Tous d’Accord en Europe pour agir Chacun de son Côté

Tous d'Accord en Europe pour agir Chacun de son Côté

L’Europe sert-elle à quelque chose ? Les 27 pays européens sont finalement parvenus à s’entendre pour faire face à la crise économique, mais il faut bien reconnaître au vu des résultats du sommet extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement de Bruxelles, qu’ils sont tous d’accord pour ne pas trouver les moyens d’agir ensemble. Les premières mesures d’envergure de l’Europe de Lisbonne resteront donc lettre morte, et les citoyens auprès desquels on commence à battre le rappel en ces prémices de campagne électorale, sont plus que jamais fondés à se demander à quoi leur sert ce machin.

Les pères fondateurs de l’Europe ont organisé leur projet autour d’objectifs industriels stratégiques, et grâce à la prise de conscience d’un destin partagé par de plus en plus de nations éparpillées sur le même continent, la construction a pris du sens jusqu’à l’adoption d’une monnaie commune, et en dépit d’une constante mésentente du point de vue des relations internationales… Mais depuis, le sentiment que l’identité européenne se traduit par l’expression d’une espèce d’hydre préposée à une administration tatillonne triomphe un peu partout. Quels objectifs les dirigeants européens ont-ils à nous fixer désormais ? Aucun.

La crise économique est pourtant une chance extraordinaire d’harmoniser des économies tellement hétéroclites et bien souvent concurrentes… Mais non. La planification et le Comecon ont laissé tellement de mauvais souvenirs chez nos technocrates qu’ils fuient depuis la chute du Mur de Berlin toute idée de réalisation commune sur le plan économique. Pour soutenir leurs industries, chaque pays a pris depuis le mois d’octobre 2008 des mesures qui lui sont propres, en dépit d’une certaine identité : soutien aux établissements financiers et aux gros industriels, autant que faire se peut. Mais chacun s’est alors inquiété de ce que le voisin pouvait nuire à ses propres exportations en prenant de telles dispositions.

Le problème du protectionnisme, c’est ce qui se passe chez nos amis américains. L’Europe est la zone la plus ouverte du monde, s’est exclamé Nicolas Sarkozy, à bon droit. La différence entre les deux ensemble est que les États-Unis se préoccupent avant tout des problèmes générés par ce qu’ils importent, alors que l’Europe, non. Les Européens sont d’abord focalisés sur leurs problèmes internes de concurrence. L’exemple le plus criant d’une désastreuse coopération est illustré par la question des actifs toxiques détenus par les banques, et qui sont devenus maintenant difficilement négociables, pour peu qu’ils soient identifiés.

C’est le choix de chaque État d’aider ses banques, a dit Nicolas Sarkozy, ajoutant qu’il y aura une grande flexibilité dans la détermination des actifs éligibles à de telles structures mais un cadre européen pour leur traitement de façon à assurer le bon fonctionnement du marché unique européen. La réalisation d’un tel cadre étant bien entendu remis à plus tard, ou à Dieu sait quand… tellement la question embarrasse chacun ! Chacune des structure, on a pu le remarquer au cours de la période écoulée, préservant jalousement ses prérogatives et le secret qu’elle entretient sur la dose de toxicité des actifs détenus dans le coffres-forts de leurs disques durs, chaque chef d’État ou de gouvernement a déjà conscience de l’importance du risque encouru, sans toutefois oser ouvrir la boîte de Pandore.

Ainsi, la France n’entend pas avoir recours à des structures de défaisance pour assainir le bilan de ses établissements financiers en cantonnant leurs actifs toxiques, alors que des pays comme la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et l’Allemagne sont demandeurs. Il n’y aura donc pas de plan financier européen, au grand dépit des pays d’Europe centrale, dont l’essor économique récent suppose des gages de fragilité. Le président de la Commission européenne, Jose Manuel Barroso, a fait état pour sa part d’un accord pour que les aides publiques aux grandes banques ne débouchent pas sur des restrictions pour les prêts de leurs filiales dans les pays d’Europe centrale et de l’Est. Dans les faits, l’idée d’un plan global pour venir en aide à ces pays a rapidement été écartée.

J’ai vraiment senti un sentiment de solidarité et de responsabilité envers eux, a déclaré José Manuel Barroso. Rejetant la demande d’aide spécifique formulée par la Hongrie, les chefs d’État et de gouvernement ont estimé que la situation de chaque pays était différente et nécessitait par voie de conséquence un traitement adapté. Ils ont chargé la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et la Banque mondiale d’accroître leur soutien aux économies les plus fragilisées en augmentant, si possible, le prêt de 24,5 milliards d’euros déjà débloqué en leur faveur. Ils se sont également montrés ouverts à l’idée de procédures d’adhésion à l’euro accélérées, ce que réclament ouvertement la Hongrie et la Pologne.

Bref. Dès lors qu’il s’agit de se mettre à construire quelque chose pour l’avenir, la construction européenne cale, et chacun de s’en retourner chez soi content de n’avoir touché à rien, pourvu que rien ne change dans ce monde merveilleux qui bascule dans la catastrophe. Heureusement, le libéralisme est en elle-même une idée assez forte pour triompher d’elle-même !

 

 


Si chacun tient à l’œil les nations limitrophes,
L’entente est mal barrée avec de tels gérants !
Tous se sont bien nourris de vrais édulcorants
Si sûrs d’eux d’éviter un jour les catastrophes.

Entraînés à se faire entre eux des apostrophes,
Ils font sans le vouloir des complots aberrants,
Pour nous dire après coup des propos effarants
Et des appels vibrants dont on a lu les strophes !

Les jeux n’ont plus de mise avec ces bateleurs,
Mais gare ici quand vous refusez leurs valeurs,
Car ils vous faut après les adopter quand même.

Le grand manège est sans répit tambour battant
Mené, si bien qu’un jour l’idiot qui fait carême
N’a rien compris, s’il n’en a pas demandé tant !

 

Avec AFP, Reuters et Pif-Gadget.