Baisse des Prix et Pouvoir d’Achat ne font pas bon Ménage

Baisse des Prix et Pouvoir d'Achat ne font pas bon Ménage

Le recul des prix à la consommation, hier souhaité, est agité ce vendredi comme un risque de déflation sous le nez des ménages français qui n’ont pas remarqué la tendance, à vrai dire tout en nuance… Ils attendent donc une communication gouvernementale afin de se faire une religion à propos d’une baisse des prix qu’ils regrettent ne pas avoir vue, et qu’on leur a vendu pendant des mois comme la panacée de la revalorisation du pouvoir d’achat.

Il n’est pas si loin, le temps où le secrétaire d’État à la Consommation Luc Chatel fustigeait les industriels suspects d’entraver la libre concurrence dans les supermarchés. Michel-Édouard Leclerc lui-même se livrait pendant l’été 2007 à une grande campagne d’affichage dénonçant les réticences des grands groupes français de l’agro-alimentaire à faire jouer les règles du marché en toute transparence.

Mais la baisse des prix enregistrée aujourd’hui par l’INSEE n’a plus l’heur de ravir nos fringants libéraux, qui agitent dès à présent le spectre de la déflation sous le nez des consommateurs frileux, dont on a remarqué la veille toute une panoplie d’astuces pour éviter de déverser de pleins chariots de denrées sur le tapis de caisse des supermarchés. Sur un an, le taux d’inflation n’est plus que de 0,7%, son plus bas niveau depuis septembre 1999, alors qu’il avait culminé à 3,6% à l’été 2008 avec la flambée des prix du pétrole.

L’indice des prix harmonisé aux normes européennes (IPCH) a baissé de 0,4% également sur le mois, comme attendu par les économistes interrogés par Reuters, pour un taux annuel de 0,8% qui est le plus bas depuis octobre 1999. Mais une nouvelle fois ce sont les prix de l’énergie, en recul de 2,2% sur le mois et de 9,8% sur un an, qui ont fait la tendance. Les prix des produits pétroliers, en particulier, ont baissé de 3,7% et 18,5% respectivement.

À ce rythme, les économistes s’attendent à ce que le taux d’inflation soit rapidement négatif en France et ailleurs dans la zone euro, mais ils écartent dans leur majorité le scénario d’une déflation, caractérisée par une baisse durable des prix qui finit par peser sur la consommation et la production. L’effet des soldes a joué à plein en janvier avec des prix en baisse de 7,5% dans l’habillement et les chaussures par rapport à décembre, alors qu’à l’inverse les prix ont progressé de 0,6% dans l’alimentation, et même de 4,7% dans l’alimentation hors produits frais.

Les prix baissent effectivement pour les produits manufacturés, ce qui pose des problèmes à bon nombre d’entrepreneurs. Mais tout le monde n’est pas logé à la même enseigne, et les secteurs de l’alimentation, des produits frais, de l’énergie et des transports ont confirmé le renchérissement de leurs produits et services, alors que ceux de l’habillement et des chaussures, des autres produits manufacturés, chutent vertigineusement. Il suffit pour s’en convaincre de jeter un rapide coup d’œil aux graphiques mis à la disposition du public sur le site de l’organisme officiel français des statistiques.


Opération vérité sur les prix

Loin d’être une mauvaise nouvelle, la désinflation actuellement en cours doit être considérée comme une chance, affirme un économiste. La baisse des prix soutient en effet le pouvoir d’achat et la consommation, l’un des derniers bastions résistants de l’économie française, rappelle-t-il. La consommation des ménages a augmenté de 0,5% au dernier trimestre 2008, un chiffre bien supérieur aux attentes que les économistes attribuent précisément à la décrue des prix. Dans un contexte de remontée rapide du chômage, de retournement du marché immobilier et de moral des ménages autour de son plancher historique, le surcroît de pouvoir d’achat lié à la modération des prix est une aubaine, fait-il observer.

Le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, a d’ailleurs noté vendredi que l’inflation tomberait à un niveau très, très bas dans la zone euro cette année et y voit un signe positif : c’est la correction des aberrations passées en matière d’inflation et c’est un élément à la fois désinflationniste et expansif, a-t-il dit lors d’une conférence de presse à Paris. Surtout, les économistes soulignent que l’inflation négative sera de courte durée puisque l’effet de base de l’énergie cessera de se faire sentir à partir de la fin de l’été, les prix du pétrole ayant amorcé leur décrue en août 2008. À moins que, dans un scénario du pire, la chute de l’activité économique en période de récession prenne le relais des prix du brut pour tirer les prix durablement à la baisse.

Ce qu’il serait bon de relever surtout, c’est que les prix baissent dans les secteurs fortement concurrentiels, alors qu’ils continuent d’augmenter dans ceux où la tendance oligopolistique est traditionnelle. Si l’on espère un retournement de tendance uniquement grâce au cours du pétrole, une amère déception risque d’atteindre les ménages, qui n’ont pas le sentiment que quelque chose ait changé dans leur vie…

 

 


L’angoisse a réveillé chez tous nos vieux démons
Tapis dans l’ombre et juste exclus de la mémoire,
Les prix des commerçants sont-ils par l’écumoire
Passés dans une trappe avec leurs beaux sermons ?

Or, nous ne pourrons pas nous offrir ces saumons,
Tant le luxe est sans rire inscrit au grand grimoire
De nos soucis d’antan, vibrants comme une moire
Au seuil du monde ancien où sages, nous dormons.

Un monde en miette aspire à plus de concurrence,
Il s’exprime à son corps défendant dans l’errance
Et d’un souhait pour nous d’un peu de protection !

Ce grand marché se meut autour d’un gros village
Pour étendre à grands frais sur moins de réflexion,
Tel un cyclope inspire un crime au creux de l’âge !

 

Pour consulter le rapport de l’INSEE sur la baisse des prix à la consommation.

Avec AFP, Reuters et Pif-Gadget.