Nos "Cost Killers" sacrifiés sur l’Autel de la Crise

Nos "Cost Killers" sacrifiés sur l'Autel de la Crise

Thierry Morin viré, Christian Streiff viré… Pas plus que leurs ouvriers, les grands patrons ne sont épargnés pas la crise économique et la récession ! Le gouvernement s’apprête en plus à prendre un décret visant à restreindre la rémunération de ces grands patrons qui, les uns après les autres, sont priés de rejoindre le flot des victimes de la crise.

Il paraît que le caractère difficile de Christian Streiff a pesé dans la décision du conseil de surveillance du constructeur automobile de remercier l’homme à qui PSA souhaitait confier la restructuration du groupe. Il ne s’entendait pas avec Thierry Peugeot, n’était pas bien perçu dans l’entreprise… Reste que ce cost killer a débauché 4.460 personnes en un an, réduisant l’effectif de l’entreprise de 3,3%… Cela n’a pas suffi, puisque le constructeur automobile, numéro 2 des ventes en Europe derrière Volkswagen, a fait état le mois dernier d’une perte opérationnelle de 367 millions d’euros, à comparer à un résultat positif de 1,1 milliard d’euros un an plus tôt, et d’une perte nette de 343 millions.

Christian Streiff s’est illustré 2 ans plus tôt en mettant chez Airbus un plan de restructuration sur pied, pendant que l’avionneur se débattait avec des problèmes de management et de production qui ne sont d’ailleurs pas clos. Son plan Power 8 devait aboutir initialement à la suppression de 1.000 emplois, a été jugé trop strict en période électorale. Partout où il est passé, le brillant, mais fougueux ingénieux a fait tomber les têtes. Chez Peugeot, il agit à l’identique, taillant dans le vif de la masse salariale, mais en levant contre lui beaucoup d’inimitiés.

Philippe Varin, qui doit le remplacer à la tête du directoire, était jusqu’à janvier dernier directeur général du sidérurgiste anglo-néerlandais Corus, propriété du groupe indien Tata Steel. Le conseil de surveillance, unanime, a jugé que les difficultés exceptionnelles qu’affronte l’industrie automobile imposaient un changement de management à la tête du groupe, a déclaré Thierry Peugeot, président du conseil et toujours à cran contre Christian Streiff. Issu de l’École des Mines comme ce dernier, le nouveau manager devrait aider PSA à prendre langue avec les Indiens, qui possèdent une industrie automobile innovante et ancienne, un grand marché et des coûts salariaux très compétitifs.

Christian Streiff, dont la rémunération fixe, établie à 1.030.000 euros pour 2008, a renoncé fin février à sa part variable, qui devait s’élever à 25%. Il est vrai que les résultats du groupe ont été franchement mauvais. Si l’on considère que ses émoluments lui permettront de voir venir, et que ses réseaux au sein des milieux financiers (Wendel, Lazard, Paribas) et politiques (Gérard Longuet, André Rossinot…) le soutiendront dans cette période difficile, il n’en reste pas moins que les temps sont devenus durs aussi pour le haut du panier.

Le scandale provoqué par les compléments de rémunération touchés par les grands patrons, alors même que les entreprises qu’ils dirigent son en difficulté, qu’ils licencient du personnel, a conduit le pouvoir politique à prendre des mesures à son corps défendant. Le Premier ministre et le président de la République ont tranché : en début de semaine, lundi ou mardi, sera pris un décret qui va dire très clairement que les dirigeants des sociétés qui ont bénéficié de l’aide de l’Etat doivent renoncer à toutes ces dispositions : stock-options, bonus, parachutes dorés, etc., a expliqué Claude Guéant, Secrétaire général de l’Élysée à la radio dimanche.

La portée de ce texte tardivement élaboré sera toute relative. Les pouvoirs publics n’imaginent pas remettre au pot l’année d’après, et les entreprises subventionnées, exsangues à force de compressions de personnel, devraient retrouver l’équilibre… Le pouvoir politique a, de plus, placé ici et là des hommes de confiance, une meilleure cohésion est attendue dans les choix industriels qui seront faits. Les bonus qui devaient être distribués l’auront été, les affaires peuvent reprendre sur de nouvelles bases.

Une incertitude demeure : les patrons qui succèdent aux dirigeants d’entreprise remerciés seront-ils meilleurs que leurs prédécesseurs ? En raison de leur carrière et de leur formation, rien ne permet d’envisager une quelconque amélioration dans le mode de gestion des entreprises françaises. Philippe Varin, Jacques Aschenbroich et Christian Streiff ont fait les mêmes études — l’École Nationale Supérieure des Mines de Paris —, ont évolué au sein des mêmes entreprises — Saint-Gobain — et utilisent partout les mêmes recettes pour gagner de l’argent. Ce ne sont pas des capitaines d’industrie, mais des cost killers.

 

 


Nos mauvais résultats font très mal au patron
Qui se voit désavoué par de gros actionnaires
Et tout son personnel et les concessionnaires,
Il doit céder à tous, sauf s’il n’est pas poltron.

S’il n’a plus le beau rôle à bomber le plastron
Car son conseil le chasse et sans préliminaires
Pour faire appel avec cynisme aux mercenaires
Il s’enfuit de l’usine où il se fait traiter d’étron.

De cette crise, on ne sait pas les conséquences
Et tout le monde aura sans tarder des vacances
Sans pouvoir vivre avec très peu d’allocations.

La pression se renforce avec peu d’indulgence
Sur tout le monde au mieux des bonifications,
Le front uni veut plus d’argent et de vengeance.