Valentine de Saint-Point condamnée pour incitation à la luxure !

Valentine de Saint-Point condamnée pour incitation à la luxure !

Qui est cette belle femme distinguée, « fille d’Hélios » (fille du soleil), « fille d’Eros », qui fut l’une des icônes érotiques la plus appréciée de la Belle Epoque ? Cette femme libre, aux idées originales et audacieuses qui exaltait la Luxure et l’érotisme, défendait une conception virile des femmes et appelait de tous ses vœux à une « révolution des moeurs » ? Qui est-elle ? D’où vient-elle ? Silence ! Amnésie collective ! Halte à l’oubli ! Valentine de Saint-Point meurt pour la énième fois !

Oubliée. Ignorée. Niée. Tel est le sort réservé à Valentine de Saint-Point, figure féminine de l’avant-garde parisienne de la Belle Epoque (1870/1914) surnommée « la Muse pourpre », née le 17 février 1875 à Lyon, arrière petite-nièce du poète Lamartine (1790/1869). Celle qui a mené une vie littéraire et artistique intense mais très rarement citée dans les livres d’histoire littéraire contemporaine.

Poétesse. Romancière. Journaliste. Conférencière. Théoricienne de la danse et du théâtre, cette femme à l’âme irrésistiblement charmeuse laissait éclater son imagination dans le tourbillon de ses passions et de ses émotions et n’hésitait surtout pas à transgresser les frontières des préjugés et des croyances les plus conventionnelles. Cette femme avait beaucoup de courage, d’audace, du caractère, de la distinction et par-dessus le sens de l’anti-conformisme. Son charme fou et son originalité ne laissaient aucun homme indifférent. Et Rodin pour qui elle a servi de modèle disait tendrement d’elle qu’elle était « la déesse de chair pour mon inspiration de marbre ».

A l’instar de ses amis futuristes, celle qui fut la première femme futuriste exaltait l’audace, l’énergie, le mouvement agressif, la guerre, l’abolition du passé et la révolte permanente par le truchement d’une écriture virulente d’où se dégage une conception des femmes des plus étonnantes car inhabituelle et pourtant très originale qui mérite attention et reconnaissance.

Le 27 juin 1912, à la salle Gaveau à Paris, celle qui osait braver les conventions et leur lot d’interdits, donne lecture publique de son manifeste qui se veut une réaction à la conception misogyne du chef de file du mouvement futuriste, Filippo Tommaso Marinetti (1876/1944) qui, dans le point N° 9 du premier manifeste futuriste publié à la une du Figaro le 20 janvier 1909 déclare :

« Nous voulons glorifier la guerre, seule hygiène du monde, le militarisme, le patriotisme, le geste destructeur des anarchistes, les belles Idées qui tuent et le mépris de la femme ».

Et à Valentine de Saint-.Point de répondre dans le Manifeste de la femme futuriste :

« L’Humanité est médiocre. La majorité des femmes n’est ni supérieure ni inférieure à la majorité des hommes. Toutes deux sont égales. Toutes deux méritent le même mépris ».

Celle qui pensait que les hommes et les femmes méritaient « le même mépris » désapprouvait les idées prônées par le mouvement féministe qu’elle qualifiait « d’erreur politique et cérébrale de la femme » car il visait à extraire le sexe féminin du déterminisme biologique :

« il ne faut donner à la femme aucun des droits réclamés par les féministes. Les lui accorder n’amènerait aucun des désordres souhaités par les Futuristes… », affirme-t-elle cherchant à mettre en avant l’idée d’une « fatalité féminine primordiale » et ainsi une conception virile des femmes qui revendique un retour à la nature instinctive :

« Par instinct, la femme n’est pas sage, n’est pas bonne, n’est pas pacifiste… ». « Ce qui manque le plus aux femmes…, c’est la virilité », écrit-elle.

La figure féminine qui se dégage des écrits de Valentine de Saint- point renvoie à l’image d’une « superfemme » qui serait fidèle à sa vraie nature animale. Une femme virile, brute, injuste, cruelle, violente, à l’image du modèle masculin dont les fonctions guerrière et dominatrice sont exaltées à l’extrême :

« Pour redonner quelque virilité à nos races engourdies dans la féminité, il faut les entraîner à la virilité jusqu’à la brutalité » exhorte-t-elle, glorifiant à l’extrême la Luxure tout en faisant du sentimentalisme un défaut voire une entrave à l’épanouissement des femmes, et de l’humanité par extension.

« Il faut dépouiller la luxure de tous les voiles sentimentaux qui la déforment », écrit-elle.

Puis tout en tournant au ridicule ces « femmes bestialement amoureuses qui, du désir, épuisent jusqu’à la force de se renouveler », elle incite à cesser « de bafouer le Désir » et à détruire « les sinistres guenilles romantiques… » « Il faut faire de la Luxure une œuvre d’art ».

Car « pas plus que l’orgueil, la luxure n’est un péché capital. C’est l’expression d’un être projeté au-delà de lui-même ; c’est la joie douloureuse d’une chair accomplie, la douleur joyeuse d’une éclosion… C’est la recherche charnelle de l’inconnu…C’est le geste de créer et c’est la création…C’est une force… ». Et si « l’art et la guerre sont les grandes manifestations de la sensualité, la luxure –ne peut être que- leur fleur »

Mais déjà, le temps presse le pas. A la fin de Belle Epoque, Valentine de Saint-Point revient à Paris après un séjour au Maroc où elle a vécu avec le critique d’art italien, Canudo. Paris a changé. Dépaysée, elle décide alors de s’installer en Egypte où elle se converti à l’Islam et prend le nom de Raouhya Nour el Dine. Elle se consacre à l’engagement politique auprès des nationalistes arabes et s’adonne à la méditation. En 1953, à l’âge de 78 ans, elle meurt dans une cave dans la pauvreté la plus extrême. Son corps repose dans un cimetière cairote.

Et alors, à l’occasion du 8 mars, journée internationale des femmes, rendons hommage à cette figure féminine hors du commun pour qui la société ne se divisait pas entre masculin et féminin mais plutôt entre forts et faibles. Et de son point de vue, cette force ne pouvait être atteinte que si les femmes avaient rompu avec le sentimentalisme et reconnu la valeur de la luxure qui elle seule pouvait les élever au stade de l’héroïsme.

Et si Valentine de Saint-Point avait raison ?