Elections présidentielles : Et les droits des femmes algériennes ?

Elections présidentielles : Et les droits des femmes algériennes ?

Voilà que l’histoire se répète ! Une seule femme parmi les dix-huit candidats aux élections présidentielles ! Et dans cette course à majorité masculine, la question des droits des femmes est-elle inscrite au menu des programmes des ces "lièvres" ? Si d’aucun n’y a pensé, des femmes ont osé revendiquer la fin de l’institutionnalisation de la domination masculine qui régit les rapports hommes/femmes dans la sphère du privé.

Alors, écoutez ! Ecoutez , les sonorités de ce cri qui sonnent comme une musique d’accouchement d’une langue qui chante haut et fort la Liberté.

Madame la Candidate. Messieurs les candidats à la magistrature suprême,

Nous, femmes qui chérissons la vie, aimons la liberté et rêvons d’une vie où nos esprits et nos corps sont libres d’aller et venir au gré de leurs envies et de leurs désirs, vous demandons expressément d’entendre ce cri de la Raison qui jaillit des bas fonds de nos entrailles tenues en laisse par des esprits contorsionnés, ces gardiens du Temple de la moralité, du conservatisme et de l’archaïsme dès lors qu’il s’agit des femmes.

Ah, si vous aviez comme il est dur d’être femme au pays du masculin pluriel ! Qu’il est dévalorisant ce confinement dans un statut de minorité opprimée ! Cette assignation dans une "identité de procuration" ! Ce dépouillement d’une capacité juridique et d’une individualité propre ! Ah, cette domination masculine, c’est-à-dire "la croyance dans la supériorité d’un principe masculin sur le féminin" ! Elle nous colle à la peau ! Et nous voilà contraintes de la porter sur nos corps comme un stigmate !

Que sommes-nous dans cette société à structure patriarcale basée sur le privilège de masculinité et où "l’habitus culturel fonde le culte du père comme noyau et référent essentiel de la norme sociale" ? Et bien, un bien voire un capital "qu’il faut conserver à l’abri du soupçon et de l’offense" afin que notre comportement n’entache pas l’honneur (la horma) de la famille et de la nation par extension.

Comment sommes-nous représentées dans le Code de la famille, document social et juridique qui titre ses origines de la culture coutumière et du droit canon islamique (Fiqh), promulgue en 11984 par une Assemblée nationale à majorité masculine ? De simples objets contraints
d’adopter "un devoir-être" et de nous "sous-mettre "à l’autorité des hommes de la famille, détenteurs des pouvoirs familiaux !

Et nous voilà réduites à des épouses obéissantes ! A des mères dévouées ! A des "filles de"... Et nous nous retrouvons malgré nous, cantonnées dans une fonction de reproduction et de socialisation où la maternité à plein temps est notre unique source d’identité et une fonction sociale qui prime sur toutes les autres. Le silence. La résignation. L’abnégation. "La remise de soi", ces "vertus" féminines de passivité et de soumission sont autant de qualités naturelles profondément ancrées dans les habitus sociaux et moraux. Et gare à celles qui osent braver les règles de cet ordre moral !

Cette vision des rapports sociaux de sexe suscitent deux remarques.

Primo, la construction des genres en "catégories binaires et hiérarchisées" masculin actif et féminin passif est une violation du principe d’égalité entre les sexes prônée dans l’article 29 de la Constitution qui stipule que "les citoyens sont égaux devant la loi, sans que puisse prévaloir aucune discrimination pour cause de naissance, de race, de sexe ..."

Secundo, ce schéma archaïque de la domination masculine semble être largement dépassé. Car en décalage avec la réalité sociétale sans cesse traversée par des mouvements, des interactions et des influences internes et externes qui incitent à des prises de conscience et ainsi à des bouleversements et à des changements.

Savez-vous qu’un grand nombre de femmes ne veulent plus vivre par procuration et refusent d’être des "objets" utilisés comme "des machines caressantes", "maternantes" et "butins de guerre" ? Avez-vous conscience qu’elles ne sont pas de simples reproductrices de la domination masculine ? Mais des êtres avec "une tête, c’est-à-dire une liberté", capables de définir par elles-mêmes ce qu’elles veulent être ?

Les générations précédentes ont rêvé d’une Algérie libérée de ses chaînes coloniales. Au 21ème siècle, nos générations rêvent à leur tour d’une Algérie où les femmes ne sont pas en position d’éternelles secondes.

Alors, 25 années de domination masculine, "barakat" ! (ça suffit). Ne pensez-vous pas qu’il est grand temps de mettre fin à cette violence symbolique, de briser "les menottes forgées par l’esprit" et de libérer les corps et les comportements ? Car les inégalités de genre constituent une entrave au développement de la société et à l’épanouissement de ses membres. Car un genre qui en opprime un autre ne saurait être libre ! Le saviez-vous ?

"Rêve", avez-dit ? Mais ne devrions-nous pas "faire de notre vie un rêve et de notre rêve une réalité" ?

"Utopie", avez-vous rétorqué ? Mais les utopies n’ont-elles pas vocation à devenir les réalités étincelantes de demain ?

Sincères salutations.

Saadia. Noura. Zahia. Sabrina. Meriem. Salima. Fouzia. Bahja... et bien d’autres voix silencieuses !