Et si Nicolas Sarkozy avait raté ses Réformes

Et si Nicolas Sarkozy avait raté ses Réformes

Le candidat à la présidence de la République avait fait de la rupture un leitmotiv de son engagement pour l’avenir… Et il a mis sur le tapis un grand nombre de choses à refaire, au point que tout le monde en a eu le tournis. La récession s’est installée sur des statistiques plus ou moins frelatées, ne permettant pas de réaliser le bénéfice de deux ans de couleuvres avalées au jour le jour.

Pour deux économistes par trop pointilleux, c’est raté. Les réformes dans le domaine économique et social sont ratées, juge André Zylberberg, directeur de recherches au CNRS et membre du Centre d’économie de la Sorbonne et de l’Ecole d’économie de Paris. Avec son confrère Pierre Cahuc, professeur à l’École polytechnique et chercheur au centre de recherche de l’INSEE, il publie Les Réformes ratées du Président Sarkozy, un livre pas très tendre pour celui qui ne cesse de se démener à droite, à gauche, et un peu partout dans le monde.

Pourtant, ces réformes étaient attendues, et même désirées par nos deux chercheurs… Mais elles ont échoué et placeront la France d’après-crise dans une position pire qu’auparavant, estiment-ils. L’incapacité de l’exécutif à moderniser le marché du travail, la démocratie sociale ou les institutions se traduit par une perte de compétitivité de la France et un creusement de ses déficits. Des régimes spéciaux de retraite au Revenu de Solidarité Active, en passant par la représentativité des syndicats, la flexisécurité ou l’organisation de grande distribution, chaque réforme a été une occasion manquée, compliquant la réglementation au lieu de la simplifier et augmentant les coûts au lieu de les réduire, prétendent les deux économistes qui publient leur ouvrage mercredi chez Flammarion.

Ce qu’il en ressort, c’est que les soi-disant réformes sont purement des affichages de réformes et que sur le fond, on a régressé, ajoute André Zylberberg. En cause, le recul d’un pouvoir trop pressé d’afficher des succès devant ceux dont les intérêts étaient menacés. Pour le journaliste Éric Le Boucher, l’un de leurs plus virulent détracteur, les réformes, certes menées à moitié, ont au moins le mérite d’exister dans un pays freiné par tant d’immobilisme… Ce à quoi rétorque Pierre Cahuc, qu’elles n’ont été qu’une succession navrante de retraites en rase campagne, ajoutant plus encore d’inégalités là où des privilèges devaient être combattus.

En prologue, les auteurs reprennent l’épisode éclairant de la carte famille nombreuse de la SNCF. Les avantages accordés en France aux familles nombreuses quelque soit leur revenu sont dans l’ensemble injustes et inefficaces. C’est le cas des tarifs SNCF. Des fonctionnaires de Bercy veulent s’y attaquer et supprimer cet avantage, et dès que le bruit en court, les associations se mobilisent et Nicolas Sarkozy recule immédiatement. Il en rajoute même en demandant qu’on prenne en compte des situations familiales jusque-là oubliées. Au bout du compte, un nombre plus élevé de personnes pourront bénéficier de cette carte famille nombreuse qu’auparavant. Pierre Cahuc et André Zylberberg concluent : partant d’un objectif de réduction des dépenses publiques, on aboutit finalement à des dépenses supplémentaires !

Alors que le gouvernement répète qu’elles ont permis à l’économie française de résister et que leur poursuite permettra de sortir plus fort de la crise, aucun des points faibles de la France n’a été corrigé, déclarent-ils. Pressé d’afficher des succès, l’exécutif a accordé une grande place aux négociations entre partenaires sociaux. Si ces derniers parvenaient à un accord, il s’est engagé à le transposer dans la loi. Quitte à abandonner quelques objectifs initiaux des réformes. La méthode a consisté à saturer les différents adversaires ou partenaires, suivant les cas, sous une avalanche de réformes et, si jamais ça coinçait sur un point : céder, poursuit André Zylberberg. La réforme de la représentativité syndicale est loupée et la réforme de la démocratie politique avortée.

La grande erreur de Nicolas Sarkozy, selon eux, est de ne pas avoir fait en sorte que les syndicats représentent vraiment les salariés et de ne pas avoir renforcé le Parlement en lui donnant des moyens supplémentaires et en interdisant le cumul des mandats qui parasite son fonctionnement. À la sortie de cette récession, on sera toujours dans un environnement qui ne permettra pas de dégager une efficacité économique comparable à celle des pays vertueux comme ceux du Nord de l’Europe, tranche Pierre Cahuc. La crise, ajoutent-ils, masque l’échec des réformes mais ses conséquences seront là quand l’économie repartira.

On aura un taux d’emploi des seniors très faible, les mêmes difficultés pour les personnes en recherche d’emploi, une structure de prélèvements obligatoires problématique, un appareil de démocratie sociale qui fonctionne mal, idem pour la démocratie politique, ajoute-t-il. Quand on regarde les pays qui ont réussi à mettre en œuvre des réformes profondes, structurelles, on s’aperçoit que ce qui compte, c’est la qualité des institutions, la qualité de la démocratie sociale et politique, explique André Zylberberg.

Les pays qui ont de bonnes performances économiques ont mené des réformes importantes que Nicolas Sarkozy avait annoncées et qu’il n’a absolument pas menées. Il a même contribué à dégrader la situation. Donc on va ressortir plus mal que si monsieur Sarkozy ne s’était pas occupé de ces domaines, ajoute Pierre Cahuc. Or, tous les groupes dont les intérêts étaient touchés par les réformes ont très vite compris que ces réformes n’étaient pas une si mauvaise nouvelle pour eux et peut-être même une très bonne nouvelle, ça permettait de renforcer les avantages. En manifestant le 19 mars, après la mobilisation du 29 janvier, les syndicats montrent qu’ils ont compris le message. Tant que les différents groupes pourront appliquer cette méthode, ils ne vont pas s’en priver, conclut André Zylberberg.

 

 


Qui trop embrasse a mal étreint nous dit l’adage
Et brouillon pour certains cet homme a tout raté,
Voulait-il trop en faire ? Il s’est bien plus planté
Sauf qu’on en retiendra son grand marivaudage…

L’homme a tout mis par terre et cet échafaudage
Est maintenant chez nous pour le moins regretté,
Un sentiment de s’être en deux ans bien trompé
Prévaut dans les discours devant ce faisandage !

Le produit des efforts sera sans cesse en moins
Quand il faudra porter le fonds devant témoins,
Et qu’il faudra des points devant la concurrence.

Trop pressé d’engranger de francs succès avant
D’avoir vraiment planché, mais la persévérance
N’est pas au rendez-vous s’il vend autant du vent.

 

Les Réformes ratées du Président Sarkozy, de Pierre Cahuc et André Zylberberg, Flammarion, 224 pages et 17,10 €