"Pétales et autres histoires embarrassantes"…

"Pétales et autres histoires embarrassantes"…

Le Mexique — invité d’honneur du Salon du Livre 2009 — compte bon nombre d’écrivains aussi subtils qu’incisifs. Auteure de deux recueils de nouvelles et d’un roman (L’Hôte), Guadalupe Nettel — née en 1973 — offre avec "Pétales et autres histoires embarrassantes" (Pétalos y otras historias incomodas) un univers littéraire des plus surprenants.

Ces courtes nouvelles au nombre de 6, habilement ciselées, distillent un curieux parfum de fantastique à la Edgar Poe, le tout à la sauce piquante mexicaine, avec un zeste de réalisme et de poésie.

La première nouvelle Ptôse propose un récit farfelu sur un photographe obsédé par les paupières de ses clientes. La dernière nouvelle Bézoard relate la honteuse confession d’une malade — internée dans un hôpital psychiatrique — de ses vices capillaires. D’emblée avec Pétales, l’on est plongé dans un climat habité, plutôt morbide.

Déjà dans son roman L’Hôte (El huesped), Guadalupe Nettel narrait une histoire des plus sombres, celle d’une jeune fille hantée par un hôte intérieur appelé « la chose » prenant progressivement la vue et pénétrant dans l’univers de l’obscurité parmi ses nouveaux semblables, les aveugles et les mendiants dont la confrérie parcourait les lieux souterrains ou les cimetières de la ville de Mexico.

Pour l’écrivaine, faisant allusion à l’attirance de Breton pour le pays surréaliste par excellence, le Mexique n’est pas un pays aux exigeances rationalistes (*). Surréaliste ? un adjectif particulièrement adapté à l’univers littéraire de Nettel, batifolant entre promenade onirique (Bonsaï )et cauchemar urbain (Bézoard). Un monde lunatique, gorgé d’images obsessionnelles — souvent des parties du corps —, ou un pur délice pour psychanalystes débutants !

Le style grinçant et alerte de Nettel insuffle un sacré coup de fouet à ses récits empreints d’une ironie toute glacée. Avec humour, l’auteure se moque — sans porter de jugements — des penchants voyeuristes de personnages désopilants par leur banalité : un homme qui traque sa Fleur dans des toilettes pour dames (Pétales), une femme scrutant de sa fenêtre un couple dans un salon (Transpersienne)…

Peut-être l’aspect le plus insolite de ces nouvelles — dont l’habile titre Pétales suggère la fragmentation et l’effeuillage — réside dans cette investigation, malicieusement psychologique, d’une toute-puissante banalité de la soft déviance, corollaire de la solitude et de la frustration du désir.

Egalement, une certaine poésie désenchantée — et toute végétale — transparaît, notamment dans Bansaï, qui narre les déambulations d’un quidam dans un jardin botanique, lieu qui le révèle à lui-même :

Je pensai à ma vie avec une plante grimpante et à la vitesse à laquelle tout s’était déroulé. Je me souvins surtout de la longévité des cactus : quatre-vingts ans ou plus dans une terre séchée et cuivrée (p. 61).

Quant à L’Autre Côté du Quai, bref récit sur fond d’indifférence, de solitude et de haine, il relate le court séjour d’une adolescente chez sa tante dans une île encombrée de pluie et de vent.

La littérature de Guadalupe Nettel, assurément des plus originales, vaut bien un détour.

(*) article Paz et Breton, une rencontre surréaliste.

"Pétales et autres histoires embarrassantes", de Guadalupe Nettel, traduit de l’espagnol (Mexique) par Delphine Valentin, éditions Actes Sud, 144 pages, mars 2009. Prix : 15 €

Du même auteur :

L’Hôte (Actes Sud, 2006),
Les Jours Fossiles (éditions L‘Eclose, 2002).

L’auteure dédicacera au Salon du Livre son recueil de nouvelles le 13 mars (17 h 30) au Stand Actes Sud D 53/G 54, Salon du Livre de Paris, Porte de Versailles.