L’Ecrit du Sanglier

L'Ecrit du Sanglier

Si certains écrivains recourent parfois au service d’un nègre pour les aider, les seconder ou les remplacer dans l’écriture d’un manuscrit, l’animal Grolleau a choisi, quant à lui, un sanglier pour se faciliter la plume et s’aiguiser les crocs sémantiques et drolatiques. On peut dire sans emphase que tout le monde se réjouira de cette trouvaille littéraire et grégaire. L’esprit de la forêt et Dame Nature, les premiers. Il y a fort à parier que les critiques littéraires et gastronomiques se régaleront de concert, les épicuriens aussi.

Mille milliards de truffes, cette idée excellente ; et qui pourrait bien remplir l’auge de l’auteur de millions d’euros bien gagnés ; a fait naître un ouvrage noir et rose tout bonnement inclassable et jubilatoire, à ne surtout pas mettre sous les yeux de n’importe quel gland inculte !
Vla-au Vla-au Vla-au ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! Que c’est bon de pousser ce son expiatoire sans aucune sorte de complexe. « L’homme est un sanglier pour l’homme ». Démonstration dans le texte.

Non madame, « Le cri du sanglier » n’est pas un livre comme les autres. De prime abord, c’est un livre objet, joli à regarder, pratique à l’emploi qui se dévore la gueule ouverte comme une encyclopédie d’un autre âge, délicieusement surannée, érudite et joviale.

Balayant les idées reçues, on découvre un narrateur cultivé, bout-en train, à l’humour débridé teinté d’élégance et de bon sens populaire, autant que d’audace canaille et de références philosophiques de premier ordre. Une belle bête à la hure sympathique, aux deux mirettes intelligentes, aux dagues séduisantes, au pinceau pénien de toute beauté, au nez fin et au goût culturel sûr. Un sanglier, un Wilsau bien en chair plein d’esprit, de faconde et de fraîcheur maniant le verbe haut comme aucun être humain ni congénère avant lui.

Ainsi donc sur plus de deux cent pages qui n’ont rien à envier aux pochardes bâclées de Diderot, on se balade dans les feuillages, on fait des cochonneries avec ce nouvel ami bien moins rustre, rural, plouc et lourdingue qu’on ne pourrait croire, on prend plaisir à se vautrer en sa compagnie dans une boue qui fait du bien au corps et à l’âme. Un bain de jouvence pour les sens et les plaisirs intellectuels vivaces du Cortex. Les gorets ont tellement de choses à nous apprendre et on ne le savait que trop peu.

Entre l’essai, le roman, la satire sociale et l’ovni qu’on ne pourra ranger dans quelconque genre, Frédéric Grolleau et ses champs lexicaux en annexe et dans le texte nous offre un petit livre noir tout simplement historique que l’on est heureux de posséder, fier de faire découvrir à la plèbe et à ceux qui considèrent que les achalandages de librairies ne sont plus ce qu’ils étaient.
Dans une tradition séculaire et débonnaire, avec ce qu’il faut de distance et de tact, Grolleau marque de sa patte, de son sabot le monde des lettres et prépare sa statue de sanglierophile à l’orée des bois jolis.

Dans la série « j’apprends-des-mots-tout-en-me-divertissant-et-en-prenant-un-bon-bol-d’air », « Le cri du sanglier » est l’ouvrage qu’il vous faut consommer à feu doux, contre la morosité et la bêtise des hommes.

Vous cherchiez la recette d’un bon Sanglier, ne cherchez plus, voilà la plus succulente qui soit !

Frédéric Grolleau, Le cri du sanglier, Denoël, 252 pages, 16 euros.

Grolleauseries sur le Net

Frédéric Grolleau, Le cri du sanglier, Denoël, 252 pages, 16 euros.

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