Le Mouvement social bégaie en Panne de Solutions

Le Mouvement social bégaie en Panne de Solutions

Les premières estimations de la mobilisation attendue pour le 19 mars sont constamment revues à la hausse, mais le gouvernement se retrouve très gêné aux entournures pour y répondre d’une manière ou d’une autre. Le cynisme d’un libéralisme vanté des années durant est bien en cause, alors que se profilent de bien mauvaises nouvelles pour les classes moyennes dans les semaines qui viennent.

L’argent public dépensé pour sauver le système capitaliste aura donc servi en grande partie — les scandales AIG et Continental le démontre — à leurs bénéficiaires à honorer les engagements pris envers leurs partenaires en vue de suivre la pente du pillage et des délocalisations. Tout le monde a désormais pris conscience que les conséquences de la crise vont coûter très, très cher en termes pécuniaires, mais aussi industriels et humains. Ce sont les dépôts de bilan actuels des petites et moyennes entreprises qui créent des disparitions d’emplois de manière tout à fait tragique, déclarait le 18 février la présidente du Medef, Laurence Parisot, après le sommet social à l’Élysée. Fournisseurs et sous-traitants se plient une fois de plus à la volonté de leurs donneurs d’ordres, tandis que l’ensemble des salariés trinque.

La faillite de Lehman Brothers le 15 septembre 2008 a précipité les choses, mais il serait faux d’y voir l’origine d’un séisme encore difficile à prendre en compte : dès le mois d’août, on a senti une tension dans les services achats de nos clients, les entreprises étaient comme tétanisées, raconte un sous-traitant de l’armement français. À cette époque, l’industrie automobile annonçait les économies d’échelle à réaliser à l’automne. En début d’année a été annoncée une nouvelle aggravation du chômage avec 90.200 nouveaux inscrits à Pôle Emploi en janvier, un record. L’Unedic attend près de 400.000 chômeurs de plus cette année, et le gouvernement, dans ses nouvelles prévisions macro-économiques, table sur 350.000 destructions nettes d’emplois dans le secteur marchand.

La montée du chômage est plutôt sous-estimée et la situation sociale ne va pas s’arranger, estime un économiste de la Société Générale, pour qui le gouvernement sera probablement obligé de remettre au pot pour soutenir la consommation. Une de ses confrère estime de son côté que si avec l’investissement, on ne relance que l’année prochaine, ce sera trop tard… On entrera dans un processus de contraction endogène de la demande qu’on ne pourra plus arrêter. Elle se dit ainsi favorable à la distribution de chèques, sur le modèle des chèques transport, qui ne permettraient pas d’arbitrage entre consommation et épargne, ou à un nouvel accroissement des emplois aidés.

Pour elle, on arrive dans une zone où les finances publiques de la France vont être jugées de plus en plus durement par les marchés financiers. La couverture contre le risque de défaut pour la France à 10 ans coûte plus cher que la couverture d’un risque de défaut d’une entreprise comme Total ! Qui va payer ? Sûrement pas Total, dont la situation hors normes est jalousement préservée par les pouvoirs publics pour tirer le CAC 40… Pierre Méhaignerie souhaite, à l’instar de feue la Ligue communiste révolutionnaire, imposer plus durement les fortunes françaises, tandis que le serpent de mer du bouclier fiscal refait surface : il aurait coûté 458 millions d’euros en 2008, en permettant à 13.998 contribuables de bénéficier d’une restitution d’impôt l’an dernier pour un gain moyen de 33.000 euros, contre 16.000 en 2007. Mais c’est une paille par rapport aux milliards dépensés pour soulager les effets de la crise, et nos hommes politiques craignent de heurter les gens les plus aisés qui ne se sont toujours pas réfugiés dans les pays limitrophes à la réglementation fiscale plus souple.

Si le mot d’ordre du gouvernement demeure de travailler plus, il ne s’agit plus de gagner autant qu’auparavant. Le président de la Banque centrale européenne a conseillé de mener des politiques courageuses de modération des dépenses, s’agissant en particulier des salaires. La prudence budgétaire ne devrait pas se relâcher. L’Irlande, la Hongrie et la Lettonie ont réduit les salaires de leurs fonctionnaires, de 7% à 15% selon les cas. La rigueur budgétaire, fait observer Jean-François Couvrat, freine la production industrielle et les investissements sans améliorer sensiblement les comptes de la nation, et il prend l’exemple de la politique monétaire déflationniste instituée dans les années trente en France.

Si Nicolas Sarkozy ne trouve pas une idée géniale dans la semaine, la situation sociale pourrait se détériorer au point de ressembler dans les semaines qui viennent au blocage total en outre-mer… Les entreprises dégraissant à tour de bras, les bonnes volontés ne se manifestant toujours pas dans les milieux bancaires et financiers, la grogne aurait plutôt tendance à s’amplifier devant l’impéritie des pouvoirs publics. Et les banlieues recommencent à s’enflammer… Mais il n’y a pas lieu d’espérer : même aux États-Unis, le messie noir vit un calvaire !

 

 


Un grand fossé se creuse entre des gens stressés
Et les plus beaux fleurons d’un modèle obsolète,
S’il faut casser les œufs pour faire une omelette,
Qui veut bien passer pour un œuf à prix cassés ?

La crise a fait des trous et bien des gens chassés
De l’ouvrage ont eu vent des ronds de la galette
Et pour certains surtout la somme est rondelette,
Mais ceux qui les ont vus sont aussi trop pressés.

Qui veut payer les pots cassés pour tant d’usines,
Tous les faux-frais et les papiers des magazines ?
Pas plus d’argent en caisse et peu pour voir venir.

Quand tant d’efforts fournis le sont en pure perte,
Grimpe en augmentant fort la crainte en l’avenir,
Mais derrière un tourment se tend la main experte.