Salaires : Sarko en a beaucoup parlé mais c’est Obama qui le fait

Salaires : Sarko en a beaucoup parlé mais c'est Obama qui le fait

L’interview télévisée que Nicolas Sarkozy doit accorder jeudi soir est l’occasion pour lui de s’expliquer sur l’engagement de l’État face aux enjeux de la crise économique et de la récession qui s’avère inévitable, de l’aveu même de Christine Lagarde. Ce qui pose problème depuis plusieurs semaines, est la réticence des chefs d’entreprise et des banquiers soutenus par les deniers publics à faire des efforts personnels alors que les plans de licenciement se succèdent, et à réviser la rémunération de leurs actionnaires, qui se sont bornés à réclamer l’aide publique.

Ce qui scandalise les gens, à juste titre, c’est qu’on récompense des dirigeants pour leur échec, surtout quand c’est le contribuable qui subventionne la récompense… Ces belles paroles, combien de fois ne les avons-nous entendues dans la bouche du président de la République française ! Une première fois pendant la campagne présidentielle alors que Noël Forgeard se prévalait de la totalité de sa rémunération pendant que l’entreprise aéronautique dont il prenait la porte se débattait dans un scandale de délit d’initié, et procédait à des licenciements massifs.

La seconde fois où ce sujet fut abordé, c’était à l’été 2007, puisque nos banquiers émérites se sont laissés prendre à concocter des produits financiers toxiques sans jamais douter qu’ils pouvaient l’être, et prétendaient à toucher un bonus pour leur bonne gestion de la crise des subprimes… Et régulièrement, à chaque annonce de distribution de stock-options concomitante à des résultats désastreux, le sujet revient sur le tapis, et Nicolas Sarkozy donne de la voix, tonne, et se garde bien de ne rien faire !

Du coup, Barack Obama le prend de vitesse et décrète mercredi que les entreprises américaines aidées par l’administration fédérale devront rendre public tous les avantages accordés à leurs cadres et justifier de leur bien-fondé, puis que les dirigeants de ces sociétés ne pourront pas toucher plus de 500.000 dollars par an. Pour lui, rétablir la confiance aux États-Unis fait partie des nécessités impérieuses de la crise, avec un gigantesque plan de relance de plus de 800 milliards de dollars. La question de nouvelles règles de conduite se posant avec d’autant plus d’acuité que la gestion de ce fonds par l’administration républicaine et l’utilisation de l’argent pas les institutions financières ont été très contestées.

Il a répété les mots qu’il avait employés la semaine passée quand il avait poussé son premier coup de gueule en apprenant que les établissements de Wall Street avaient versé 18,4 milliards de dollars de primes à leurs salariés en 2008 alors même qu’ils bénéficiaient du plan gouvernemental de 700 milliards de dollars lancé sous son prédécesseur George W. Bush : c’est le comble de l’irresponsabilité. C’est honteux. C’est précisément ce type de mépris pour le prix et les conséquences de leurs agissements qui a causé cette crise ; une culture d’intérêt personnel étroit et de gain à court terme aux dépens de tout le reste !

Ce n’est pas en France que ce genre de coup d’arrêt pourrait survenir. Il ne s’agit cependant pas d’une question politique, d’un débat sur le libéralisme ou la gestion social-démocrate des affaires publiques, car la question de la moralisation du système est une idée assez bien répandue jusque dans les milieux financiers. Le fait est qu’elle sert de cache-sexe à des administrateurs de société — on a du mal à les appeler entrepreneurs désormais — qui sont pour la plupart issus du sérail des cabinets ministériels, et n’ont de cesse que de bien servir leurs actionnaires et leur propre portefeuille d’actions.

La preuve en est que les 6 banquiers auditionnés mardi par la commission des Finances de l’Assemblée nationale se sont retranchés derrière la réglementation en vigueur pour défendre le principe de la rémunération des dividendes aux actionnaires et le recours aux paradis fiscaux. Ils devient en effet répondre aux questions des parlementaires sur l’utilisation des 360 milliards d’euros alloués pour consolider le capital de leurs banques et les mesures mises en œuvre pour faciliter l’accès de leurs clients au crédit. Ils prendront en compte les caractéristiques de ces plans de soutien pour distribuer des dividendes, plaide Baudoin Prot, directeur général de BNP-Paribas, avant d’affirmer quant à la question des paradis fiscaux, elle n’a jamais été abordée par les pouvoirs publics !

Dans ce cas, il convient de prendre au pied de la lettre les mots que Luc Chatel a prononcés à l’issue du Conseil des Ministres, en ce sens qu’il ne faut pas s’attendre à des annonces répondant aux revendications exprimées jeudi dernier : le but, ce n’est pas une émission consacrée à des annonces. Il y a de grosses inquiétudes, qui se sont exprimées jeudi dernier mais pas uniquement. L’émission de demain n’est pas faite pour les un million et demi de Français qui ont manifesté mais aussi pour les 63 millions de Français qui n’ont pas manifesté, a-t-il déclaré.

Ceux que nous allons entendre à la télévision de la bouche du président de la République risquent donc de décevoir bon nombre de Français, et d’ajouter de la rancœur à leur colère, pour peu qu’ils estiment que ce show n’est qu’une autre tentative pour les enfumer

 

 


Le rang du gros salaire est sans doute inégal
Entre un patron et ceux qui font la révérence
Quand la mesure excuse en fait la différence,
Et l’excès se subit dès qu’il n’est plus légal !

L’homme est peu disposé à un emploi frugal
Or, la crise est propice à plus de tempérance
Alors qu’on apprécie au moins l’exubérance
Que confère un bon mois si ce n’est un régal.

L’ascèse en fin de compte a si peu fait recette
Qu’elle est modérément une intention de cette
Nouvelle année avant d’avoir le ventre à plat.

Ils ne sont pas venus dès que vient la fringale
Pour regarder sans être admis passer un plat,
Et chacun garde espoir d’avoir la martingale.

 


Avec AFP, Reuters et Le Journal de Mickey.