Justice pour les mutins de 1917

Justice pour les mutins de 1917

Dans le cadre d’une campagne nationale, plusieurs organisations interpellent Nicolas Sarkozy pour qu’il réhabilite les Fusillés « pour l’exemple » de la guerre de 14-18. Une projection débat est prévue au Havre le lundi 16 mars au cinéma Le Studio.

Une fois n’est pas coutume, commençons par quelques (très rares) bonnes paroles de Nicolas Sarkozy prononcées à la Nécropole Nationale de Douaumont (Meuse), le 11 novembre 2008, pour les 90 ans de l’Armistice de la grande boucherie de 14-18 : « Aujourd’hui, alors que presque tous les témoins de cette tragédie ont disparu, alors qu’en France le dernier soldat survivant de cette guerre atroce n’est plus, alors que les haines se sont éteintes, que l’esprit de revanche a disparu, que nul parmi ceux qui se sont tant combattus ne songe plus à dominer l’autre, le temps est venu d’honorer tous les morts… » Chiche !

Le discours de Sarkozy n’est pas pris à la légère par les membres de l’Association Républicaine des Anciens Combattants, de la Libre Pensée, de la Ligue des Droits de l’Homme, du Mouvement de la Paix et de l’Union Pacifiste de France justement réunis le 11 novembre dernier devant le monument antimilitariste de Gentioux pour demander la réhabilitation publique et collective des fusillés « pour l’exemple » de la Première guerre mondiale. Pour appuyer leur démarche, ces organisations font circuler une « lettre ouverte au Président de la République française ».

En 1998, à Craonne, un discours de Lionel Jospin, alors Premier ministre, avait fait scandale. Il souhaitait que les fusillés « réintègrent pleinement notre mémoire collective nationale ». La droite hurlait. Elle estimait que les propos de Jospin pourraient être de nature « à justifier dans l’avenir des actes de mutineries »… Le discours de Sarkozy annoncerait-il un changement de cap ? « 90 ans après la fin de la guerre, je veux dire au nom de la Nation que beaucoup de ceux qui furent exécutés alors ne s’étaient pas déshonorés, n’avaient pas été des lâches, mais que simplement ils étaient allés jusqu’à l’extrême limite de leurs forces », reconnaît, enfin, le ténor de la droite dite « décomplexée ». Alors, si les mots ont un sens, qu’est-ce qu’on attend pour ouvrir les archives ?

Au Havre, on suit le dossier de près. Parmi les 650 fusillés « pour l’exemple » (mutins, déserteurs, mutilés volontaires) figurent quatre Havrais du 129ème Régiment d’Infanterie. Trois soldats et un caporal qui, fin mai 1917, avec près de mille autres « poilus » du 129ème RI et du 36ème RI, exprimèrent pacifiquement leur colère lors de meetings et de manifestations. Après l’hécatombe traumatisante du Chemin des Dames, de nombreux régiments refusaient de monter au front, de mourir pour rien. Les soldats en avaient marre de patauger dans la mort, marre de voir leurs familles crever de faim et, en prime, marre de voir que la guerre engraissait les profiteurs. Désemparés, certains envisageaient de voler un train à Soissons pour aller réclamer une paix immédiate à Paris. Ces hommes rêvaient d’un monde plus fraternel en chantant L’Internationale. Ce n’était pas du goût des Conseils de guerre. Arrêtés, transformés en boucs émissaires pour mater la rébellion, Marcel Chemin, Marcel Lebouc, Adolphe Lefrançois et Henri Mille sont passés en procès le 20 juin 1917. Les quatre furent condamnés à mort pour mutinerie et refus d’obéissance devant l’ennemi. Les mutins ont été fusillés le 28 juin 1917, à 11h30, à la sortie Nord de Rarécourt (Meuse) par des camarades de régiment. Raymond Poincaré, alors président de la République, avait refusé de les gracier.

Gloire à ces mutins. Ils sont l’honneur de cette humanité que nous aimons, celle qui refuse d’obéir aux ordres des bouchers galonnés et des politocards véreux. Aujourd’hui encore, encourageons les mutineries et les désertions sur tous les champs de batailles du monde. Crosse en l’air ! Guerre à toutes les guerres !

L’Association Républicaine des Anciens Combattants, la Libre Pensée, la Ligue des Droits de l’Homme et le Mouvement de la Paix du Havre vous invitent à la projection du documentaire d’Alain Moreau et Patrick Cabouat, Les Fusillés pour l’exemple (52mn, 2003), le lundi 16 mars, à 18h30, au cinéma Le Studio (3, rue du Général-Sarrail) en présence d’Alain Moreau. Participation aux frais : 3€. Tarif spécial pour les étudiants et chômeurs.

Pour demander la réhabilitation des Fusillés pour l’exemple, vous pouvez signer et envoyer la lettre ouverte au Président de la République française par courrier à Monsieur Nicolas Sarkozy, Président de la République, Palais de l’Élysée, 55 rue du Faubourg Saint-Honoré 75008 Paris ; ou par mail à cette adresse : http://www.elysee.fr/ecrire/

PS : Au Havre, en hommage aux quatre fusillés pour l’exemple, on pourrait en profiter pour renommer l’actuelle rue du 129ème Régiment d’infanterie en « rue des mutins du 129ème RI »...