qui ne finit pas de susciter de vifs débats : « faut-il ou non la légaliser » est la question qui préoccupe tout un chacun.

« Oui, mais avec des conditions strictes », répondent les partisans (61% des Français contre 33%). Non, ripostent les opposants. En attendant la révision de la loi de bioéthique en 2010, cette question qui touche au plus profond de notre intimité et bouleverse les liens de maternité et de filiation doit être réexaminée dans le cadre des Etats généraux de bioéthique qui ont lieu pendant le premier semestre 2009.

Que faire face au désir d’enfant d’un couple infertile au bout de deux années de relations sexuelles non protégées ? Plusieurs alternatives sont possibles face à la « parentalité empêchée » dont la Gestation pour autrui (G.P.A.).


G.P.A. avez-vous dit ?

La Gestation pour autrui, « la maternité pour autrui » ou encore « la grossesse par procuration » sont autant d’expressions qui renvoient à une situation où un couple infertile (héterosexuel et/ou homosexuel dans le cadre de l’homoparentalité) a recours à une femme pour combler leur désir d’enfant. Dans cette forme de « maternité par substitution », la mère porteuse n’a pas le droit à la maternité. Son rôle se limite à mettre à disposition son utérus dans lequel on place un ovule du couple d’intention et de porter l’enfant le temps d’une grossesse. Au moment de la naissance, cette mère gestatrice remet le nouveau né au couple commanditaire. Celle-ci n’a aucun lien génétique avec le bébé.

Qui sont ces gestatrices ?

Celles que l’on surnomme généralement « femmes médicaments » sont des mères de famille qui ont l’expérience de l’accouchement et de la maternité. Celles-ci peuvent être des amies ou des membres de la famille. Leur acte a alors une portée altruiste : permettre aux couples infertiles de goûter aux joies de la parentalité.

Dans certains pays, mes mères porteuses sont recrutées par des agences agrées. Cette pratique onéreuse revêt alors une dimension commerciale puisqu’elle prend la forme d’un service moyennant une somme d’argent.
Les conditions ? Etre en bonne santé physiologique et psychique et renoncer à l’enfant après l’accouchement. Les dépenses relatives aux frais médicaux, aux effets vestimentaires de la maternité et autres sont à la charge du couple commanditaire.

Le recours à une mère porteuse est légalisée dans plusieurs pays : Afrique du Sud, Brésil, Russie, Belgique, Etats-Unis (certains Etats), Grèce. Le Danemark, le Royaume Uni, les Pays bas interdisent les G.P.A. à titre onéreux. Pour la Sénatrice Michèle André, « l’Union européenne a légiféré dans le sens d’encadrer pour éviter la marchandisation, c’est-à-dire l’argent et le fait que les plus riches peuvent avoir accès à des techniques de cette nature et exclure les autres »

Et en France ?

Des couples infertiles qui désirent un enfant « génétiquement de soi » et qui ne favorisent pas l’adoption ont tendance à contourner la loi en recourant à une mère porteuse dans les pays autorisant la G.P.A. Mais combien sont-ils ? « Une minorité - affirme Michèle rongée par le désir d’enfant. Car de son point de vue, l’aspect financier « défavorise les couples qui n’ont pas les moyens de faire face aux dépenses inhérentes à ce « tourisme procréatif ».

Pourtant, l’aspect financier ne semble pas être l’élément déterminant. Car à leur retour en France, ces parents se retrouvent confrontés à des problèmes de transcription de leur enfant né à l’étranger sur les registres de l’Etat civil. Car la France ne reconnaît pas la filiation des enfants nés par le biais de la G.P.A. Pourtant, en octobre 2008 et après une très longue bataille juridique, la justice française a reconnu le statut de parents à un couple qui a eu recours à la G.P.A. à San Diégo, en Californie du Sud.


Mais alors que prévoit la législation française ?

La loi de bioéthique de 1994 interdit la G.P.A. car contraire au droit. L’Article 16-7 du Code civil dispose que « Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle » et ce, au nom de « l’indisponibilité du corps humain ». Car dans le droit français, notre corps n’est pas notre propriété. Il est « hors du commerce juridique » et ne peut en aucun cas faire l’objet d’un contrat. Et puisque la loi assimile ce type de pratique à une vente de bébé, les mères porteuses risquent jusqu’à 6 mois de prison alors que les médecins et les associations qui aident les couples à recourir à cette pratique encourent 3 ans de prison.


Et bien évidemment les avis divergent…

L’Académie Nationale de Médecine a rendu un avis négatif. Ses arguments sont d’ordre moral et éthique mettant en évidence le risque de la « déshumanisation et la commercialisation du corps humain ». « L’atteinte à la maternité ». « Les risques médicaux et psychologiques » pour la gestatrice et l’enfant. « Les demandes de pures convenances… ».

Catherine Dolto, médecin, met l’accent sur, d’une part, la souffrance de « la mère qui abandonne, celle de ses autres enfants, celle de son compagnon et celle de l’enfant à naître ... ». Et d’autre part, sur « l’intérêt de l’enfant à naître » qu’elle assimile à « un objet convoité » : « comment préserver le sentiment de sa dignité quand on est le résultat d’une transaction, d’un contrat, d’une livraison, s’interroge-t-elle.

Pour C. Eliacheff, Psychanalyste et R. Frydman, gynécologue-accoucheur : « faut-il au nom de la filiation génétique, organiser la venue au monde d’enfants portés par une femme dont le travail psychique conscient et inconscient consistera à pouvoir l’abandonner ? »

Et pour Sylviane Agacinski, philosophe, « demander à une femme de faire un enfant pour une autre, c’est lui demander de vendre sa personne entière, pendant neuf mois. Cela s’apparente à un esclavage ».

« Enfant sur ordonnance » ? « Pur objet » ? « Enfant marchandise ? ». « Néfaste pour l’équilibre psychologique de l’enfant ? » Non, répond Serge Hefez, psychanalyste. « Il n’y a aucune raison –pour que l’enfant né d’une G.P.A.- se sente comme une marchandise mais au contraire comme quelqu’un qui a été désiré, conçu, porté, nourri, aimé… »

Et de leur côté, les associations (M.A.I.A. et C.L.A.R.A.) qui défendent « le droit à l’enfant », c’est-à-dire l’obligation de l’Etat de garantir le droit d’avoir un enfant revendiquent un cadre légal à cette pratique afin d’éviter les dérives : « il serait utile que cette loi soit révisée car à l’heure d’Internet, on ne peut nier que ce marché a changé de visage et qu’il risque de prendre une ampleur incontrôlable », estime l’association M.A.I.A.

A quelques mois de la révision de la loi bioéthique, une question fondamentale se pose : osera-t-on légiférer et bouleverser ainsi les lois ancestrales de la maternité et de la famille ?