EPR à Penly : l’union sacrée UMP-PCF-PS a gagné

EPR à Penly : l'union sacrée UMP-PCF-PS a gagné

Près de Dieppe, l’UMP, le PCF et le PS sabrent le champagne pour fêter une décision de Nicolas Sarkozy. Un EPR sera construit à Penly. « Une bouffée d’oxygène », clament d’une même voix les élus de droite et de gauche. Rien n’est moins sûr...

On se souvient du curieux attelage normand qui était monté à Paris le 2 décembre dernier pour rencontrer Jean-Louis Borloo, ministre de « l’Écologie ». Conduite par Antoine Rufenacht, la délégation comprenait notamment, parmi une brochette d’élus de droite et de gauche, Sébastien Jumel, maire PCF de Dieppe, qui se déclarait très content de voir son collègue maire UMP du Havre à la tête de cette belle « union sacrée ». Objectif : plaider en faveur de la construction d’un European Pressurised Reactor (EPR) à Penly. Mission accomplie.

Nicolas Sarkozy a tranché le 29 janvier. En plus de sa centrale nucléaire de 2x1300 mégawatts, Penly accueillera le deuxième EPR français. Bon, ça mérite bien une petite trêve au milieu de la tempête sociale. « Merci Sarko », disent en chœur les nucléopathes du PCF, du PS et de l’UD CGT. Sandrine Hurel, la députée PS de Dieppe, est aux anges. Elle assure que leur projet était « le meilleur ». Penly était déjà partant en 2004 pour le premier EPR, mais Flamanville avait alors raflé la mise. « On avait raté le premier parce que les socialistes n’étaient pas très chauds. Cette fois l’union a été totale », explique satisfait Sébastien Jumel. En principe, la construction du réacteur commencera en 2012. Le couplage au réseau est annoncé pour 2017. Ce qui ferait pas moins de sept réacteurs nucléaires en Seine-Maritime avec les deux de Penly et les quatre de Paluel. Tout ça non loin d’un autre département normand fortement nucléarisé, la Manche…

Bon, alors, tout le monde est content ? Pas vraiment ! Les militant-e-s du Réseau Sortir du Nucléaire et de Stop EPR2 ont déjà fait entendre leur voix le 20 septembre dernier à l’occasion d’une séance mouvementée du conseil municipal de Dieppe. Du jamais vu. Enchaînés aux tables, les antinucléaires ont gueulé leurs arguments au mégaphone dans une ambiance garantie très haute tension. Sébastien Jumel pourra toujours dire que la décision de l’implantation de l’EPR a été signée par Sarkozy. Reste que la motion pro-EPR de sa municipalité n’est pas digérée. Bref, Dieppe ne tardera pas à avoir la visite des antinucléaires de tout poil.

Réuni ce week-end en assemblée générale à La Rochelle, le réseau Sortir du Nucléaire (fédération de 842 associations) annonce qu’il organise la résistance citoyenne et entend apporter une contradiction claire, notamment sur la sulfureuse question de l’emploi. D’un côté, EDF et les élus normands prétendent que l’EPR est une bonne nouvelle pour l’emploi. En face, Sortir du Nucléaire explique que c’est totalement faux. « Des études montrent que, pour un investissement égal, les économies d’énergie et les énergies renouvelables créent jusqu’à quinze fois plus d’emplois que le nucléaire. » Pour preuve, le revirement du syndicat allemand IG Metall, ex-pro-nucléaire qui fustige à présent « une technologie vieillissante et arriérée ». Selon Sortir du Nucléaire, « cette conversion s’explique sans peine. En quelques années, les énergies renouvelables ont créé 250 000 emplois en Allemagne, chiffre en augmentation continuelle. À titre de comparaison, après cinquante ans d’investissements massifs, le nucléaire emploie moins de 100 000 personnes en France. » Le projet de construire de nouveaux EPR n’est donc pas seulement irresponsable sur le plan environnemental, il est aussi absurde sur le plan économique. CQFD.

Selon Sébastien Jumel, par ailleurs vice-président du Département, l’EPR représenterait deux mille emplois pendant les cinq ans du chantier et trois cents après. Les écologistes parient sur la création de 11 000 emplois locaux durables si la région mettait vraiment le cap sur les énergies renouvelables plutôt que d’écouter les sirènes du lobby nucléaire.

Une fois de plus, les ringards nucléopathes français font fausse route. « Le 26 janvier, l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena) a été officiellement créée par cinquante pays, notamment l’Allemagne, l’Espagne et le Danemark, qui se sont engagés de longue date en faveur des énergies vertes, poursuit Sortir du Nucléaire. La France, elle, a tout tenté pour empêcher la naissance de cette organisation et n’y participe que du bout des pieds. Il faut dire que la construction d’un nouvel EPR empêchera la France de respecter son engagement européen de 20% d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie en 2020. »

Les gros déboires rencontrés par EDF et Areva sur les chantiers des EPR de Finlande et de Flamanville auraient dû suffire pour mettre aux oubliettes tout nouveau projet d’EPR. Eh bien non, on fonce dans le mur en chantant La Marseillaise. « Le nucléaire est une industrie du siècle passé, dangereuse et archaïque, chère et polluante, assure Sortir du Nucléaire. L’avenir est aux économies d’énergie et au développement des énergies propres et renouvelables. »

Mêmes réactions chez les autres mouvements écologistes. Pour France nature environnement (3 000 associations), il s’agit d’une « erreur historique ». « Il faut en finir avec un modèle énergétique centralisé, fragile en consommation de pointe, inadapté aux territoires et contraire à l’objectif premier de réduction de la consommation d’énergie, négocié lors du Grenelle de l’environnement », dit la FNE. Greenpeace souligne que la « décision absurde » de Nicolas Sarkozy est, en plus, un « déni total de démocratie » qui « signe l’avis de décès du Grenelle de l’environnement ». Côté politique, Laurence Rossignol, secrétaire nationale du PS à l’Environnement, se démarque un peu de ses petits camarades normands en critiquant le « fait du prince » et l’absence de concertation avec les élus, le Parlement et les associations. Les Verts dénoncent « la surdité » du chef de l’Etat « qui préfère le clientélisme industriel au bénéfice des copains, quitte à sacrifier l’intérêt général ».

Lors de l’occupation du conseil municipal de Dieppe, les manifestants protestaient très justement contre la confiscation du débat démocratique en clamant : « La ville appartient à tous ses habitants ». Le slogan piqué aux communistes dieppois a de beaux jours devant lui. Certains vont s’approprier cette belle idée pour expliquer que le nucléaire est une question bien trop grave pour être laissée aux seuls élus locaux. Bien au-delà de Dieppe, parce qu’il s’agit d’un choix de société très périlleux qui engage l’humanité pour des centaines de milliers d’années, tous les Normands, tous les Français et tous les Citoyens du Monde ont légitimement le droit de s’opposer à la folie nucléaire, à Penly et ailleurs.

Dès à présent, le réseau Sortir du Nucléaire annonce son intention d’attaquer en justice les autorisations de construction de l’EPR de Penly. D’autres actions seront bien sûr dans l’air. Nous y participerons. Une lutte à ajouter à toutes celles que nous menons en ce moment contre les mesures sociales et liberticides qui mettent en pièces notre avenir et celui de nos enfants.

La suite sur le site du réseau Sortir du Nucléaire

Le film de l’action antinucléaire pendant le conseil municipal du 20 septembre 2008 à Dieppe.