Le Havre : Un cabaret sur la chaise « électric »

Le Havre : Un cabaret sur la chaise « électric »

Jamais deux sans trois… Après la pétition des anti-parcmètres, celle qui refuse le démantèlement du Volcan, voici l’appel qui vole au secours du Cabaret Électric, la scène de musiques actuelles du Havre. Faites du bruit !

L’étau se resserre sur le Cabaret Électric, un lieu unique géré par l’association L’Iguane depuis le 1er juillet 2006 dans le cadre d’une délégation de service public. Comme nous l’avons vu récemment, le Cabaret Électric est secoué par la tourmente qui frappe l’espace Oscar Niemeyer où la mairie UMP d’Antoine Rufenacht prévoit un grand ménage. Exit Le Volcan, la Maison de la Culture du Havre (MCH), et, par effet collatéral, bye bye les voisins du Cabaret Électric.

La mairie du Havre va fermer le Cabaret Électric entre juin et décembre 2010. Côté pile, Chantal Ernoult, adjointe au maire en charge de la Culture, assure que la Ville ne remet pas en cause l’existence d’un lieu dédié aux musiques actuelles au Havre. Côté face, aucun semblant de début de discussion ne pointe pour parler de l’avenir de l’équipe du Cabaret Électric, des 207 groupes qui y répètent, du public fidèle qui vient assister à des concerts sans pareils dans l’agglomération.

« L’avenir appartient aux gens qui se bougent le cul ! » Cela pourrait être la devise des sympathisants du Cabaret Électric qui revendiquent haut et fort le droit à la culture musicale électrique. Une pétition a été lancée hier pour qu’une continuité du service public soit assurée et qu’un projet d’équipement ambitieux dédié aux musiques actuelles soit rapidement conçu en concertation avec les acteurs du secteur, les musiciens et le public. Visiblement, la mayonnaise prend. Plus de 800 personnes ont signé dans les premières vingt-quatre heures.

Pendant ce temps, Le Volcan continue à gronder. Les amis de la Maison de la Culture du Havre sont même entrés en éruption à l’occasion de la séance du conseil municipal du 26 janvier. « Le Havre, patrimoine mondial du gâchis culturel », « On solde la culture » pouvait-on lire sur des affiches brandies par une belle assistance rouge de colère. Entre huées et sifflets, Antoine Rufenacht a annoncé sa volonté de décerner à Oscar Niemeyer, 101 ans, le titre de citoyen d’honneur de la Ville du Havre. Pour amadouer le maître ? L’architecte brésilien, plutôt de gauche, va prochainement recevoir la visite du maire UMP. De l’autre côté de l’Atlantique, les discussions tourneront autour des aménagements que la ville envisage pour installer une médiathèque à la place du Petit Volcan et du Cabaret Électric.

Curieuse rencontre en perspective entre l’architecte de renommée internationale et celui qui, il y a trentaine d’année, ne cachait pas son hostilité envers Niemeyer et son œuvre havraise. « Les plus grands artistes peuvent toujours faire des fausses notes », déclarait Antoine Rufenacht dans le Havre Presse du 4 janvier 1977. Alors dans l’opposition municipale, Rufenacht n’appréciait pas du tout « cette grande masse de béton gris dont les formes rappellent, disent certains, des pots de yaourt. » Changement de ton en 2009 en rendant hommage à celui qui « a laissé avec le Volcan une œuvre étroitement associée à l’image de notre ville. » Les voies entre la culture et la politique sont parfois impénétrables. Pour preuve cette autre délibération du 26 janvier qui sonne comme une belle provocation. Le même conseil municipal qui passe à la moulinette la vie culturelle locale a accordé un abattement fiscal (« dans la limite de 5% du produit brut des jeux ») au casino du Havre (groupe Partouche) pour sa participation à la Biennale d’art contemporain 2008...

Le bouillon de culture est en ébullition. À l’occasion d’une conférence de presse donnée le 3 février, Isabelle Royer, présidente de la Maison de la Culture du Havre, a dévoilé une partie de la riposte envisagée contre l’offensive municipale. La délibération du conseil municipal du 26 janvier qui met en selle un Établissement public de coopération culturelle (EPCC) en remplacement de l’actuelle association gestionnaire va être attaqué en référé devant le tribunal administratif de Rouen dès sa publication. Roland Lienhard, avocat au barreau de Paris spécialisé dans les affaires culturelles, estime que la mairie havraise « porte atteinte aux libertés fondamentales ».

De fait, aucune assemblée générale n’a voté la dissolution de la MCH. En remplaçant cavalièrement la MCH par un EPCC, la municipalité tord le cou à la liberté d’association défendue par la loi de 1901 comme par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme. Le comportement de la Ville du Havre, membre de droit de l’association MCH, frôlerait ainsi l’abus d’autorité et la prise illégale d’intérêts. Aucun membre d’association n’a le droit de s’approprier tout ou partie des biens d’une association ! En conséquence, l’avocat de la MCH demande la suspension de la délibération et réclame 7 500€ à la Ville au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative. En attendant l’avis de la justice, la MCH avance des propositions alternatives. Hostile à l’EPCC, elle propose la création d’une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) qui lui permettrait de garder la main sur la gestion du Volcan.

Au-delà du cas du Volcan-Scène Nationale, de l’Éden et du Cabaret Électric, il va falloir mettre les pieds dans le plat de la politique « culturelle » municipale havraise. D’autres structures qui ont fait leurs preuves connaissent des difficultés. L’Illiade (maison des arts du récit), le cinéma Le Studio, la compagnie théâtrale Akté, les « écoles de musique » comme le CEM ou le JUPO... vivent régulièrement dans le doute et l’inquiétude. Ce n’est pas acceptable dans une ville déjà frappée par de nombreux fléaux socio-économiques. Administrateurs, salariés, artistes, adhérents, publics de tous les sites en souffrance doivent se fédérer pour combattre la marchandisation de la culture qui rétrécit chaque jour un peu plus nos horizons et nos libertés.

Pour signer la pétition du Cabaret Électric, suivez ce lien

Vous pouvez tout aussi bien manifester votre soutien en écrivant à zeelectriclink[@]cabaretelectric.fr

Pour signer la pétition du Volcan, suivez ce lien

Pour écouter et regarder un reportage de France Culture sur ce dossier brûlant.