Le Médoc à tort et à travers "C’est lui qui le dit"

 Le Médoc à tort et à travers "C'est lui qui le dit"

La langue de bois, Jean-Pierre Gauffre ne connaît pas. Il existe dans le Médoc des attitudes répréhensibles selon les lois républicaines et il y des médocains qui s’en tapent au nom de leur sacro-sainte insularité. Il y a aussi des paysages à couper le souffle. Mais c’est une autre variété du trait de caractère de ces gens et de ce pays pittoresque et complexe pour qui vient poser les pieds de l’extérieur sur cette terre.

Le Mague : Et là, si je vous demandais là tout de go, de me formuler quelques arguments à la racole pour ériger un point M comme Médoc, histoire d’attirer le chaland et grossir les hordes d’envahisseurs, cet été en nos contrées sauvages. Quelles seraient vos suggestions et premières recommandations en la matière ?

Jean-Pierre Gauffre : Moi j’adore le Médoc que personne ne connaît. C’est-à-dire le Médoc des mattes. Je suis un grand amoureux de tous ces coins au-delà de Saint-Vivien, Talais, Valeyrac Je trouve qu’il y a une poésie incroyable. Ca me rappelle ces paysages, c’est pas un hasard d’ailleurs. Les marais, ça été asséché par les hollandais. Y’a des ciels Breughéliens là-dedans. Des fois entre les couleurs de l’estuaire et le ciel quand on est dans les gris, dans les dorés, il y a du gris jaune, du gris rose, du gris vert. Ce n’est jamais la même chose et quand il y a cette espèce de mélange, on ne s’est plus du tout où est l’horizon. Quand on regarde vers l’estuaire, vers le large là, quand on est sur la digue, je trouve qu’il y a des paysages absolument extraordinaires d’une nostalgie d’une tristesse folle et ça m’émeut beaucoup. Ca me rappelle ces îles qui sont dans l’estuaire du Rhin, c’est le sud du Pays Bas. C’est Brel, c’est « Le plat pays ». Avec les images qu’il avait su trouver pour le dire. Voilà, si j’avais un point M, plus que le vignoble ou les plages où je vais. C’est un point que connaissent les nord-médocains et pas les autres.

Le Mague : Vaste question en trompe l’œil, existe-t-il selon vous un certain humour médocain et quels sont les thématiques et les personnages qu’il vise ?

Jean-Pierre Gauffre : Je ne me suis jamais posé la question. Il y a un caractère médocain, oui, celui de la semi insularité Y’a plusieurs types de Médocains parce qu’il y a plusieurs types de Médoc. Entre la forêt, l’estuaire, ceux qui vivent ou qui vivaient du bois et ceux qui vivent ou qui vivaient de la pêche ou de la vigne et aujourd’hui ceux qui se sont rajoutés et qui vivent du tourisme et ceux qui vivent de plus rien parce qu’ils sont retraités et la strate supplémentaire des médocains qui travaillent à Bordeaux, ça fait un patchwork pas facile à cerner. C’est frappant de constater que dans le Médoc, il n’y a pas de folklore, y’a pas de costume, de langue particulière, y’a pas de patois médocain, il y a juste quelques mots par ci par là. On n’est pas dans une identité comme on peut l’être comme au Pays Basque, en Bretagne, en Alsace, en Corse. En revanche il y a un art de vivre qui est celui de l’entrecôte aux sarments pour faire simple. De Sainte Hélène au Verdon, de Margaux à Vendayes là ceux-là ils sont d’accord. Parce que c’est une région qui a résisté à pas mal d’avatars de l’histoire. Y’a forcément un état d’esprit d’indépendance de liberté et d’auto liberté y compris en faisant ses propres lois. La notion on est chez nous en Médoc, elle est extrêmement forte. C’est toujours ce que racontent les gendarmes. Tous les nouveaux gendarmes qui débarquent sont frappés de voir qu’un type qui roule à 130 km/h ça le dérange pas parce qu’il est chez lui. Grosso modo, on est chez nous, ça dérange personne. C’est très particulier comme sentiment identitaire. Ca peut être une forme d’humour médocain (sourire). On est chez soi dans sa maison, dans son jardin et on étend son domaine à son bout de rue, à son village et par extension au Médoc. Y’a le côté sympathique je braconne la pibale.

