N’éteignez pas la lumière : Mémé descend l’escalier !

N'éteignez pas la lumière : Mémé descend l'escalier !

Vous avez sûrement reçu un mail ou vu sur le net, vu à la télé, ou entendu a la radio une publicité vous invitant a couper l’électricité chez vous le samedi 28 mars de 20h30 à 21h30.

Objectif affiché : "l’objectif est une mobilisation mondiale de près d’un milliard de terriens. Par le simple geste d’éteindre la lumière pendant une heure, nous aurons l’occasion de montrer notre volonté commune de réduire les gaz à effet de serre afin d’endiguer les dérèglements climatiques qui vont s’amplifier".

Le but avoué : faire prendre conscience du changement climatique. Bon, noble idée en soi. Avec toutefois une vraie question sur l’utilité de ce geste, en tout cas en France. Je rappelle pour ceux qui ne seraient pas au courant (ah ah ah) que le changement climatique majeur en cours est dû à l’augmentation massive des gaz à effet de serre, avec au premier chef le CO2 fossile, rejeté par la combustion d’hydrocarbures fossiles (pétrole, gaz, charbon…).

Bon, sortons notre calculette et au boulot !

Mettons que chaque personne (enfin, chaque foyer) joue le jeu. On va estimer à 300 Watts ce qui est allumé à ce moment-là. L’équivalent de 4 ampoules de 75 W. Et je suis gentil, vu que la plupart des gens qui vont éteindre la lumière ont déjà remplacé les ampoules à incandescence par des ampoules basse consommation… Mais admettons, les 300 Watt par foyer participant (hypothèse très haute). Donc sur la période de 60 minutes concernées, ça représente 300 Wh.

Bien. En France, 95% de l’électricité est produite par des sources non génératrices de gaz à effet de serre (80% nucléaire et 15% hydraulique). En fait, la vérité serait de dire « peu génératrices de gaz à effet de serre », mais c’est négligeable par rapport aux moyens utilisés pour produire les 5% restants.

Donc sur ces 300 Wh, seuls 15 W/h viennent de moyens de production d’électricité gros émetteurs de gaz à effet de serre.

Vous allez me dire : c’est toujours ça. Je n’en disconviens pas. Mais si dans le même temps chaque foyer, au lieu de se retrouver dans le noir, baissait son thermostat de 20 à 19°C (pour ceux qui consomment du fioul ou du gaz pour se chauffer), au lieu d’éteindre les loupiottes pendant 1 heure, l’économie de consommation d’énergie grosse émettrice de GES réalisée serait d’au moins 140 Wh (7% d’économie sur le chauffage pendant le même laps de temps).

L’hypothèse retenue pour ce calcul est que la consommation d’énergie pour le chauffage est de 18 000 kWh/an pour 100 m². Comme je suis fainéant et pour garder une hypothèse conservatrice, j’ai lissé la conso d’énergie pour le chauffage sur l’ensemble de l’année, or on chauffe rarement l’été…

Je récapitule (pour la France, qui produit beaucoup d’électricité par des moyens peu émetteurs de GES) :
• éteindre ses ampoules pendant une heure = 15 Wh provenant d’énergie fossile en moins,
• baisser son thermostat de 20 à 19°C pendant une heure = 140 Wh provenant d’énergie fossile en moins.

Et si on veut économiser en W/h équivalents (sans tenir compte de la provenance de l’énergie), on peut baisser son thermostat de 20 à 19°C pendant 2 heures, et ne pas se cogner contre les meubles dans le noir, pendant ce même laps de temps…

Autre équivalence. Un véhicule à moteur utilise en moyenne 1 kWh d’énergie fossile pour parcourir 1 kilomètre. 15 Wh d’énergie fossile non utilisée, c’est donc se passer dudit véhicule pendant… 15 mètres.

Ah oui, mettons que 100.000 foyers internautes fassent la manœuvre en même temps (pour l’éclairage), ça nous fait donc 30 MW. A 1 million de foyers, on est péniblement à 300 MW. Allez, soyons fous, 4 millions de foyers ! Youpi, 1.200 MW d’appel de puissance en moins ! Pile la taille d’une tranche nucléaire assez récente.

Poum, on l’éteint, cette tranche nucléaire.

A 21h30, tout le monde rallume. Impossible de reprendre la variation de charge par ladite tranche nucléaire, elle n’aime pas ça, ça bousille le combustible (empoisonnement au Xénon). Donc on fait appel aux… centrales thermiques, qui consomment joyeusement du gaz, du fioul, du charbon.

On a réussi, en une heure, à éteindre une centrale nucléaire peu génératrice de GES et à la remplacer par une centrale thermique, fortement génératrice de GES. L’effet de serre vous remercie…

Signé : un ingénieur énergéticien anonyme, mais renseigné !