Sexe, crime et Oshima

 Sexe, crime et Oshima

Carlotta Films a eu l’excellente idée de sortir le 4 mars 2009, quatre films DVD plus ou moins inconnus en France issus du retour de la nouvelles vague japonaise et tournés entre 1966 et 1968. Le sexe et le crime sont traités sous un trait de caractère pour le moins audacieux, voir rebelle pour son époque.

Nejiko l’héroïne, l’unique femme de ce film réalisé en 1967, se définit comme « la fille qui a perdu un boulon ». Elle ballade sa généreuse carcasse sous sa robe fleurie à la mode beatnik et se joue de ses dessous qu’elle balance comme des pétales par-dessus bord. « A dix-huit ans, je suis moi aussi en fleur ! Et j’espère bien en découdre avec un homme ! » Idée fixe, fixation de son besoin, réduction des ses attributs fonctionnels à un simple organe.

Dans un Tokyo totalement désert, le titre du film inspiré de la tradition littéraire du « shinju » ou double suicide, ballade Nejiko à l’orée de la petite mort qui se refuse à elle à travers pléthore de personnages masculins asexués. Otoko, tout d’abord, qui signifie l’homme joué par Kei Sato que nous retrouverons dans « L’obsédé en plein jour ». Il se cherche la mort en direct pour lui-même. Déphasé, il ne comprend niet au chant de la sirène engageante. « 102 tour de poitrine, 93 tour de hanche. Fais la lessive depuis ses 14 ans. Agée de 18 ans. Malgré une pub pareille, tu ne veux pas comporter en homme ? » Sur une plage désertique, ils sont capturés par des yakuzas qui les emmènent dans leur antre.

Ils seront mis en présence d’une galerie de personnages monomaniaques tout comme eux arrimés à une seule idée fixe et à son registre propre qui ne leur permettra pas de communiquer de façon aisée. Un étudiant cherche des armes pour tuer et les gangsters se définissent tous par leur accessoire propre, untel le sabre, un autre le pistolet, le couteau, la télé. De cette parade du huit clos des paons décharnés se dégage une chorégraphie démantibulée où l’oiselle espère se nicher un micheton. « C’est quoi un fusil ? Une carabine ? Vous n’êtes pas des hommes. Même avec des fusils vous ne pourrez jamais tuer personne. Vous êtes incapable de me toucher, alors tuer quelqu’un. Laissez-moi rire. Bande d’escrocs ! ».

Et puis à l’extérieur sévit un étranger, « un blanc », un tueur fou, un tireur fou qui tire des coups sur tout ce qui bouge. Avec sa tronche d’ange, il est le prototype de David Bowie dans Furyo (1983). La petite bande s’ébroue à sa rencontre et c’est seulement lors de la dernière scène que la signification du titre qu’à voulu donné Oshima nous éclaire dans la bouche d’Otoko : « Un double suicide forcé ».

Oshima décrit un Japon à l’agonie où les hommes fourbirent leurs armes plutôt que d’explorer les grottes mystérieuses des femmes. Cette fable pessimiste conquiert les lettres de l’absurde et du prude. Elle bouleverse nos repères. C’est aussi en ce sens qu’Oshima d’un film sur l’autre réinvente les codes de son cinéma pour notre plus grande joie.

Eté japonais : double suicide de Nagisa Oshima, 1967, avec Kei Sato / Keiko Sakura, DVD 9 – Nouveau master restauré, version originale, sous-titres français, format 2.35 respecté – 16 / 9 compatible 4 / 3, noir et blanc, durée du film 95 minutes, préface de Charles Tesson + bande annonce, prix 14,99 euros.

Sortie le 4 mars 2009 et distribué par Carlotta Films, ainsi que dans la verve du retour de la nouvelle vague japonaise :
L’obsédé en plein jour / A propos des chansons paillardes au Japon / Le retour des trois soudards