Les lectures de l’ère numérique au cœur du 29ème salon du livre

Les lectures de l'ère numérique au cœur du 29ème salon du livre

Pour la seconde année consécutive, le salon du livre de Paris qui ouvre ses portes du 13 au 18 mars à Porte de Versailles prévoit quatre espaces consacrés « aux grandes mutations du marché du livre » où les visiteurs seront immergés dans l’univers futuriste de la révolution numérique. Ce périple au cœur des lectures de demain proposera un tour d’horizon des nouveaux supports de lecture numérique avec cependant un intérêt particulier aux mutations et aux principaux enjeux de la numérisation du livre.

« Après la musique, la photo, et la vidéo, le livre est le dernier contenu culturel à se numériser », affirment les organisateurs du 29ème salon du live. Mais bien que tardive en France, la numérisation du livre semble gagner du terrain. Elle est plus que jamais à l’ordre du jour.

Sous quelle forme se décline cette numérisation ?

Le livre numérique ou électronique, cet « objet nouveau que les Américains appellent un e-book » (J. Clément), désigne les nouveaux supports numériques qui renvoient aux livres portables au format électronique, c’est-à-dire dématérialisés (virtuels). Ils se déclinent sous forme de fichiers informatiques consultables sur de multiples supports électroniques tels que les assistants personnels, les ordinateurs… et ce, grâce à un logiciel spécifique de lecture : Adobate acrobat Reader, Microsoft Reader, Adobe Acrobate book Reader… qui permet de lire un livre numérique sur écran.

Selon Alain Gordier, auteur du rapport de la commission de réflexion sur le livre numérique (1999), cette expression est « porteuse de deux concepts technologiques de nature bien différente ». D’une part, le livre qui désigne « un objet physique bien identifié, en trois dimensions, résultat d’une chaîne d’opérations de fabrication, dont le contenu est définitivement figé ». Et d’autre part, le numérique qui est « un ensemble de technologies basées sur une transformation (la numérisation) d’un signal en nombres, impliquant en général l’usage d’un ordinateur ».

Par ailleurs, Jacques Attali assimile le livre électronique à « un livre de poche qui rassemblerait tous les livres de poche ».

Le livre numérique offre pléthore d’avantages. Il est porteur de profondes mutations...

D’un point de vue historique, Roger Chartier, historien, explique que « l’arrivée du numérique constitue une mutation extrêmement profonde du support de l’écrit qui n’a d’équivalent que les premiers siècles de l’ère chrétienne, quand le Codex (le livre sous la forme qu’on connaît) s’est subsisté au rouleau de papyrus hérité de l’Antiquité ».

Et inévitablement, ce nouveau support électronique présente un certain nombre de caractéristiques qui viennent le distinguer du livre papier. Il est « passe-partout ». Pratique. Recyclable. Ecologique. Ses principaux avantages sont la rapidité puisque le temps d’un téléchargement ne prend que quelques minutes. La disponibilité et l’accessibilité étant donné que les habitants des fins fonds de la brousse africaine, par exemple, pourront à n’importe quel moment avoir accès au texte de leur choix sans avoir à se déplacer. De plus, les fonctionnalités de lecture diverses et possibles avec les logiciels numériques rendent l’usage d’un livre interactif et donc plus attractif.

Ces différents aspects novateurs induisent de nouveaux comportements et habitudes de lecture et ainsi un renouvellement du rapport au savoir. La démocratisation de l’accès au texte est un moyen qui permet au lecteur d’avoir un rôle actif dans sa propre lecture puisqu’il aura la possibilité d’acheter non pas le livre en entier mais uniquement les parties qui l’intéressent… Les mutations sont également à prévoir au niveau des transformations des modes d’édition, de diffusion, de distribution et de l’acte de création.

Les enjeux de ce format numérique sont nombreux…

Aux questions « « le e-book est-il encore un livre ? ». « L’expression le livre numérique a-t-elle un sens », Jean Clément, de l’université Paris VIII, département « Hypermédias », explique que « du livre-objet, on est passé au livre-bibliothèque , au livre interactif, au livre en réseau, au livre multimédia ». Puis il poursuit, « sur Internet, les textes circulent, se reproduisent, se métamorphosent, se démultiplient à l’infini. Toute la filière livre s’en trouve affectée ». Et de son point de vue, des enjeux d’ordre essentiellement économique sont importants à prendre en compte.

Primo, le risque pour les éditeurs est que les auteurs se passent de leur « médiation » puisque ces derniers auront désormais recours à l’auto-édition.

Secundo, le danger pour les auteurs est de voir leur œuvre piratée et ainsi le droit à la propriété intellectuelle et le droit d’auteur menacés.

Tertio, le risque pour les bibliothèques traditionnelles est de se retrouver menacées de disparition par « les énormes librairies en ligne comme Amazon et Barnes and Nobles qui offrent des services, et surtout des prix sans concurrence ».

Et pour organiser et protéger la numérisation du livre en France, Bruno Patino, Président de Télérama et du Monde interactif, dans son rapport sur le livre numérique (juin 2008), préconise des mesures qu’il décline en quatre actions à savoir la promotion d’une « offre légale attractive de qualité » pour permettre le développement du marché. La défense de la propriété intellectuelle. La mise en place de « dispositifs permettant aux détenteurs de droits d’avoir un rôle central dans la détermination des prix » et « la conduite d’une politique active auprès des institutions communautaires pour qu’un lobby de la propriété intellectuelle soit présent auprès de ces instances ».

Et la presse écrite alors ?

L’arrivée du numérique a-t-elle un impact sur la presse écrite ? Annoncera-t-elle sa fin ? Il est sûr que la presse papier n’échappera pas aux métamorphoses et bouleversements engendrés par l’ère numérique. Face à un marché qui se caractérise par la gratuité, l’accessibilité, l’interactivité, la souplesse rédactionnelle et informative et la circulation transversale de l’information. Face à ce moyen de convivialité et à ces lieux d’expression, de création et de consolidation des liens sociaux que constitue la presse virtuelle, la presse papier n’est-elle pas d’ores et déjà contrainte de renouveler son rapport à l’information et aux lecteurs en réinventant des modes d’expression plus appropriés et ainsi de nouveaux médias sur Internet ?

Alors, le support papier est-il menacé de disparition ? Ou doit-il être envisagé comme un complément du support numérisé ? Face à ces mutations de taille, sommes-nous prêts à devenir des lecteurs et des lectrices sans papier ? Saurons-nous nous adapter aux modes de lecture de l’ère numérique ?

Pour aller plus loin :