Nicolas Sarkozy triomphe d’une Actualité en Panne

Nicolas Sarkozy triomphe d'une Actualité en Panne

La grande force de l’homme politique a été d’imposer son tempo à l’actualité. Petites phrases, déclarations à l’emporte-pièce, mise en scène d’une intimité savamment retouchée… Ses astuces n’ont plus de secret pour le public comme pour les gens de presse. Et lorsqu’il n’y a pas de catastrophe à donner en pâture au lecteur, il reste l’opportunité de spéculer sur l’éventualité d’un drame touchant le chef de l’État : de quoi donner des frissons.

Le buzz du moment n’est pas la vidéo antisémite présentant une brochette de proches de Nicolas Sarkozy comme spécifiquement identifiés par leur appartenance à une communauté sur laquelle pèse un certain nombre de préjugés entretenus à loisir par les uns et les autres : ils sont arrivés pauvres dans un pays riche et ils sont aujourd’hui riches dans un pays pauvre. Ils contrôlent la société, vous ne le voyez pas, ils tiennent la politique, les médias, la culture. De quoi donner du grain à moudre à quelques jours du prochain dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France, mais il faut bien constater que ces plaisanteries d’avant-guerre ne retiennent plus l’attention des gens.

Non, ce qui suscite l’intérêt du public est bien sûr la capacité du chef de l’État à gouverner le pays, des fois qu’un trou d’air dans sa cote de popularité ne l’emporte au fond d’un abîme désastreux… En fait, le problème n’est pas tant la crise et le retour du chômage de masse dans les titres de presse, que le risque de vacance du pouvoir, alors que tout le monde s’en retourne au bureau ! Ainsi, l’éventualité d’un lâchage en rase campagne de Nicolas Sarkozy par son armée pléthorique de ministres et de secrétaires d’État, à la tête de bataillons fournis de fonctionnaires à la diète, c’est bien ça qui fait peur… En définitive, la question qui demeure est toujours d’occuper les esprits oisifs ou trop inquiets. Imaginer que l’Élysée ne soit plus à la manœuvre et que les maîtres d’équipage aient plus le vague à l’âme que la volonté de piloter la barque d’une main de fer devient source d’angoisse.

Il y a des lustres que la France n’a pas connu de véritable vacance du pouvoir, après que le général de Gaulle l’a dotée d’institutions à forte coloration monarchique, en lieu et place d’un régime parlementaire jugé trop instable, et surtout sujet à trop d’éclipses… Nos voisins européens s’accommodent assez bien de ce genre de difficultés, alors qu’en France, où sont nés d’illustres penseurs libertaires, comme Pierre-Joseph Proudhon, Georges Sorel, Émile Pouget, Fernand Pelloutier et tant d’autres, il apparaît beaucoup plus difficile de se passer de nos brillants technocrates. L’escapade du Grand Charles à Baden-Baden en plein trouble révolutionnaire à la fin mai 1968 a d’ailleurs été vécue par les publicistes comme une tragédie, alors qu’elle fut superbement ignorée par la population, plus occupée à trouver des pavés ou du ravitaillement, et en plus, elle n’a duré que l’espace d’une journée.

Lorsqu’on compare les unes des différents quotidiens, Le Monde en fait des tonnes sur le sujet, s’interrogeant sur la viabilité de la rupture sarkozyste, tandis que Le Figaro s’attache à rassurer son (é)lectorat en appelant un institut de sondages express à la rescousse afin de déceler dans l’ensemble des gens qui s’en foutent comme de l’an quarante un dernier carré d’irréductibles dévoués au chef de l’État… France-Soir s’intéresse aux Césars, et la rédaction de Libé a pris ses RTT. Pourquoi se jouer le film d’une crise politique imaginaire ? L’actu est vide, désespérément vide, car les lecteurs ont d’autres choses en tête, et trouvent d’autres sujet d’intérêt tellement plus passionnants, en famille ou avec les copains et les copines.

Nicolas Sarkozy survivra-t-il donc à cette nouvelle crise des valeurs ? Si personne ne s’intéresse plus à lui, sans doute les citoyens auront à cœur de prendre en main leur destinée, à moins qu’ils ne se nourrissent plus d’illusions depuis longtemps déjà. Les gens et les choses ne valent que grâce à la valeur qu’on leur prête.

 

 


Quand le chef se soumet au jeu des circonstances,
Il se confond bien vite au fond d’un vide houleux
Plein de couteaux qu’on tire et de gens cauteleux,
L’échec s’installe aussi plus tôt dans les instances.

Un mentor sourd qui vient en récitant des stances
Lui parle alors d’un temps qu’il voulait fabuleux,
Mais celui qui s’approche a l’air vraiment calleux,
Et c’est celui des heurts, le temps des résistances…

Mais ce chef se souvient que c’est lui qui soumet
L’éclat d’un rêve heureux qui luit sur ce sommet,
Aussi bien que la pierre allonge un homme à terre.

L’adversaire intérieur n’est pas dans son château !
Il est l’intime emption pour l’enjoindre à se taire,
Quand l’huis de la fonction le prend dans cet étau.