Le Mague : Et la consanguinité, c’est pourtant une réalité bien réelle ?

Jean-Pierre Gauffre : Y’a le côté un peu moins sympathique, je couche avec mes enfants. Je fais ce que je veux. On sait pertinemment qu’il y a des problèmes de consanguinité, de violence familiale. Une intervention sur deux voir deux sur trois que font aujourd’hui les gendarmes, faut le savoir, ce sont pour des violences qu’ils appellent les V.I.F. : violences intrafamiliales. Il faut aussi se poser des questions du revers de la médaille de la semi insularité. Ca renforce ce que peuvent être les secrets familiaux qui existent dans toute la France rurale ou urbaine. Mais plus on se rapproche de la pointe du Médoc, canton de Lesparre, canton de Saint-Vivien, moins on a de contact avec l’extérieur donc forcément plus les secrets de famille sont enfouis. L’alcoolisme aussi, tous ces sujets on les a traité dans le Journal du Médoc, on a aucun tabou, on a fait des dossiers, on en parle de temps en temps.

Le Mague : La culture et le Médoc, vaste question ou pas ?

Jean-Pierre Gauffre : Il se passe des choses et en même temps c’est très difficile pour faire sortir les gens de chez eux. Il y a une incroyable frilosité. On doit lutter contre des habitudes par les soirées télé et aussi parce que les gens ont leurs soucis. C’est pas leur priorité. Ou effectivement, ça peut être une sortie, on va rire un bon coup. Mais un spectacle un peu plus difficile, ça va être perçu comme intello prise de tête, alors que c’est pas toujours ça heureusement. Mais ils ne veulent pas faire l’effort. Il faut vraiment se bagarrer pour ça. Je tire mon chapeau à tous ceux qui font bouger les choses dans le domaine du spectacle. Le pôle principal reste « Les Tourelles » à Pauillac. Il y a quand même beaucoup d’associations, des troupes de théâtre qui fonctionnent. Il y a des associations qui s’engagent dont « L’oiseau Lyre » sur l’alphabétisation dans une dizaine de communes.
On voit malgré tout que beaucoup de choses sont faites, au niveau des spectacles ou des festivals. Le festival reggæ marche bien entre 15.000 et 20.000 spectateurs. Il y a aussi la musique classique : « Musique au cœur du Médoc » à Vertheuil. La culture, elle doit être omnidirectionnelle. Il faut que chacun puisse exprimer une créativité. Il faut surtout pas qu’il y ait un frein à la culture. Malheureusement, la vraie création elle coûte chère donc il faut forcément avoir un peu de moyens. Et faire venir un peu de public, c’est l’info

Le Mague : Vous êtes également comédien et vous écrivez pour le théâtre ?

Jean-Pierre Gauffre : J’ai écrit une pièce de théâtre (*), un monologue de scène qui va être joué à Bordeaux à partir d’avril au petit théâtre des Chartons. J’espère que c’est un spectacle où l’on ne s’ennuie pas. Et je travaille aussi peut-être l’idée de monter moi-même sur scène comme je l’ai déjà fait à Paris, de faire une espèce de revue de presse à Bordeaux une fois par semaine. Je travaille autour de tout ça en ce moment. Parce que j’ai envie, parce que ça m’amuse. Et puis aussi parce qu’il faut se faire peur, prendre des risques. Dans la provocation il y a aussi une part de risque.

(*) « Quand on ne sait pas parler aux femmes, on ne sait pas parler à la vie », pièce qui sera jouée à partir du mercredi 22 avril, au Petit Théâtre, 8-10, rue du Faubourg des Arts, à Bordeaux. Tous les mercredi, jeudi, vendredi et samedi soirs, à 20 h 30, jusqu’au 27 juin. Soit trente-six représentations au total.

Jean-Pierre Gauffre est également comédien et metteur en scène : « Le dîner de cons » avec la troupe du Rotary club du Médoc, quatre dates à retenir : samedi 28 mars (21 heures) et dimanche 29 mars (15 heures) à l’espace François Mitterrand de Lesparre. Samedi 24 avril (20 h 30) et dimanche 25 avril (15 heures) à l’espace Fongravey de Blanquefort.

Retrouvez Jean-Pierre Gauffre ici dans Le Mague !