Réfugiés palestiniens : des Absents bien trop présents

Réfugiés palestiniens : des Absents bien trop présents

Que connaît-on de ces Palestinien(e)s errant(e)s qui, entre 1946 et 1948 vivaient en terre palestinienne ? Ces êtres qui ont vécu la rupture, la perte, la séparation, l’arrachement à la mère-patrie, l’humiliation et revendiquent le droit au retour en Palestine ? Pour comprendre leurs problématiques, rendez-vous les 28 et 29 mars à la Bourse du Travail (Saint-Denis) pour la deuxième conférence internationale sur le droit au retour des réfugié(e)s palestinien(ne)s.

Lorsqu’en 1948, date de la Nakba (en arabe catastrophe), des hommes, des femmes et des enfants ont été chassé(e)s de leur natale, la Palestine, ils /elles ont emporté, autour de leur coup les clés des maisons qu’ils/elles ont dû abandonner.

Des clés, symboles de la fermeture, c’est-à-dire le refus du monde, le rejet de l’autre, le repli sur soi. Soi dans soi. Rien que soi. Sans l’autre, reflet de ses propres errances, de ses peurs et dont l’absence rassure et renforce le sentiment de toute puissance et d’ignorance de l’autre.

Des clés, symboles de l’ouverture, de l’acceptation, de la reconnaissance de l’autre comme son égal, son frère et sa sœur en humanité. Un monde qui exclut toute ambition dominatrice et qui aspire à la Justice, l’Egalité et la Liberté.

Des clés qui symbolisent l’Espoir. Et dans le cas des Palestinien(ne)s, l’espoir du retour en Palestine, un rêve vieux de plus de soixante années et qui, au fur et à mesure de l’écoulée du temps, renaît de ses cendres. Et tout en se renouvelant conserve toute sa vitalité et sa volonté de devenir réalité.

Le retour en Palestine. Un rêve demeuré intact car ces déplacé(e)s contraint(e)s et forcé(e)s, ces déclassé(e)s malgré eux /elles ont conservé dans un lieu secret, ces clés qui dans les représentations de ces « nourrisseurs d’espoir », serviront, le jour du retour dans l’antre du foyer protecteur, sécurisant et rassurant, à ouvrir les portes des maisons quittées précipitamment.

Et lorsque Abderrahmane El Katanani, peintre, grapheur et caricaturiste palestinien vivant dans le camps de Chatila, signe ses tableaux d’une clé, c’est pour affirmer le droit des Palestinien(ne)s au retour dans leur mère patrie, la Palestine.

Et selon Elias Sanbar, représentant de la Palestine à l’U.N.E.S.C.O., le terme « retour », renvoie à trois temporalités : « le passé conservé, fondement de l’identité présente ; le présent de passage, fondement de la volonté de rentrer en Palestine ; le futur révolutionnaire, fondement d’espérances sociales ».

Le passé dans l’habitus temporel et symbolique des réfugié(e) palestinien(ne)s ? Une temporalité physiquement absente mais symboliquement omniprésente, lointaine et pourtant proche car nourrie par les récits des parents avides de conserver la mémoire collective, celle de tout un peuple contraint à l’errance.

Ainsi, le/la réfugié(e) palestinien(ne) est un être dont l’existence se situe entre trois temps interdépendants : un futur qui tire sa sève du présent qui à son tour se nourri d’un passé qui, tel un livre éternellement ouvert, inspire et invite constamment au renouvellement, ce futur tant fantasmé !

Le terme « retour » renvoie également à deux espaces : l’un physique, concret, du temps présent symbolisant l’exil, lieu de refuge temporaire, associé à « une zone d’attente », de « transit » où les hommes, les femmes, les enfants qui y vivent sont devenus des « exclus du temps », « un peuple de passage », entretenant un lien si symbolique soit-il avec cet autre espace, « symbole de l’absence forcée, morale, anomastique, mémoriale, physique. Cette terre de « la patrie, de la terre interdite, spoliée, pillée, subtilisée ». Ce pays, la Palestine qui est non seulement en eux, dans leurs cœurs et leurs têtes, mais également posée sur leurs dos et leurs épaules. Des porteurs, un peu à l’image d’Atlas, ce Titan de la Mythologie grecque condamné à porter les cieux jusqu’à l’infini.

Nahd, Majdi, Leila, Mahmoud, Amira, Yasser, Moustafa et bien d’autres vivent à Chatila.

Leur statut ? Réfugié(e)s palestinien(ne)s reconnu(e)s par l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Prôche-Orient (U.N.R.W.A) !

Leur quotidien ? Englué(e)s dans un présent qui se caractérise par l’inhumanité des conditions de vie et l’absence de perspectives et d’avenir.

Ces femmes et ces hommes ? Des corps qui déambulent dans un espace ponctué d’attente, d’incertitude et de provisoire.

Mais encore ?

Des êtres errants, déplacés, contraints à une mobilité forcée et subie. Un peuple sans territoire car expulsé de son espace naturel et dépossédé de sa terre. Des hommes, des femmes et des enfants hanté( e)s par le spectre d’un passé devenu mythique. Des êtres maintenu( e)s en vie par le rêve d’un pays à soi et l’espoir de pouvoir un jour se réfugier au cœur du foyer, « ce centre du monde », la Palestine, la mère-patrie avec qui ils/elles entretiennent des liens de dépendance symbolique et qui malgré son absence continue à être éternellement présente dans leurs esprits illuminés par ses couleurs, ses odeurs, ses symboles au point de se rendre compte que s’ils /elles ont physiquement quitté la Palestine, cette dernière continue à respirer, à vivre, à exister. Cette mère qui ne finit pas de chanter :

Comment avons-nous, voyageurs mobiles, porteurs et portés, réussis à détenir un visage sans jamais connaître de nos visages à venir. Elias Sanbar.

Illustration : Tableau de Abderrahman El Ketanani intitulé « Maria ».

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