Hervé Vilard, chanteur hors mode, affreusement tendance

Hervé Vilard, chanteur hors mode, affreusement tendance

Ma carrière va mal ! J’ai mal au foie, je regarde ma montre il est à peine 11 heure du matin et pourtant j’ai soif. Alors je décide de m’évader, de prendre le large et de faire comme Renaud : me faire happer par la mère.

Pour faire plaisir à ma génitrice protectrice, j’ai même décidé d’arriver avec le dernier album d’Hervé Vilard : « Cri du Cœur ». Je vous vois déjà en train d’écrire sur les Forums que je suis fou, ruiné pour et par la musique… et effectivement malade à crever. Je suis au bord du gouffre, ce geste de vouloir tenter d’épater la galerie avec l’auteur de « Capri c’est fini » c’est un peu mon chant du signe.

Hervé n’est pas du genre à vendre son come-back commercial à la Salvador ; il est moins vieux et plus ringard encore que l’auteur de Syracuse. Hervé ce n’est pas le genre a se prostituer sur TF1 le Vendredi en prime-time pour avoir la chance de chanter une chanson de Johnny en duo avec Jean-Luc Lahaye ou Bibi.

Non, Hervé c’est le style Pascal Sevran et sa Chance aux chansons, intègre, vieille France, un rien mégalo au point de sortir un album de 13 chansons sur des textes des plus grands poètes (dont lui-même).

Mais apparemment avec cet album c’est un peu plus quand même. Evitant les boursouflures ignobles du chant-parlé pour transmettre au mieux des paroles de M.Duras, Pablo Neruda ou Ionesco, le brave Hervé (qui en a bavé dans la vie) compose des titres ou la musique est aussi importante que le texte chanté. Sur des rythmes de cabaret, avec un rien de manouche dans la touche, son « Signal » de départ prouve aussitôt qu’on a pas affaire au crétin romantique qui nous a tant fait souffrir le dimanche matin sur le pick-up familial. Avec « Les Mains d’Elsa » d’Aragon ou « Un soir au Gerpil », il s’attaque à décaper cette image qui colle un peu trop à ses mocassins vernis. Reprenant « Le Condamné à Mort » de J.Genet sans complexe, il se vêt d’une « Echarpe » de M.Fanon incroyablement belle au toucher.

Le piano, la contrebasse et le joli accordéon font penser à tout sauf à lui. La variété est terminé. Hervé va fermer la Pagode et ranger ses titres ringards qui font danser le samedi soir les quarante-cinquante, pour ouvrir un petit cabaret et interpréter, enfin, des choses tristes et belles à la fois.

Du tango argentin aux rythmes sulfureux, sa voix posée porte ces 13 titres comme l’eau glisse sur les derniers pavés parisiens. Attention il faut tirer le signal d’alarme pour Monument Historique en Perdition qui essaye de se dresser fièrement avant la fermeture définitive des portes. Bien sur, il garde en lui l’obligation de nous en mettre plein la vue avec des rencontres « action-vérité » qui légitiment apparemment son besoin de reprendre des pointures. Je ne vais pas énumérer les Malraux, les René Clair du pauvres qui seraient tombés d’amour pour ce petit gars de l’assistance.

Tout ça on s’en fout. Ce disque est bien foutu. Le travail est bien fait. Accompagné d’un orchestre de jazz, il ne fait presque aucune fausse note sur ce « Cri du Cœur » qui fait oublier en un instant « Méditerranée ». Alors est ce que Tibère pourra enfin passer à autre choses qu’à une énième demande de pousser la chansonnette pour une île du golfe de Naples ? On espère pour lui car il le mérite… enfin.

Cri du Cœur, Hervé Vilard,Trema.

Cri du Cœur, Hervé Vilard,Trema.