Rachida Dati part avec le sentiment du Devoir accompli

Rachida Dati part avec le sentiment du Devoir accompli

Dans le documentaire consacré au destin si controversé de Dati l’Ambitieuse, diffusé mardi par Arte, la Garde des Sceaux témoigne de son passage au ministère de la Justice au passé. Ce n’est pas un scoop d’écrire ici que ses jours sont comptés à l’hôtel de Bourvallais, mais d’entendre cette femme de tête refuser toute nostalgie reste surprenant.

La décision du président de la République française de nommer à la tête d’un ministère régalien une femme issue de l’immigration, alors que des procédures sont en cours à l’encontre d’un membre de sa famille, est un risque majeur, qui scelle tout l’ensemble de sa politique sous le caractère sulfureux de la polémique. Nicolas Sarkozy aime surprendre, il n’a pas peur de choquer. Rachida Dati n’a pas cherché à se fondre dans le moule compassé de l’institution, elle est rapidement devenue le symbole de la réussite exempte de complexes du nouveau pouvoir. Elle en a fait celui de sa perte.

Rachida Dati, on aime ou — surtout — on déteste ! Ses déclarations sont sans ambages, ses prises de positions tranchées, ses propos font sans cesse référence à la fidélité exprimée à l’égard de son mentor… Elle accepte immédiatement de porter sur les fonds baptismaux la première restructuration de l’administration française, celle de la carte judiciaire, avec les difficultés que l’on sait. Vaille que vaille, la nouvelle organisation est mise en œuvre. Rachida Dati est passée en force, avec le soutien appuyé du gouvernement, de l’Élysée, sans jamais mettre de l’eau dans son vin, sans y mettre les formes ni un tant soit peu de liant.

Rachida Dati ne suit pas les conseils de ses collaborateurs, qu’elle épuise au travail : exigeante, exécrable, imbuvable sont les traits de caractère de celle que beaucoup auraient accepté d’un homme politique plus conventionnel, et surtout moins symbolique d’un pays dont le visage a changé. Les Français se sentent bouleversés de tous les bouleversements que le pouvoir nouvellement élu leur impose, avec la légitimité du suffrage universel pour unique argument… Et cette harpie prend un malin plaisir à poser dans les magazines avec des toilettes hors de prix et en mondaine compagnie !

C’en est trop. Passe encore si la Sarkosette devient la danseuse du chef de l’État, sa mascotte, sa marotte, mais elle n’a aucune tenue. La France bourgeoise déteste. Ses façons de m’as-tu-vu, ses colifichets bling-bling et son langage si peu onctueux font mouche : c’est la banlieue du rap et du mauvais genre qui campe dans les palais de la République ! Rachida Dati n’est déjà plus l’incarnation d’une droite décomplexée qui s’emploie à servir les intérêts du Grand Capital dans un contexte toujours plus sécuritaire, elle devient le parangon du mauvais goût, de l’arrivisme et de la morgue des parvenus. Là où Rachida passe, tout casse : et ce qu’on accepte de celui qui peut se prévaloir de nos suffrages est refusé à sa clique… Rachida en fait les frais à l’exclusion de tout autre. Les manies grotesques que Madame la Marquise, hôte de Bercy, font sourire, les fantaisies malheureuses de Rachida font grincer des dents.

La France Black, Blanc, Beur n’a jamais existé que dans les doux rêves de quelques bonnes consciences pudibondes : nous le savons maintenant que Rachida Dati nous l’a fait remarquer. Oui, ce qu’on a bien voulu accepter de la part d’un autre fils d’immigré hongrois, on l’a refusé à une fille de l’autre côté de la Méditerranée. On ne lui a d’ailleurs trouvé aucune des excuses fournies obligeamment à un autre. L’adversité fut si grande qu’elle n’a pas eu le droit, comme n’importe quelle autre femme française, de choisir de faire un bébé toute seule ! Il a fallu qu’on lui cherche des fiancés jusque dans les émirats les plus rétrogrades du point de vue des mœurs.

Pour tout cela, Rachida, je te dis merci ! Merci de nous avoir montré que la France demeure une monarchie bourgeoise, peuplée de bigots rapportant les ragots du confessionnal. Merci, Rachida, de nous avoir fait comprendre que la France est impropre à toute évolution, à toute ouverture d’esprit, à la moindre mansuétude. Merci, Rachida, de nous avoir fait sentir que nous vivons toujours dans un pays de merde.

Rachida Dati n’a certes pas rempli toutes les missions que lui a confié le chef de l’État, élu par 53% des Français… Elle ne les a pas remplies complètement, elle les a remplies imparfaitement, mais elle a donné tout son sens politique à sa mission : nous montrer que la France d’après ressemble à s’y méprendre à celle d’avant. La France que je déteste.

 

 


Elle a tout désiré, tout sauf finir caissière
Dans un supermarché sans avoir d’avenir
En attendant de voir la marmaille à venir,
La vie a mis pour elle aussi sa souricière…

Elle a tout obtenu de manière outrancière,
Un ministère où elle a cru tous nous tenir
Dont elle entretiendra bientôt le souvenir,
Et dont elle a laissé la question judiciaire !

Elle a quitté si vite un accablant faubourg,
Mais prend un train qui finit à Strasbourg :
La vie est aussi bien décidément vicieuse.

Mais elle offre à chacun telle opportunité
De se refaire, et c’est la qualité précieuse
Qu’on entrevoit pour s’en sortir en société.